Éros portant une coupe : personnification de saison ou de mois

Applique de mobilier

Égypte > provenance inconnue

IVe – Ve siècle ap. J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 8,45 cm ; L. 4,6 cm ; Ep. 0,45 cm

Os, scapula de bœuf

Co. 2147

Commentaire

Etat de conservation

De forme rectangulaire, l’applique est cassée sur toute sa partie dextre, la ligne de brisure partant du sommet de la pièce pour atteindre le pied droit du personnage. Des petits éclats ponctuent le bord inférieur. La vascularisation de l’os réapparaît en surface, le long de la bordure supérieure, tandis que les trabécules qui constituent le tissu osseux spongieux, encore emplies de sédiments, sont bien visibles au dos de l’exemplaire. Le revers révèle également quelques soulèvements stables et une courte fissure en partie basse. Des traces ocre rouge sont repérables au bas de la jambe gauche de l’Éros, sur la tranche du bord senestre.

Description

L’Éros, progresse vers la gauche de façon dynamique, tout en portant une coupe, à hauteur des épaules (DELASSUS 2020, p. 55, n. 47). La vivacité de l’attitude est amplifiée par le mouvement de fente, effectué par sa jambe gauche. Alors que celle-ci est vue de profil, l’autre jambe, ainsi que son buste, amorcent une torsion pour accompagner la tête qui regarde vers l’arrière. Trapu, doté de membres courts et d’un ventre légèrement enflé, l’Éros n’est vêtu que d’un himation, flottant dans le dos jusqu’aux chevilles. Son visage poupin est couronné d’une chevelure courte aux mèches bien ordonnées. La posture générale de la figure enfantine, notamment son dos arqué et sa tête rejetée vers sur l’épaule droite, dans un mouvement improbable, la rapproche d’un amour, au corps svelte, sculpté sur une applique du musée Benaki (22099 : MARANGOU 1976, p. 111, n° 136, pl. 38b). Sa corpulence plus robuste l’en distingue pourtant, tout comme sa chevelure en calotte aux mèches incisées.

 

Très peu accentué, le relief de cet élément de placage séduit surtout pour sa qualité graphique. Les contours ont été définis, en effet, par une ligne synthétique. Ce parti pris stylistique n’est pas sans évoquer les appliques incisées et incrustées de matière cireuse ou résineuse colorée, ornant fréquemment des coffrets, dont un certain nombre de fragments ont été découverts en contexte funéraire en Égypte (coffret exhumé à Hawara : PETRIE 1889, p. 12, pl. XVIII, ou fragments découverts à Saqqara : STRZYGOWSKI 1904, p. 175-178, n° 7065-7068). Ces éléments de décor, jouant sur le contraste de teintes vives, accueillent souvent de petites figures d’Érotes, évoluant dans un paysage nilotique, occupées à divers activités. Beaucoup d’entre-elles tiennent parfois une couronne ou des roseaux, mais il est plus courant de les voir porter un volatile, une corbeille garnie de fruits, ou encore un récipient. Plusieurs pièces de cette catégorie supportent l’image d’un amour potelé dansant vers la gauche et tenant une coupe (LOVERDOU-TSIGARIDA 2000, p. 258-259, n° 58-60, pl. 21, p. 260, n° 72, pl. 25). Toutefois, dans la plupart des cas, les figures amorinesques ne souscrivent pas, à l’instar de notre figure, au schéma basé sur l’orientation contradictoire de la tête et des bras.

 

 

L’Éros sculpté sur l’applique fragmentaire du musée Rodin semble correspondre plus précisément à une personnification de saison ou de mois (STUVERAS 1969, p. 51-52). Deux des quatre plaquettes aux figures allégoriques du Staatlichen Museum Ägyptischer Kunst de Munich, apportent des éléments de comparaison intéressants pour notre pièce (WILDUNG 1976, ÄS 5860, ÄS 5863 p. 270). Identifiés comme des allégories du printemps, les figures de ces appliques, ont fait l’objet d’une nouvelle interprétation de la part d’A. Loverdou-Tsigarida (LOVERDOU-TSIGARIDA 2000, p. 125, 128-129, 260-261, n° 72-73, pl. 25). L’amour portant une coupe à ses lèvres pourrait être une personnification du mois d’août. Le second, tenant une coupe ou une corbeille tout en détournant la tête, incarnerait le mois de septembre. Ces identifications s’appuient sur certaines images calendaires, notamment celles connues par les copies tardives du Calendrier de 354 (STERN 1953, p. 258-266, pl. X).

 

 

L’extrême simplification de l’image, par rapport aux iconographies de mois recensées, suggère la prise d’une réelle distance avec le modèle initial. On peut se demander, à juste titre, si ces représentations, qui agrémentent aussi des coffrets de bois plaqués de feuilles de métal, étaient encore perçues comme des images calendaires, ou si elles avaient évolué vers une valeur plus décorative. La forte stylisation de l’amour, qui s’accompagne d’une linéarité prononcée, nous encourage à établir une parenté avec les appliques incisées et incrustées d’une matière colorée. La découverte en Grèce, à Kenchréai, de deux appliques convoquant cette technique, ornées de figures d’Érotes, personnifiant sans doute des saisons ou des mois, atteste l’engouement pour cette thématique à la fin de l’Antiquité (OLCH-STERN & HADJILAZARO-THIMME 2007, p. 33-36, 77, pl. III.3-4). En tenant compte des datations proposées pour ce type de placages par A. Loverdou-Tsigarida, nous pouvons avancer une date de réalisation pour notre exemplaire, au cours du IVe-Ve siècle.

 

 

Comparaisons 

-Athènes, musée Benaki, 22099 (attitude).

-Munich, Staatlichen Museum Ägyptischer Kunst, ÄS 5860, ÄS 5863 (iconographie).

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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