Stèle funéraire de Nebsouménou

Egypte > région thébaine, probablement

Fin du Moyen Empire à Deuxième Période intermédiaire

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 47,6 CM ; L. 29 CM ; P. 5 CM

Calcaire polychrome

Co. 982

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est en bon état de conservation : complète, avec seulement quelques cassures sur les bords. La surface est néanmoins couverte de petits éclats et le revers de traces d’outils.

Description

La composition de cette stèle funéraire cintrée au nom de Nebsouménou est divisée en quatre registres.Une incision encadre toute la composition. Au niveau du cintre, le dieu chacal Oupouaout occupe le premier registre. Il apparaît ici couché sur un support semblable à un autel, qui se distingue du pavois plus traditionnel. Face à lui, une inscription incisée en deux colonnes rappelle qu’il est le « Maître d’Abydos ». C’est donc en tant que gardien de la ville d’Abydos et que protecteur du défunt qu’il est ici représenté. Sa fonction est d’écarter, pour l’éternité, toute force hostile.

 

Trois lignes de texte hiéroglyphique composent le deuxième registre. Il s’agit d’une formule d’offrande dédicacée à Oupouaout par l’intermédiaire du souverain pour le ka de Nebsouménou, dont la fonction et le titre sont « doyen de la salle d’audience » (sur ce titre, voir WARD 1982, p. 152, n°1309). Nebsouménou exerçait donc probablement des fonctions palatiales. Son identité est précisée par le nom de sa mère. L’usage de décliner sa filiation maternelle et non paternelle apparaît à la Deuxième Période intermédiaire et est particulièrement manifeste à la fin de la période (voir GALAN, MENENDEZ 2011, p. 150 ; WHALE 1989, p. 264).

 

Au troisième registre, le défunt (Nebsouménou) et une femme (restée anonyme mais très vraisemblablement image de son épouse), sont placés de part et d’autre d’une table d’offrandes sur laquelle sont disposées différentes victuailles végétales, carnées, des pains et un vase. Les deux personnages sont assis avec élégance sur de grands sièges d’apparât, au dosseret recouvert d’un coussin et à pattes de lion. La dame est vêtue d’une longue robe moulante dont le décolleté est soigneusement plissé. Sa tête est coiffée d’une longue perruque tripartite, son cou orné d’un collier à un rang de perles, ses deux poignets de bracelets en forme de jonc. Dame de la bonne société, elle respire le parfum d’une fleur de lotus tenue dans sa main droite et étend sa main gauche vers l’amoncellement d’offrandes. Le geste de respirer la fleur de lotus symbolise en particulier la régénération des vivants, celle-ci ayant une forte connotation solaire et son parfum permettant de maintenir les sens en vie (voir THIMES 2016, p. 44-49). Face à elle, le bras droit tendu en direction de la table, Nebsouménou replie le bras gauche replié vers sa poitrine, son poing serrant une pièce d’étoffe. Les deux personnages sont représentés à une échelle identique. Afin d’assurer la subsistance de son ka dans l’au-delà, cette scène d’offrande et le texte de la formule incisée au registre supérieur avaient vocation à permettre l’apport permanent de nourriture au défunt, et par extension à ses proches. L’immortalisation de cet apport d’offrandes en le gravant dans la pierre, à travers les stèles ou les parois des tombeaux, permettait de rendre éternels les cultes funéraires initialement entretenus par des officiants religieux.

 

Au quatrième et dernier registre, trois personnages sont représentés. De gauche à droite on aperçoit tout d’abord, debout et s’avançant vers la droite, « l’escorteur » Amény, dont le nom et la fonction sont indiqués sur la colonne de texte gravée devant lui. La « maîtresse de maison » Satsobek, la mère du défunt, se tient devant lui. Son identité est gravée dans la colonne d’inscription placée devant elle. Satsobek est assise sur le sol. Tournée vers la droite, un genou relevé, elle respire le parfum de la fleur de lotus qu’elle tient dans sa main gauche. Face à elle se trouve un homme dans la même position, tourné vers la gauche. La ligne d’inscription placée au dessus de lui rappelle qu’il s’agit de Montouaâ, « porteur du scribe du vizir ». Les trois personnages du registre sont désignés comme « juste de voix », ce qui laisser penser qu’ils étaient défunts au moment de la commande de cette stèle. Le lien de parenté entre Nebsouménou et les deux personnages masculins du registre inférieur n’est pas précisé. Il est possible de restituer que, dans la mesure où Moutouaâ est représenté dans une posture identique à celle de la mère du défunt Satsobek, il ait été le père de Nebsouménou.

 

On observe des traces d’un engobe préparatoire jauni sur l’ensemble de la face. On note aussi de fortes teintes roses foncées, qui laissent suspecter qu’il s’agit des traces d’un enduit, peut-être appliqué à une époque bien postérieure. Cet enduit est particulièrement visible dans la partie inférieure de la stèle, recouvrant également le corps de la dame placée au centre du dernier registre, au lieu de faire montre du jaune conventionnel pour les corps féminins. Cette coloration rouge de la stèle Co. 982 fait écho à celle observable sur la stèle Co. 3387. Le revers n’a pas reçu de finition et a conservé toutes les traces d’outils. La présence du dieu Oupouaout sur le cintre des stèles est fréquente à partir de la seconde moitié de la XIIe dynastie (MALAISE 1984, HÖLZL 1992). Il est probable que celle du musée Rodin date d’une période légèrement plus récente, la Seconde Période intermédiaire, en particulier sur la foi d’indices paléographiques (forme du signe hotep, graphie des formules d’offrandes « des bovins et des volailles » : ILIN-TOMICH 2017, p. 8-13). Une stèle assez similaire a été trouvée dans le temple de Karnak (BAZIN, EL-HENANY 2010). Il semble que la plupart de ces stèles étaient produites dans des ateliers thébains, pour être ensuite installée dans différentes nécropoles, notamment des nécropoles plus éloignées, dont celle d’Abydos. Sans contexte de découverte ou d’achat, il est difficile d’émettre une hypothèse certaine sur la provenance de cet objet.

 

Cette stèle, s’inscrivant dans la tradition des stèles funéraires qui fleurissent tout particulièrement dans les régions thébaine et abydénienne au Moyen Empire, reflète l’évolution des croyances et des pratiques funéraires à cette époque, avec la montée en importance du dieu Oupouaout et la multiplication des stèles privées. Contrairement à beaucoup de ces objets de facture plus soignée, aux personnages traités en relief, la stèle du musée Rodin alterne entre la simple incision et un léger relief dans le creux. Le sculpteur a réalisé un travail précis, maîtrisé mais hâtif (voir en particulier au registre inférieur, le personnage de gauche).

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

Boreux 1913 : Meudon, Objets non en vitrine, salle des antiques, 544, Stèle en calcaire jadis peinte en rouge, d’une gravure et d’une épigraphie détestables. Dans le cintre, représentation du chacal [hiéroglyphes] tourné vers la droite. Au-dessous 3 lignes horizontales d’hiéroglyphes, donnant le nom du [hiéroglyphes], né de la dame [hiéroglyphes]. Sous cette légende deux registres de représentations, dans le premier un homme et une femme assis chacun d’un côté d’une table d’offrandes, dans le second 3 personnages (un homme et une femme agenouillés et un homme debout – 47 ½ x 28 ½. Estimée cent francs.

Donation Rodin à l'État français 1916.

Commentaire historique

La stèle était exposée dans le musée des antiques à Meudon en 1913.

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