Éros remplissant une corbeille de fruits

Applique de mobilier

Égypte > provenance inconnue

IVe siècle ap. J.-C. ?

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 6,5 cm ; L. 4,25 cm ; P. 1,52 cm

Os, humérus droit de bœuf

Co. 2178

Commentaire

Etat de conservation

La pièce est lacunaire sur tous ses côtés, à l’exception d’une petite partie du bord senestre. Une fissure la fragilise à mi-hauteur. Située au niveau du bassin de la figure, elle apparaît plus nettement au revers. Des petits éclats endommagent les fruits qu’abrite la corbeille. Bien qu’on puisse distinguer quelques légers fendillements sur la face principale, ceux-ci se confondent avec le souvenir du tissu osseux spongieux, avant tout discernable sur les jambes de l’amour.

 

Subsistent aussi des sédiments, concentrés principalement dans les creux de l’osier du panier, ainsi que de discrètes taches noires. La paroi interne de la cavité médullaire porte des stigmates blanchâtres laissés par des radicelles, alors que la pièce était enfouie.

Description

L'Éros, entièrement nu, se tient devant un panier dont le sommer parvient à sa taille. Son corps est orienté vers la droite. Alors que les jambes sont vues de profil, le buste, penché légèrement en avant sur la corbeille, devait être sculpté de trois-quarts. Doté de membres courts et potelés, l’amour s’inscrit dans la lignée des représentations d’Érotes sur les reliefs en os et en ivoire d’époque romaine. Ses jambes extrêmes robustes et solides renvoient à celle de la silhouette aux formes lourdes de l’applique Co. 2119. De sa main gauche, la figure enfantine s’appuie sur le contenu d’une haute corbeille en vannerie. Les fruits charnus, de forme globulaire, sont superposés sur deux rangs. Le corps du panier évasé se compose de deux registres tressés, rendus par des incisions obliques, et scandés par des cordons en relief.

 

L’association de cet amour à une corbeille chargée des produits de la Terre permet de le relier de toute évidence aux Karpophoroi. Ces petites figures amorinesques sont traditionnellement représentées aux côtés de Gê, portant des plats ou des paniers regorgeant des ressources dispensées par la Terre (pour un exemple parlant, voir la mosaïque de l’Aiôn de Shahba-Philippopolis). Il semble que ces figures allégoriques aient joué un rôle non négligeable dans un phénomène qui se fait jour sous les Antonins : le remplacement fréquent des images féminines des Saisons par des génies ailés masculins (STUVERAS 1969, p. 51-52). La prolifération, au cours du IIIe siècle, de ces génies saisonniers dans l’art funéraire (cf. sarcophage aux Saisons, musée du Louvre, Ma 1046 - MR 712), ou encore dans les mosaïques de pavement (mosaïque des saisons provenant de Séleucie de Piérie, Richmond, Museum of Fine Arts, inv. 51.13), révèle un engouement pour ces figures.

 

L’automne, qui correspond à la période des vendanges, prend les traits d’un jeune garçon ailé, portant un panier empli de grappes de raisin. C’est ainsi que sont dépeintes nombre de ces personnifications sur les éléments de placage en os, qu’ils soient sculptés en relief, ou incisés et rehaussés de résine colorée. Mais cette iconographie vient alors s'enchevêtrer avec celles des amours bacchiques, qui accompagnent le thiase dionysiaque ou s’y réfèrent (AUGÉ, LINANT DE BELLEFONDS 1986, 1. p. 946-947, 2. p. 674). Le thème des Érotes vendangeurs, apprécié dès l’époque hellénistique, continue à être privilégié à la fin de l’Antiquité (BLANC, GURY 1986, 1. p. 1011-1015, 2. p. 711-714). En témoignent un textile, comme la Tenture aux amours vendangeurs conservée au musée du Louvre (E 27205: RUTSCHOWSCAYA 1980, p. 147-149), ainsi que trois reliefs en os sculptés du musée Rodin : Co. 2106, Co. 2239, Co. 2260. Accordant la destinée humaine au cycle de la végétation, ces Érotes se dotent aussi, en lien avec le mythe dionysiaque, d’une connotation funéraire.

 

Alors que la plupart des amours décorant les placages en os, portent devant eux, ou au-dessus de leur tête, une corbeille lourde de fruits, la figure de notre exemplaire paraît remplir la corbeille qui se trouve à ses pieds. Cette attitude, que l’on rencontre sur certains sarcophages, indique que notre Éros était sans doute accompagné par d’autres amours effectuant la cueillette. Le Diptyque en ivoire d’Hélios et Séléné, conservé au musée municipal de Sens (2017.0.ARC.126 : VOLBACH 1976, p. 54, n° 61, pl. 33), présente en partie supérieure du volet consacré au triomphe d’Hélios, une scène de vendange intégrant une petite figure remplissant un panier. Bien que plus tardive, cette illustration du Ve siècle montre la survivance et l’évolution du schéma proposé par le fragment du musée Rodin. En dépit d’une rapidité d’exécution, ou de gestes mal maîtrisés, la recherche de volume qu’affiche notre relief le démarque d’autres spécimens voués au même thème, plus plats. Le soin apporté au panier l’associe à une applique sculptée d’un satyre (Co. 2086), et au fragment au dieu Pan (Co. 2143), appartenant aux collections du musée Rodin. Sur le plan du traitement des formes et de l’approche technique, cette pièce lacunaire souscrit à une hétérogénéité de style, caractéristique du IVe siècle. 

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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