Relief funéraire

Défilé de troupeau avec ibex

Égypte > Nécropole memphite

L'âge classique > Ancien Empire > IVe ou Ve dynastie

[voir chronologie]

Bas-relief polychrome en calcaire

H.  28,7 CM : L.  41,5 CM : épaisseur : 4 CM

Co. 944

Comment

State of preservation

Seule l’arête latérale droite serait d’origine, les autres correspondant à des cassures.

Le bloc présente plusieurs impacts de chocs assez légers et des griffures sont visibles sur la face décorée.

Description

Ce relief proviendrait en toute vraisemblance de la chapelle funéraire d’un mastaba de la région memphite et était destiné à être maçonné sur une paroi (voir par exemple les clichés de restauration de la chapelle de Ptahshepses à Saqqâra dans SOLEIMAN - EL-BATAL 2015, fig. 86, 117 et 118). Si nous observons le revers du bloc (voir cliché archéologique du dos ci-contre), les traces de percussion destinées à faciliter l'adhérance du parement ont été réalisées avec des outils en métal (à cette époque, du cuivre martellé). Elles sont profondes et bien visibles. A l'inverse, l'extrémité droite du revers est égrisée et cette finition suggère la position du bloc dans son décor d'origine. Le fragment était très certainement situé à l'extrémité d'un registre, matérialisée par un bandeau vertical. Il était également à l'angle d'un mur car l'élargissement du côté droit vers la base suggère un fruit, indication de la pente du mur. Ce fragment de scène, gravé en léger relief, est incomplet car toute la partie inférieure manque (au niveau des pattes des animaux et des genoux de l’homme). Il est présenté sur un soclage métallique effectué par la maison André, sans doute élaboré pour l’exposition Rodin collectionneur de 1967.

 

Conduit par un bouvier, un troupeau s’avance vers la gauche. On distingue tout d’abord la croupe d’un animal de taille moyenne. Le premier signe de l'inscription hiéroglyphique qui surmonte la scène constitue la fin de son nom ; il s’agit d’un bœuf. Dans la mastaba du vizir Kagemni à Saqqara (datant de la VIe dynastie), cette graphie du nom du bœuf désigne deux catégories d'animaux bien distinctes. Dans une des salles, il s'agit d'un animal bien vivant, installé dans une étable (photographie contemporaine d'Auguste Rodin, d'après BISSING Von 1905, pl. XIII) ; un bœuf sacrifié, préparé pour le repas funéraire dans une autre chambre (d'après BISSING Von 1911, pl. XI).

Un ibex-bouquetin (Capra ibex, Linnaeus, 1758) imberbe le suit de près ; l'animal est jeune, sans barbichette, la corne visible est sans bourrelet. La forme de cette corne indique qu'il doit s'agir d'une femelle de l'ibex dit syrien (Capra aegagrus, Erxleben, 1777), plutôt que celle de l'ibex nubien (Capra ibex nubiana, Cuvier, 1825). Une approche des caractéristiques différenciant l'ibex nubien de l'ibex syrien (également appelé "chèvre sauvage") peut-être trouvée dans OSBORN OSBORNOVA 1998 p. 180-186. Cette représentation d'un bouquetin d'apparence unicorne se retrouve en particulier dans les mastabas des nécropoles de la IVe dynastie à Giza ou Abou Rawash (voir par exemple, BAUD 2007, p. 27, pl. III). On la retrouve également dans les mastabas de la Vème dynastie, par exemple sur le mur sud de la chapelle du mastaba de Ti à Saqqarah (photographie contemporaine d'Auguste Rodin, d'après STEINDORFF 1913, pl. 128). C'est néanmoins un bouquetin mâle adulte qui est le plus souvent représenté, muni d'une barbichette et d'une longue corne recourbée possédant de solides bourrelets ; les bergers peinent à maintenir cet animal sauvage. Les références des représentations de l'ibex dans les monuments de l'Ancien Empire sont à chercher dans le dictionnaire de R. Hannig (HANNIG 2003, p. 594-595). Le nom de notre bouquetin est précisé par les quatre signes hiéroglyphiques figurés au-dessus de lui. La gravure de la paupière souligne avec finesse son œil, grand ouvert. Sous la corne, une oreille, gracile, se dresse ; l'animal, de nature nerveuse, est aux aguets.

