Apollon ou Dionysos retenant un rinceau de vigne

Applique de mobilier

Égypte > provenance inconnue

Seconde moitié du IIIe siècle - IVe siècle 

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 10,03 cm; L. 4,3 cm; P. 1,45 cm

Os, tibia de boeuf ?

Co. 2125

Commentaire

Etat de conservation

L’applique n’est conservée que dans sa partie supérieure. La ligne de cassure épouse les contours du visage du personnage masculin. Le bord dextre est ponctué de quelques éclats. L’intérieur de la cavité médullaire, sur la partie inférieure, comporte quelques traces de radicelles. De petites taches de couleur ocre rouge, peut-être d’oxyde de fer, s’observent à plusieurs reprises sur les feuillages. Des marques noires grasses couvrent la surface de l’applique, essentiellement les parties saillantes, alors que des restes poudreux grisâtres sont discernables dans les creux.

Description

Le bras relevé au-dessus de la tête agrippant un rinceau de vigne constitue une variante du type du Dionysos Lycien. Emprunté à la statue de bronze de l’Apollon Lykeios, attribuée à Praxitèle, à Euphranor ou à un sculpteur du IIe siècle av. J.-C., ce schéma est adapté à la représentation de Dionysos dès l’époque hellénistique. Des exemples de statuettes en terre cuite ou en bronze attestent la réception de ce prototype. Dionysos, le corps alangui, s’appuie  sur un support ou sur son thyrse, alors qu’il encadre sa tête de son bras levé. Cette posture nonchalante se matérialise par un contrapposto très accusé. Le dieu, généralement nu, à l’exception d’un himation retombant parfois sur ses épaules, offre habituellement un corps juvénile à la ligne sinueuse.

 

Ne subsistent du personnage masculin que son bras droit et son visage, surmontés de souples rinceaux de vigne se terminant par des feuilles à cinq lobes. Tourné de trois-quarts vers la gauche, l’ovale du visage assez plein, est structuré par un nez droit. Celui-ci est prolongé par une petite bouche fermée, aux lèvres pincées et aux commissures tombantes, placée au-dessus d’un menton légèrement prognathe. Les yeux grands ouverts, à la pupille marquée par une faible perforation, se logent sous un front bas. Ce front est couronné par une chevelure traitée en mèches ondulées, s'organisant en bandeaux à partir d’une raie médiane. La mitra, qui ceint fréquemment la tête des divinités, ne se distingue pas ici aisément. La chevelure soignée travaillée en mèches parallèles, souvent ramenées sur la nuque pour former un chignon, correspond à la coiffure féminine qu’adoptent Dionysos ou Apollon à partir de l’époque hellénistique.

 

Aucun élément ne permet d’identifier de manière formelle Dionysos, et donc d’exclure une représentation d’Apollon. Toutefois, la vigne invite davantage à identifier le dieu de l’ivresse et des plaisirs. Plusieurs reliefs en os situent le dieu dans un cadre bucolique, entouré de pampres : le relief en os sculpté d’une figure de Dionysos accostée d’un amour du Walters Art Museum à Baltimore (71.47 : RANDALL 1985, p. 92-93, n° 144), une applique du musée Benaki (18907 : MARANGOU 1976, p. 90-91, n° 20, pl. 9a), l’élément de placage en cinq parties de l’Ashmolean Museum d’Oxford (1912.603+610+613 : MARANGOU 1976, p. 87, pl. 3b; PETRIE, MACKAY 1915, p. 42, pl. XLIX, fig. 5), et un fragment d’os sculpté appartenant au Kelsey Museum (1962-0-0001).

Deux autres pièces convoquant une technique de décor différente proposent aussi cette iconographie. Ces appliques en os ne sont plus sculptées en relief, mais incisées et incrustées de matière cireuse ou résineuse colorée en noir. Sur l’applique conservée au musée du Louvre, le rinceau de vigne se déploie à la droite du dieu (département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, MND 633 : MARANGOU 1976, pl. 4a), alors qu’il jouxte le visage de la divinité portant une couronne égyptisante, sur le fragment conservé dans une collection particulière allemande (RODZIEWICZ 2016, p. 71, fig. 69).

 

La façon dont la figure masculine saisit la tige ondulante mérite d’être précisée. Le sculpteur a pris soin de figurer cette branche contre la paume, emprisonnée par les doigts recroquevillés. Ce détail apparaît par deux fois sur des appliques en os mettant en scène Apollon. La première, qui appartient au Walters Art Museum de Baltimore (71.43 : RANDALL 1985, p. 84-85, n° 121), le montre au repos, reprenant le schéma de l’Apollon Lycien. Son bras gauche est appuyé sur le trépied qui supporte la cithare, tandis que son bras droit recourbé au-dessus de sa tête, retient une branche de l’arbre qui s’élève à sa gauche. La même iconographie se devine sur une pièce lacunaire provenant de l’ancienne collection d’E. von Sieglin conservée à l’Albertinum de Dresde (PAGENSTECHER 1913, p. 230, pl. LIV-4). Ce particularisme dans la position de la main se rencontre aussi sur l’une des deux appliques de la chaire de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle, sculptées d’une figure de Dionysos Lycien environné de rinceaux de vigne (VOLBACH 1976, p. 60, n° 74, pl. 42 ; LEPIE, MÜNCHOW 2006, p. 30). Cette caractéristique iconographique est donc commune aux images d’Apollon et de Dionysos, et perdure jusqu’à la période omeyyade, à laquelle peuvent être assignés les ivoires d’Aix-la-Chapelle.

 

La transcription du rinceau de vigne demande également qu’on s’y attarde. Les tiges décrivent des volutes qui s’inscrivent dans le cadre contraint de la matrice osseuse. Si elles donnent naissance à plusieurs pétioles ou à de larges feuilles, les grappes de raisin ne s’identifient pas clairement sur notre objet. Le schéma général rappelle, en moins soigné, le généreux rinceau chargé de fruits qui s’épanouit sur une applique en os du Brooklyn Museum (37.1631E : COONEY, RIEFSTAHL 1941, p. 35, n° 99). La forme des feuilles à cinq digitations évoque aussi celles qui sont sculptées avec plus de minutie sur une applique du musée du Louvre (Département des Antiquités égyptiennes, E 12610 : DESROCHES-NOBLECOURT, VERCOUTER, 1981, p. 307, n° 334d).

 

Proposer une datation pour cette applique très fragmentaire paraît délicat. Les figures de Dionysos Lykeios environnées d’une vigne luxuriante sont fréquentes sur les oinophoroi aux IIe-IIIe siècles, mais aussi sur certains sarcophages à décor de strigiles du IIIe siècle. La stylisation des mèches de la coiffure du dieu, comme le traitement abrupt des rinceaux de vigne, permettent d’envisager une création dans la seconde moitié du IIIe siècle, ou au cours du IVe siècle. Ces appréciations de style ne s’avèrent pas suffisantes pour établir une datation satisfaisante.

 

Comparaisons 

Pour la figure au bras levé :

-Allemagne, collection privée.

-Ann Arbor, Kelsey Museum, 1962-0-001.

-Athènes, musée Benaki, 18907.

-Baltimore, Walters Art Museum, 71.47.

-Oxford, Ashmolean Museum, 1912.603+610+613.

-Paris, musée du Louvre, DAGER, MND 633.

 

Pour les feuillages :

-New York, Brooklyn Museum, 37.1631E.

-Paris, musée du Louvre, DAE, E 12610.

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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