Aphrodite anadyomène

PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE ROMAINE > Ier – IIIAPRÈS J.-C. 

[VOIR CHRONOLOGIE]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 20,1 cm ; L. : 9,4 cm ; P. : 3,8 cm 

Co. 1418

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre présente un état de conservation médiocre. 

Le métal est très oxydé et corrodé, les détails sont partiellement effacés et on note des restes de terre d’enfouissement sur l’ensemble de l’œuvre, particulièrement dans les cheveux. Plusieurs fissures craquèlent le visage et une perte de matière est visible sur le côté intérieur du genou gauche, laissant apparaître les surfaces internes du métal. Les pieds sont manquants, ainsi que la base sur laquelle l’œuvre était placée. 

Description

L’œuvre Co. 1418 figure la déesse Aphrodite anadyomène. Elle se tient debout en un léger contrappostosur la droite, la jambe gauche fléchie. Entièrement nue, elle porte pour seul attribut un diadème constitué de deux épais bourrelets et au devant duquel ses cheveux sont rassemblés en un chignon encadré de mèches ondulées. Les deux bras repliés vers les épaules saisissent deux épaisses mèches de cheveux torsadés afin de les essorer, puisqu’Aphrodite vient tout juste de sortir de l’océan dont elle est issue.

 

Les caractéristiques anatomiques de la déesse reprennent les canons de beauté romains, soit ceux d’une figure féminine aux formes voluptueuses. Le visage est ovale et la mâchoire épaisse, les joues pleines et le nez épais. Le front est largement caché par les mèches de cheveux ondulées, et les yeux sont couronnés d’un léger bourrelet rendant des arcades sourcilières légèrement tombantes, et des yeux qui paraissent creusés. Le cou est large et presque gras, le large buste est modelé de seins ronds cernés d’une incision ; malgré l’état de conservation actuel de l’œuvre, on note que les tétons étaient dessinés. Les hanches sont larges, les fesses et les cuisses dodues et plusieurs bourrelets sont modelés sur le ventre. Le nombril, originellement profond, est aujourd’hui empli de terre d’enfouissement. Le modelé des membres est minimal : les genoux sont discrets et les mollets ne présentent aucun détail anatomique, tandis que seuls les coudes sont rendus sur les bras très potelés. Les doigts sont séparés grossièrement les uns des autres et les phalanges ne sont pas marquées, leur conférant une allure boudinée. Seul le creux des reins est figuré, en accord avec les attributions érotiques et sensuelles de la déesse.

 

À l’époque romaine, un culte très important est rendu à Aphrodite en Égypte et en Syrie, à la suite notamment des conquêtes d’Alexandre le Grand. Fille du Ciel et de la Mer selon les récits mythologiques grecs, sa sortie des eaux la rapproche – pour les Égyptiens – des dieux démiurges émergeant des eaux primordiales. Elle est aussi associée à Isis, sœur-épouse d’Osiris et déesse magicienne puissante. À partir de la Basse Époque, le culte d'Isis gagne en puissance et elle se démarque peu à peu du mythe osirien et des aspects funéraires. Dans la dévotion populaire, elle est de plus en plus étroitement associée à Hathor, déesse-vache nourricière dont elle était déjà souvent rapprochée par le passé. Elle reprend ainsi les attributs d’Hathor, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire que l’on retrouve sur la couronne de la statuette Co. 214, et devient le symbole de la féminité par excellence, ce qui justifie son association avec Aphrodite après la conquête grecque. Vénérée durant toute la période pharaonique, son culte connaît un développement sans précédent à partir de la période ptolémaïque (BRICAULT 2013). Les rois hellénistiques lui font notamment ériger un grand temple à Philae où sont soulignés son aspect cosmique et sa supériorité sur les autres dieux. Elle forme avec Osiris et Horus la triade d’Abydos et, à l’époque gréco-romaine, la triade isiaque aux côtés de Sérapis, qui a supplanté Osiris, et d’Harpocrate, l’Horus-enfant (pour plus d’informations sur ces divinités, voir les notices des statuettes Co. 687 (Harpocrate), Co. 772 (Osiris) et Co. 1230 (Sérapis) conservées au Musée Rodin).

 

Produites dans des ateliers locaux, ces figurines étaient généralement adaptées de célèbres statues, et les mêmes types iconographiques se retrouvent dans les statuettes en terre cuite. L’image d’Aphrodite émergeant de la mer et essorant ses cheveux, figurée ici par le pendentif, a été fixée par un artiste grec du IIIe siècle avant notre ère nommé Doïdalses. Ce topos connaît des retentissements en Égypte jusqu’à l’époque copte (comme sur le relief du Louvre inv.no. E14280), où elle est associée à une métaphore du baptême et de la renaissance chrétienne. 

 

Au vu de la qualité de la manufacture de l’œuvre, il s’agit probablement d’un ex-votoexposé dans un temple ou sur l’autel particulier d’un foyer fortuné. Certains contrats de mariage des premiers siècles de notre ère et trouvés en Egypte incluent des cadeaux complétant la dot, les parapherna, destinés à l’usage quotidien de l’épouse. Parmi eux se trouve souvent une statuette en bronze ou, plus rarement, en argent, de la déesse Isis-Aphrodite. Les laraires placés à l’intérieur des maisons, en particulier, pouvaient contenir une image de cette déesse, en tant que divinité protectrice des femmes et du mariage, forme hellénisée des déesses Isis et Hathor, ou Astarté au Proche-Orient.

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin conservent deux statuettes de la déesse Aphrodite en bronze, Co. 214 et Co. 1435. Cette dernière figure également Aphrodite anadyomène mais vêtue d’un tissu entourant ses hanches. 

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

 

Donation à l’État français en 1916.

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