Pour une autre représentation d'un défilé de troupeau comportant boeuf et ibex sur un relief de la même période, voir musée Rodin Inv. N° Co. 5895.

Placé derrière les deux animaux, un homme assure la fin de la marche. Il est coiffé d’une perruque courte à petites boucles qui recouvre ses oreilles et est vêtu d’un pagne court à ceinture. Son œil est resté vide de toute décoration et une inclusion est restée dans la pierre; paupière et sourcil sont gravés. Son sein droit est visible de profil.

L’épaule gauche de l’homme n’est pas représentée strictement de profil mais rabattue, soulignant ainsi le mouvement souple qu’il effectue pour inciter l’ibex à avancer. Afin de le rassurer et de canaliser sa vivacité naturelle, il étend sa main droite sur le dos de l’animal; la marche peut se dérouler dans le calme et l’harmonie. La position de la main droite est exagérée, permettant ainsi de bien décomposer le mouvement. Si le pouce est figuré de profil, les quatre autres doigts se superposent à lui, restant ainsi bien visibles.

 

Un parallèle de cette scène est à trouver dans la tombe de Kagemni (MONTET 1925, p. 96 fig. 19 ; BISSING 1911, pl. XIII). Ces scènes de défilés d'animaux, toujours très animées, avaient plusieurs fonctions et le bouquetin (animal du désert) y représentait avec l'oryx le monde sauvage apprivoisé. Si le maître ou la maîtresse de maison étaient accompagnés de scribes, il s'agissait d'une scène de recensement. Dans un contexte purement funéraire, ces troupeaux représentaient la richesse et la puissance du défunt ; le défilé s'étirait alors sur plusieurs registres comme dans le mastaba de Ti. La représentation d'un animal isolé pouvait plus simplement participer au repas funéraire dans l'au-delà.

Dans leur ouvrage sur les animaux de l'Égypte ancienne, les articles sur le bouquetin par J. Yoyotte et sur le boeuf par P. Vernus apportent un éclairage complet sur ces deux espèces (VERNUS YOYOTTE 2005, "Bouquetin-ibex" p. 107-111 et 742-743 ; "Bovins" p. 497-507 et p. 782-783).

 

Des restes de polychromie sont observables et ont été analysés par le C2RMF.  Le fond a été badigeonné de jaune, visible en particulier sous la corne de l’ibex. Les hiéroglyphes sont rehaussés de vert. L’ibex à un pelage beige-orangé. Les carnations du personnage sont ocre rouge sombre (face, haut de la poitrine et main gauche). Des grains noirs sur le pagne pourraient être les restes d’un bleu égyptien, fortement modifié. 

 

 

Related pieces

Pour une autre représentation d'un défilé de troupeau comportant boeuf et ibex sur un relief de la même période, voir musée Rodin Inv. N° Co. 5895.

Inscription

Le sens de lecture des hiéroglyphes correspond à celui de la scène figurée. Le troupeau s’avançant vers la gauche, les signes - très grands - sont gravés de gauche à droite.

Traduction fournie par Dominique Farout.

Historic

 

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

 

Boreux 1913 : Hôtel Biron, 143 Stèle fragmentaire en calcaire peint, représentant un serviteur (tourné vers la gauche) poussant devant lui un ibex à corne unique (lequel était précédé d’un autre dont il ne reste que la croupe). La partie supérieure de l’homme et de l’animal sont seules conservées. Au dessus de l’ibex on lit […],  5e dynastie 40 x 28. Estimé 800 F. 

 

Donation Rodin à l'État français 1916.

Historic comment

En décembre 1913, le relief fut photographié par Eugène Druet à l'hôtel Biron, dans une salle du premier étage, dans une vitrine centrale, au milieu d'autres reliefs égyptiens (voir ci-contre les photographies historiques). Il apparait au même emplacement sur une photographie publiée par Gustave Coquiot en 1917 (Gustave Coquiot, Rodin à l'hôtel Biron et à Meudon, Paris, 1917, entre p. 48 et 49).

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