Matière et technique

La conservation de l’applique sur toute sa hauteur, facilite l’identification de la partie du squelette de bovidé retenue par l’artisan, pour constituer la matrice destinée à être sculptée. Grâce à la préservation de la morphologie de l’os, et à son appréhension plus aisée par un examen du revers, F. Poplin a pu conclure au recours d’un humérus droit de bœuf. L’incurvation sensible du bord senestre, mettant en évidence la gouttière de torsion de l’humérus, ainsi que l’orifice du foramen nutricium sur le coude de la jeune femme, sont des critères en faveur de l’utilisation de la face latérale de l’humérus.

 

La partie rétrécie vers l’épiphyse distale a été choisie par le sculpteur pour y loger la tête de la ménade, tandis qu’il a réservé la zone proximale, offrant une plus grande largeur, aux jambes et au drapé. Ce procédé, qui consiste à travailler l’os dans le sens contraire à sa position anatomique initiale, semble être particulièrement courant, voire quasi systématique, sur les reliefs convexes façonnés à partir d’humérus. Le visage de la figure se trouve placé dans la partie conduisant à l’épicondyle latéral, marquée par une courbe prononcée. Sur la face externe, le tissu osseux spongieux transparaît au sommet de la pièce, au-dessus du tambourin que tient la ménade, et le long du second instrument de musique, jonchant le sol. Une résurgence identique de la structure alvéolaire du tissu osseux s’observe sur l’applique Co. 2050, taillée dans un humérus droit de bœuf, mais aussi sur une série de pièces du musée Rodin sculptées dans un humérus gauche, toutes dévolues à une ménade tympanistria. Des plages de petites trabécules couvrent aussi le bas de la cavité médullaire, au revers.

 

Des traces d’outils parsemant l’élément de placage témoignent du travail de façonnage de la matière osseuse. Si les traces de sciage des épiphyses sont très effacées, à la fois sur le chant sommital et sur le chant inférieur, la surface des bords internes conserve le souvenir du passage d’une lame abrasive sous la forme de courtes stries, en biais, assez régulières. Quant à la face principale de l’objet, celle-ci est constellée de stigmates laissés par le maniement d’outils à fine lame métallique. L’arrière-plan offre un aspect particulièrement rugueux résultant d’un travail heurté de l’os. Malgré un polissage des parties en saillie, les butées de petits ciseaux ou de burins plats sont encore visibles sur le corps de la ménade, notamment le long des membres et du dos. L’emploi d’un burin à pointe fine a permis de préciser les contours et les détails anatomiques, comme les traits faciaux ou le nombril, ainsi que les mèches ondulées de la chevelure.

Modification matérielle

Au revers de la pièce, dans la dépression de la cavité médullaire, est collée une étiquette rectangulaire à bords dentelés et liseré bleu festonné. Celle-ci est inscrite à l’encre brune du numéro suivant : 1649 s-gr. Ce même modèle d’étiquette a pu être identifié au dos de l’applique Co. 2085 du musée Rodin. Il est également identique à une série d’étiquettes relevées sur des éléments de placage en os conservés au département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre. Le registre manuscrit du musée Guimet nous apprend que ces œuvres correspondent à dix appliques signalées comme provenant d’Alexandrie, acquises par E. Guimet, le 14 septembre 1905, auprès d’un des membres de la famille d’antiquaires Tano. Ce rapprochement suggère qu’A. Rodin a pu se procurer certains reliefs en os, par l’entremise d’un des membres de cette dynastie de marchands établie au Caire, d’autant que P. Tano, lui vendit en 1903, deux masques en stuc égyptiens d’époque romaine.

Etat de conservation

Cette pièce constitue l’un des rares exemples de la collection du musée Rodin à être presque intégralement conservé. Les seuls véritables dommages que l’on peut constater sont une cassure du bord interne senestre en partie inférieure, et un petit délitement de son coin supérieur. Sur la face principale, s’étend un réseau de fentes, courant sur le ventre, les jambes et le vêtement de la figure. Un certain nombre de soulèvements stables s’observent également. De couleur crème, le relief sculpté montre une tonalité plus crayeuse dans les zones fragilisées (angle inférieur dextre et partie supérieure senestre). Une légère tache d’oxydation se distingue près de l’épaule droite de la ménade. Le revers, blanc rosé, révèle sur ses bords internes, de longues fissures verticales. Celles-ci traversent toute l’épaisseur du tissu compact puisque leur tracé se retrouve aussi sur le chant sommital du placage. Des sédiments subsistent dans les trabécules.

Restauration

Au cours des années 2018-2019, cette pièce a bénéficié de la part de la restauratrice V. Picur d’un nettoyage enzymatique au coton-tige, suivi d’un rinçage à l'éthanol, qui a été nécessaire pour estomper la couche de salissure.

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