Égypte > provenance inconnue
IVe -Ve siècle ap. J.-C. ?
H. 1,6 cm ; L. 11,5 cm ; ép. max. 0,8 cm
Os, tibia de bœuf
Co. 2321
Égypte > provenance inconnue
IVe -Ve siècle ap. J.-C. ?
H. 1,6 cm ; L. 11,5 cm ; ép. max. 0,8 cm
Os, tibia de bœuf
Co. 2321
La partie dextre de ce long élément de placage est brisée. Le chant sommital, côté dextre est fragilisé par une fente. La pièce présente une teinte jaune, modifiée par une tache d’oxydation qui s’est répandue sur la zone dextre, sur le chant supérieur et la volute, et au revers. Des stigmates laissés par des radicelles couvrent les deux faces, ainsi que les bords. On observe de nombreuses concrétions ou sédiments gris dans les creux, et en certains endroits, au dos. Quelques petites taches noirâtres et ocre ponctuent la face principale et le chant sommital.
Cette baguette longue et étroite constitue la partie supérieure de la corbeille d’un chapiteau Au centre est sculpté le fleuron très stylisé, qui marque habituellement l’axe du chapiteau. Il est ici entouré de deux tiges d’acanthe étirées à l’horizontale, donnant naissance aux volutes d’angle. Alors que sur le schéma classique du chapiteau corinthien, les volutes se déploient vers les angles supérieurs du calathos, le bourgeon ou fleuron vient garnir le plus souvent le milieu de l’abaque. L’abaque et le haut de la corbeille semblent donc fusionner sur cette applique. L’élément de placage venait sans doute surmonter un chapiteau de pilastre corinthien. Sa largeur inédite permet d’envisager son intégration à décor de grande taille décorant un volumineux coffret, un meuble imposant, des portes ou même un mur. On peut aisément imaginer que le pilastre pouvait avoisiner les trente ou quarante centimètres de haut (DELASSUS 2020, p. 71 n. 143, fig. 15b p. 84). Les sources littéraires attestent l’usage abondant qui est fait de l’ivoire dans le décor architectural des palais de l’époque hellénistique en Égypte (MARANGOU 1976 p. 64 ; RODZIEWICZ 2016 p. 29). Athénée de Naucratis, reprenant Callixène de Rhodes à la fin du IIe siècle après J.-C., livre dans les Deipnosophistes une description du Thalamegos, bateau construit par le souverain lagide Ptolémée II Philadelphe à la fin du IIIe siècle avant J.-C. à Alexandrie (Deipnosophistes, V, 204-206). Le vaisseau était doté d’un propylée d’ivoire et de bois précieux à la proue ; à proximité ouvrait une salle à manger aux portes plaquées de bois relevé d’ornements en ivoire, décorée de colonnes surmontées de chapiteaux en ivoire et d’une frise figurée, sculptée également dans le même matériau. Bien que peu d’éléments de ces répliques à taille réduite d’architecture monumentale subsistent pour les périodes ptolémaïque et romaine, il est fort probable que de tels décors intérieurs introduisant des appliques en ivoire ont dû exister.
Sans réel équivalent, le relief du musée Rodin peut être rapproché de trois moitiés de chapiteau ionique, aux proportions similaires. La première applique est conservée au musée Benaki à Athènes (18727 : MARANGOU 1976, n° 243 p. 130, pl. 70a), la seconde provenant des fouilles menées à Alexandrie par E. von Sieglin appartient aux collections de l’Albertinum Museum à Dresde (PAGENSTECHER 1913, p. 231, pl. LVI, 1), et la dernière a été exhumée à Césarée Maritime (AYALON 2005, n° 355 p. 94, p. 294-295). D’autres chapiteaux de pilastre renvoient également à notre pièce. Il s’agit des chapiteaux de pilastre du coffret du tombeau de Namôsas situé à Haïfa, dont le décor est aujourd’hui conservé au musée du Louvre (AO 3087 : CAUBET & GABORIT-CHOPIN 2004, n° 99 p. 90-92), ou un exemplaire très proche provenant de Césarée Maritime (AYALON 2005, n° 354 p. 94, p. 294). La longueur de l’abaque de ces pièces, légèrement plus courte que la nôtre, permet d’estimer de manière approximative la taille de l’ensemble du décor auquel participait le relief en os du musée Rodin.
Les éléments de micro-architecture mis au jour à Kenchreai (Cenchrées), port du golfe Saronique de Corinthe en 1964, par une mission de l’université de Chicago, livrent un témoignage de premier ordre quant au parement de meubles de prix durant la fin de l’Antiquité (OLCH-STERN & HADJILAZARO-THIMME 2007, fig. V.22a p. 197, pl. V. 1). Associés à des vestiges de mobilier découverts en partie immergés dans une salle à abside ornée d’un bassin octogonal, ils devaient garnir les façades de cabinets ou d’armaria dont plusieurs restitutions ont été proposées (OLCH-STERN & HADJILAZARO-THIMME 2007, p. 281-294 ; RODZIEWICZ 2016 p. 137-145). On trouve également la présence de chapiteaux miniatures au sommet des pilastres cannelés scandant la frise d’ivoire de la Hanghaus 2 d’Éphèse (DAWID 2003, pl. 9, 11-13).
Il demeure difficile de relier cet élément de placage en os à une période précise. Toutefois, le remplacement des hélices au centre de la partie supérieure de la corbeille du chapiteau par le fleuron de l’abaque semble indiquer un éloignement du type du chapiteau corinthien classique. Aussi peut-on proposer, de façon un peu arbitraire, une production au IVe-Ve siècle.
Anépigraphe.
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.