Porteuse d'offrandes

Tête provenant d'une statue

Égypte > provenance inconnue

Ancien Empire ou Première Période intermédiaire > 2700 - 2200 avant J.-C. > 2200 - 2033 avant J.-C. 

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé

H. 5,8 cm ; L. 5,2 cm ; Pr. 6,4 cm

Co. 2346

 

Commentaire

Etat de conservation

L'objet est en bon état de conservation. Cependant, le bois et la polychromie sont altérés. On observe en surface des traces d'usure (voir en particulier sur la frange), et d’attaques d'insectes xylophages sur le côté droit de la perruque. Sur ce même côté, entre la joue du personnage et sa coiffure, une fente longitudinale entaille profondément la statuette ; partant du cou, elle court jusqu’au niveau de la frange. On remarque également des pertes de matière accidentelles au sommet du crâne et sous le menton. La base du cou et le sommet du crâne ont été sciés, à une époque très certainement proche de sa mise sur le marché de l’art. Un percement circulaire à l’arrière du crâne reste inexpliqué (système de présentation contemporain ?). La polychromie est lacunaire et soulevée par endroits. La sous-couche préparatoire et l’engobe beige rosé qui recouvraient le visage sont partiellement préservés. Les traits de peinture noire qui relevaient les détails du visage sont bien conservés, ainsi que le pigment crème figurant la sclérotique.  

 

Description

Séparée de son corps d’origine, cette tête de statuette arbore une perruque boule étagée de six rangs, couvrant les oreilles. Les couleurs  sont partiellement conservées : la carnation est rosée, les cheveux, les sourcils, le contour des yeux et l'iris sont noirs, et la sclérotique est blanche. Les traits et l'expression du visage sont remarquablement conservés. Les rangs de la perruque sont bien séparés les uns des autres par un léger décrochement. Entre les mèches, la couche picturale noire est épaisse. Les yeux en amande, grands ouverts, sont élégamment soulignés d'un trait de fard noir, terminé par une pointe à l'intérieur de l'œil. Le nez, petit et rond, est légèrement aplati. Les joues arrondies, et le menton menu forment un visage ovale. Enfin, la bouche est pleine et bien dessinée ; elle est souriante. La lèvre supérieure avance très légèrement sur la lèvre inférieure. La qualité de l'objet se ressent à travers ses admirables proportions.  
 
Le fragment qui subsiste rend difficile la reconstitution du corps d’origine de la statuette. Le type de perruque permet cependant de supposer que la tête est féminine (HARVEY 2001, p. 656 : critère Wf.4b). On peut par ailleurs émettre des suppositions concernant sa gestuelle d'origine grâce à une statuette en bois complète présentant une chevelure similaire, conservée au Yale University Museum (Inv. N° 1956.33.48 in HARVEY 2001, p. 20 et 100). La dame du musée de Yale est nue ; elle se tient debout, les pieds joints, les bras ballants le long du corps, les mains ouvertes contre les cuisses. Si la statuette du musée Rodin Co. 2346 ressemblait à celle du musée de Yale, il faudrait y voir l’image d'une maîtresse de maison défunte, représentée dans la fonction de gestionnaire du foyer.  
 
Cependant, il faut remarquer que les pertes de matière au sommet du crâne, vraisemblablement causées par un outil moderne, laissent à penser qu'un élément en bois se trouvait enchâssé dans la perruque. Cette statuette correspondrait dans ce cas à l’image d'une porteuse d'offrandes. Les porteuses d'offrandes se caractérisent par la présence d'une corbeille posée sur la tête, maintenue en équilibre avec la main gauche, le bras droit reposant habituellement le long du corps, ou tenant un vase ou une volaille. Elles portent une robe fourreau, moulante et très serrée, et arborent une position dynamique, le pied gauche en avant (VANDIER 1958, p. 147-148).  Ces statuettes, personnification d'un domaine funéraire, étaient placées dans la tombe du défunt pour lui apporter –symboliquement- la nourriture nécessaire à sa survie dans l'au-delà (JACQUET-GORDON 1962 : noms de domaines et leur personnification). Ce type de statuaire, très particulier, se répandit à la période Hérakléopolitaine (Première Période intermédiaire).  
 
Il ne faut néanmoins pas négliger une troisième hypothèse, celle que nous serions en présence d'une tête masculine. Établir un parallèle avec la statue bien plus tardive d’un prêtre est édifiant (Musée du Louvre Inv. N° E7692, ancienne collection G. Posno) (PERDU 2012, p. 308-315 : notice n°26). Réalisée en alliage cuivreux au plomb, elle date vraisemblablement de la XXVème dynastie (780 – 715/656 av. J.-C.), période où il était fréquent que les sculpteurs égyptiens s’inspirent, voire copient, des statues d'époques plus anciennes. L’homme est debout, vêtu d'un pagne, dans l'attitude de la marche, la jambe gauche en avant. Le bras droit pend le long du corps, main fermée ; le bras gauche est plié et relevé, plaçant le poing serré à la hauteur des pectoraux. La présence d'un percement dans ce dernier laisse à penser qu’il tenait une canne ou un sceptre, aujourd'hui disparu. Il arbore une perruque ronde à étages du même modèle que celui de la tête en bois Co. 2346, couvrant les oreilles, aux mèches striées et aux étages séparés les uns des autres par un décrochement. Sur le sommet du crâne, on remarque un petit disque central à partir duquel les mèches vont en rayonnant. Il est possible que le manque au sommet de la tête de la statue en bois Co. 2346 correspondrait à un disque semblable. Un parallèle peut également être établi avec la statuette en bois d’un homme datée du milieu de la XIème à la XIIème dynastie (2033 - 1786 av. J.-C.), achetée en 1911 au Caire, de provenance inconnue (JØRGENSEN 1996, p. 154-155 : notice n°61). 
 
Le côté fragmentaire de la tête Co. 2346, qu’elle soit féminine ou masculine, rend complexe sa datation. Le style caractéristique de la perruque et la taille supposée de la statuette permettent de suggérer une datation située entre la fin de l'Ancien Empire (2700–2200 av. J.-C.) et le début de la Première Période intermédiaire (2200-2033 av. J.-C.). On note cependant que la perruque présente une différence notable avec les modèles de référence de l'Ancien Empire, qu'ils soient féminins ou masculins. En effet, les mèches sont plus épaisses et les étages plus larges (CHERPION 1989, p. 55 : critères de datation grâce aux perruques; HARVEY 2001, p. 656 : critère Wf.4b).  
 
Il semble le plus probable que la tête Co. 2346 appartienne à une porteuse d'offrandes provenant d’un équipement funéraire. La tête figure dans ce cas les traits de la maîtresse de maison, propriétaire de la tombe ou épouse du défunt.  
 

 

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 184, "Tête en bois peint perruque à cinq étages, haut. 5 cent. Et demi, estimé dix francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

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