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Dionysos Lykeios soutenu par un jeune satyre

Applique de mobilier

Égypte > provenance inconnue

Seconde moitié du IIIe siècle - IVe siècle ap. J.-C. ?

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 12,88 cm ; L. 4,15 cm ; P. 1,55 cm

Os, humérus gauche de boeuf

Co. 2232

Commentaire

Etat de conservation

L’applique est conservée aux deux-tiers de sa hauteur. Des manques sont observables en partie inférieure (jambes lacunaires), sur le bord dextre et surtout sur le bord senestre. Le coude du bras droit est brisé tandis que le bras gauche n’a pas subsisté. La partie inférieure du bras droit est constituée d’un éclat engendré par le délitement de la matière osseuse, qui a été recollé.

Description

Dionysos, au corps gracile et aux traits juvéniles, est figuré nu, accompagné sans doute d’un jeune satyre dont on ne distingue que la tête, appuyée sur le côté gauche du torse du dieu. Le bras droit relevé au-dessus de sa tête, ainsi que la forte inclinaison de son buste, sont calqués sur les nombreuses versions existant du type de l’Apollon Lykeios, décrit au IIe siècle ap. J.-C. par Lucien de Samosate (Anacharsis, ou les Gymnases, 7). Un contrapposto appuyé accompagne le bras plié nonchalamment au-dessus de la tête.

 

La figure de Dionysos ivre, supportée par un silène ou un satyre, se rencontre couramment dès l’époque hellénistique, dans la plastique de petite taille, essentiellement dans les domaines de la céramique et de la toreutique, puis semble gagner la statuaire au cours du Ier siècle av. J.-C. Ce groupe, dont les variantes vont être multiples à l’époque impériale, puis dans l’Antiquité tardive, pourrait être le fruit d’une transposition de modèles athéniens célèbres du IVe siècle av. J.-C : le groupe d’Éros et Dionysos de Thymilos cité par Pausanias (Description de la Grèce, I. Attique, 20, 2), et de Dionysos ivre soutenu par un satyre de Praxitèle, évoqué par Pline l’Ancien (Histoire naturelle, XXXIV, 69-70). A la figure abandonnée de Dionysos, se substitue parfois, à l’époque romaine, la figure de Dionysos Lycien issue du cercle praxitélien (cf. SCHRÖDER 1989 ; GASPARI 1986, LIMC III, p. 449-450 ; HOLTZMANN 1993, p. 251-256). Cette formule iconographique apparaît sur deux groupes statuaires en marbre de petite taille découverts en Égypte, rappelant le type Grimani : le groupe décoratif Ma 2629 du musée du Louvre, mis au jour en Basse-Égypte (GASPARI, 1986, LIMC III, n° 280, p. 450, n° 280, pl. 326), et un trapézophore exhumé à Abou Mina (cf. ENGEMANN 1998). Cette dernière œuvre, datable de l’époque antonine, s’inscrit dans la production des trapézophores attiques qui exploitent souvent ce thème. Au cours du IIIe siècle, nombre de sarcophages à iconographie dionysiaque incluent aussi, au sein du cortège, un satyre enlaçant Dionysos pour mieux le retenir (cf. GASPARI 1986, LIMC III, p. 550, n° 119, p. 554,n° 186).

 

Sur notre applique, le satyreau dont ne subsiste que le visage, paraît particulièrement proche de Dionysos. Une applique en os du musée gréco-romain d’Alexandrie, sculptée d’une représentation de Silène plongé dans un état d’ébriété avancé, secondé par deux jeunes satyres, révèle la même proximité entre la figure adulte, et le faune dont la tête s’appuie contre les chairs affaissées de son compagnon (13291 : BONACASA-CARRA 1995 p. 280, pl. XXV-1 ; TÖRÖK 2005, p. 57-58, n° 12).

