Égypte > provenance inconnue
Époque hellénistique et romaine, probablement
H. 6,8 CM : L. 4,2 CM; P. 12,6 CM
Basalte noir
Co. 832
Égypte > provenance inconnue
Époque hellénistique et romaine, probablement
H. 6,8 CM : L. 4,2 CM; P. 12,6 CM
Basalte noir
Co. 832
L’œuvre est en bon état de conservation. On remarque cependant de très nombreux éclats, traces d’impact et griffures qui ne gênent cependant pas la lecture des détails. La base est cassée en plusieurs endroits, de même que la patte avant gauche.
L’œuvre Co. 832 représente un sphinx allongé sur une base. Ce fauve à tête humaine figure toujours soit une divinité, soit un souverain. Le fait qu’il soit ici coiffé d’un némès, mais n’arbore ni uraeus ni barbe postiche, semble indiquer plutôt la seconde possibilité.
C’est le corps d’un félin que l’artiste a représenté. Les incisions sur les épaules, les pattes avant, ainsi que les flancs matérialisent les plis du pelage et stylisent la musculature et les côtes. Les pattes sont assez grossièrement sculptées. La queue est enroulée autour de la cuisse droite. Le visage, bien que de petites dimensions, est bien détaillé, notamment le contour des yeux et de le trait de fard qui l’entoure. Des stries diagonales figurent les plis du nemes.
Le sphinx est un animal fantastique, pleinement égyptien. Il représente la puissance du souverain et possède également une symbolique solaire. Le plus connu est, sans conteste, le grand sphinx de Gizeh, alors qu’il existe une multitude de spécimens de différentes dimensions, le plus souvent de grandeur nature ou même de proportions plus grandes. Ces statues pouvaient être produites en série, notamment pour scander les allées processionnelles menant aux temples (dromos ; par exemple la découverte récemment annoncée à Kôm Ombo).
Il est très probable que l’objet de la collection Rodin soit daté de la période gréco-romaine, d'après deux critères particuliers : d’une part, le caractère très « aplati » du nemes qui, plutôt que de former une capuche autour de la tête – comme c’est normalement le cas de cette coiffe pharaonique (voir son aspect traditionnel sur la figurine inv.no. 33.586 du Brooklyn Museum, inscrit au nom d’un des rois Chéchonq de la Troisième Période Intermédiaire) –, adopte plutôt une forme de « calotte » plaquée sur le crâne, comme sur la statuette inv.no. UC 60105 du Petrie Museum datée de la Basse Époque. D’autre part, l’épaule et le bras du sphinx de la collection Rodin présentent des incisions curieuses, que partage également un autre objet de la même collection (Co. 3409). Il s’agit en fait d’une stylisation d’un élément présent et plus détaillé sur les sphinx plus anciens, notamment le sphinx de Chéchonq cité ci-dessus ou celui d’Hatchepsout conservé au Metropolitan Museum de New York (inv.no. 31.3.166), ainsi que sur les représentations de griffons (on le retrouve par exemple sur le trône bien connu de Toutankhamon conservé au musée du Caire). Qu’il s’agisse d’ailes, comme le suggère le catalogue du Brooklyn Museum, ou de rubans ou d’ornements, ces éléments se trouvent très fortement stylisés sur les sphinx tardifs, sous la forme d’incisions portées directement sur les bras.
Si les statues de sphinx grandeur nature sont légion, les statuettes d’aussi petites dimensions que celle du musée Rodin ne sont pas rares. On en connaît quelques exemplaires dès le Nouvel Empire, comme un bracelet en lapis-lazuli provenant probablement de la tombe de Toutankhamon, longtemps conservé au Metropolitan Museum et rétrocédé à l’Égypte en 2011, ou une autre statuette en faïence légèrement plus ancienne, datée du règne d’Amenhotep III et sensiblement plus grande (25 cm), également conservée au MET (inv.no. 1972.125). Un petit sphinx conservé au British Museum, célèbre pour comporter l’une des premières inscriptions en proto-sinaïtaique (inv.no. EA 4748), a même été récemment daté à la fin du Moyen Empire. Pour les périodes tardives (Troisième Période Intermédiaire et période ptolémaïque, voire romaine), les statuettes de sphinx sont nettement plus nombreuses. Le plus souvent, elles sont réalisées en pierre sombre, comme celle de la collection Rodin, ou en alliages métalliques (par exemple Brooklyn Museum inv.no. 33.586 déjà cité, ou inv.no. 33.375E; également divers objets en collections privées comme un lot vendu de chez Christies). S’il est possible que les statuettes réalisées en calcaire ou grès (Co. 3409, Petrie Museum UC 60105) aient été utilisées comme modèle de sculpteur, pour aider l’artisan à s’entraîner ou à préparer une sculpture de plus grandes dimensions, une telle fonction est en revanche impossible pour celles produites en pierres dures, trop coûteuses et difficiles à tailler. De même, les petits sphinx en métal n’ont pu servir de modèle de sculpteur, puisque de tels objets sont seulement moulés et non taillés par l’artisan. Dans le cas de la statuette Co. 832, comme plusieurs des objets évoqués ci-dessus, un usage comme décoration du matériel de culte – dans le cas où ces statuettes sont pourvues d’éléments de fixation comme la statuette Brooklyn Museum inv.no. 33.586 – ou comme petit objet votif lié au sphinx de Gizeh, divinisé Harmachis ou au dieu-sphinx Toutou, paraît le plus probable. Plusieurs de ces objets votifs ont notamment été trouvés en contexte cultuel, comme celui du British Museum découvert dans le sanctuaire d’Hathor à Serabit el-Khadim.
La collection égyptienne du musée Rodin possède une œuvre similaire, n° Co. 3409.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 215, "Petit sphinx accroupi sur une base. Basalte noir. Long. 12 cent. 1/2. Objet faux."
Donation Rodin à l’État français 1916.
Le sphinx fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.