 

Le visage du satyreau préservé sur l’élément de placage du musée Rodin renvoie non pas à satyre adolescent de taille presque égale à celle de Dionysos, comme sur certains sarcophages (cf. Baltimore, Walters Art Museum, 23.37), ou diverses mosaïques (pavement du triclinium de la maison de l’Aiôn, site de la verrerie, quartier de Trinquetaille à Arles), mais d’un jeune âge ou de très petite taille (cf. sarcophage conservé à la Villa Médicis : MATZ 1969, vol. 3, p. 378-380, n° 210 ; mosaïque du musée archéologique d’Hatay, Antakya, 861A : AUGÉ & LINANT DE BELLEFONDS 1986, p. 522, n° 82, pl. 413). Cet os sculpté du musée Rodin semble bien être le seul, peut-être avec le Co. 2121, parmi les collections à ce jour répertoriées, à convoquer le détail iconographique du jeune satyre (DELASSUS 2020, p. 49, n. 8, p. 61, n. 90, fig. 9 p. 80).


Derrière le bras droit de Dionysos, retombe un pan de l’himation qui couvre son dos. La cassure du bord droit, qui semble suivre la ligne du bassin et de la cuisse gauche, confère une position peu naturelle aux jambes, qui devaient, selon toute vraisemblance être croisées, le poids du corps reposant sur la jambe droite. On notera également l’exceptionnelle étroitesse du bassin. La ligne sinueuse du corps, ainsi que les formes douces du torse, sans indication de la musculature, répondent aux critères de représentation de Dionysos qui prévalent à partir du IVe siècle av. J-C. Les chairs lisses du buste effilé et souple, renvoient aux appliques Co. 2071, Co. 2135-2152, Co. 2099 de la collection Rodin, ou 18920 du musée Benaki à Athènes, sur lesquelles la structure musculaire du torse ne transparaît presque pas (cf. MARANGOU 1976, p. 88, n° 4, pl. 3a).

 

Le visage est orienté de trois-quarts vers la gauche, la torsion des muscles du cou et les clavicules étant matérialisées par des incisions. La chevelure partagée en deux à partir du sommet du front, s’organise en mèches torsadées, nouées probablement en un chignon sur la nuque et venant pour certaines, mourir sur les épaules. Un aplat non sculpté marque le sommet du front, comme sur les appliques Co. 2071Co. 2135-2152Co. 2099 et Co. 2242 du musée Rodin. Autour d’un nez fort, des yeux rapprochés au dessin tombant se logent sous des arcades sourcilières accentuées. Le traitement des yeux rappelle fortement ceux de la divinité sculptée sur l’applique Co. 2242.

 

Le visage aux joues pleines et à la mâchoire carrée se termine par une petite bouche fermée aux lèvres épaisses, dont la commissure droite a été profondément creusée de façon quelque peu maladroite. L’hésitation dans le rendu de trois-quarts du visage a généré un léger enflement de la joue gauche, trait que l’on remarque également sur l’applique Co. 2242, mais de façon encore plus prononcée. L’étroite analogie formelle existant entre les visages des deux appliques mérite d’être soulignée. La ressemblance dans le traitement de la coiffure, ainsi que dans l’aspect du visage, invite à se demander si les deux œuvres ne seraient pas nées des ciseaux du même artisan. Toutefois, la qualité sculpturale ainsi que le degré d’achèvement des deux pièces diffère grandement.

Le visage et la coiffure relèvent d’un style observable sur les appliques 18910 du musée Benaki (cf. MARANGOU 1976, p. 75, 90, n° 19, pl. 8c), de l’applique vendue en 2013 par Royal Athena Galleries, et une pièce exposée à la Getty Villa de Malibu (71.AI. 190), même si la sculpture de cette dernière apparaît beaucoup plus frustre, indiquant peut-être que la pièce n’a pas été achevée. Le traitement du corps pourrait rappeler des appliques attribuées au milieu du IIe siècle par L. Marangou, mais la déformation du visage, la stylisation des mèches de cheveux, comme celle du museau de la panthère, ne permettent pas réellement d’envisager une datation avant la fin du IIIe siècle ou le IVe siècle.

 

Comparaisons 

-Athènes, musée Benaki, 18910.

-Malibu, Getty Villa, 71.AI. 190.

-Paris, musée Rodin, Co. 2099Co. 2242.

-Vente New York-Londres, Royal Athena Galleries, 2013, HG1286C, ancienne collection du Dr. G. H., El Cajon, Californie, acquis de Royal-Athena Galleries, juillet 1982.

 

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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