Égypte > provenance inconnue
Époque romaine, probablement
H. 43,5 CM : L. 14,2 CM P. 7,3 CM
Terre cuite
Co. 664
Égypte > provenance inconnue
Époque romaine, probablement
H. 43,5 CM : L. 14,2 CM P. 7,3 CM
Terre cuite
Co. 664
L’œuvre est en bon état de conservation. De grande taille (ca 43 cm), la statuette est quasiment intacte en dépit de plusieurs cassures. La matière est émoussée à divers endroits. Sur la face, la figurine est marquée de traces de frottement au niveau des bras et du ruban et d’éraflures au niveau de la couronne. On observe des traces de griffures sur le dos. Les restes d’un enduit blanc sont visibles à plusieurs endroits, notamment sur les jambes, les pieds et le ventre. Au revers du kalathos, les résidus d’une matière plâtreuse sont visibles.
Cette figure féminine de grande taille (ca 43 cm.) a été confectionnée en terre cuite, en utilisant un moule bivalve. La femme est nue et se tient debout, les bras collés le long du corps. Jambes serrées, ses pieds sont joints et reposent sur une base, incisée d’un décor en forme de sparterie. Le visage est rond, doté de joues charnues. Les traits sont bien conservés, laissant apparaître un sourire avenant et un regard rieur. Son front est encadré de petites boucles torsadées. Image de déesse, elle porte une haute coiffe sophistiquée, posée en équilibre sur sa tête. Deux couronnes de fleurs superposées, maintenues par un ruban et entourées de larges feuilles, sont surmontées d’un kalathos, haute corbeille décorée de palmettes. A l’avant de ce kalathos, une petite couronne isiaque, composée d’une paire de cornes en forme de lyre, d’un disque solaire et de deux hautes plumes, se détache. Le kalathos, très évasé, est orné d’un bourrelet sur son pourtour ; son revers a été laissé lisse de tout décor. Les formes de la femme sont harmonieuses et puissantes, la poitrine est épanouie, le ventre est légèrement rebondi. Le triangle pubien est souligné d’une ligne. Le dos, relativement plat est en partie sculpté et préserve la silhouette féminine (voir notamment la courbe des reins, légèrement en relief). Quoique réalisée suivant une conception frontale, la figurine déborde de vie. Fixé par deux grosses fleurs, un large ruban descend de part et d’autre des épaules. Il exalte le corps de la déesse, image de féminité triomphante.
Le type de cette grande figurine, de très belle facture, aux détails particulièrement soignés, apparaît à l’époque romaine. Souvent désignées comme étant l’image de la déesse syncrétique Isis Aphrodite, il peut s’agir aussi d’une représentation de la déesse Hathor empruntant certains éléments isiaques. De part leur nudité et leur attitude, ces figurines se démarquent des différentes représentations d’Isis telles qu’elles apparaissent dès l’époque hellénistique et romaine et s’inscrivent davantage dans la longue tradition des figurines féminines pharaoniques (voir BAILEY 2008, p.7-9 ; COLLIN 1994, p. 534-539). Hathor est la déesse de la féminité, de la fertilité, de la fécondité, de l’amour ainsi que la protectrice des défunts. Isis, qui est l’épouse et sœur d’Osiris et la mère d’Horus, devint à l’époque hellénistique et romaine une déesse vénérée dans tout le bassin méditerranéen (voir DUNAND 1979, p. 62-73). Isis, souvent associée et confondue avec Aphrodite, composera alors avec Hathor une sorte de triade dont émanera pouvoir maternel et érotique tout à la fois (voir BAILEY 2008, p. 8). Hathor, Isis et Aphrodite vont souvent faire l’objet d’un culte commun.
Réparties sur tout le territoire, les statuettes représentant des femmes nues sont connues en Égypte depuis l’époque Prédynastique et leurs caractéristiques ont évolué jusqu’à l’époque gréco-romaine. Pendant longtemps, les égyptologues les ont exclusivement associées à la sexualité masculine. Leur présence dans les tombes semblait indiquer qu’elles avaient pour rôle de revivifier le défunt, à l’image d’une Isis revivifiant Osiris et qui, en s’unissant à lui, permettait à son époux défunt de se régénérer en la personne de leur fils Horus. Ceci expliquait l’importance de leur nudité et l’insistance sur leurs attributs sexuels. Ces figurines ont donc souvent été considérées comme de simples « concubines du mort ». Leur dépôt rituel dans des tombes de femmes, en contexte domestique ou au cœur de sanctuaires imposa de nuancer cette théorie. Ces figurines féminines auraient aussi assumé le rôle d’un catalyseur, utilisé lors de rituels hathoriques et offert à la déesse afin qu’elle facilite fécondité et naissance, qu’elle protège les enfants mais aussi les défunts à qui elle permet de renaître dans l’au-delà. Elles étaient ensuite déposées en différents contextes selon les vœux, d’où leur présence dans des maisons, des temples et des tombes. La plupart des figurines du type de Co. 664 sont ornées de bijoux (voir par exemple BAILEY 2008, pl. 1, n° 2993, 2994 et DUNAND 1990, p. 128, n° 334). Certaines reproduisent le geste de l’anasyrma, terme grec désignant le fait de soulever ses jupes et qui trouve son origine dans la légende d’Hathor. La déesse aurait en effet eu recours à l’anasyrma afin de sortir le dieu Rê de sa bouderie, après qu’il ait été offensé par le dieu Baba (ou Bébon), dieu de la force virile. Différents rituels égyptiens incluaient ce geste, à l’image des danses interprétées par les khenerout, officiantes liées aux rites hathoriques, qui exposaient leur vulve au moment culminant du rituel. Une figurine du type de Co. 664, conservée au British Museum de Londres, présente de manière très nette l’anasyrma (inv. n° 3007, voir BAILEY 2008, pl. 3).
En dépit de l’absence visible de parure et de l’exécution de ce geste (sur l’Isis Aphrodite anasyrménè soulevant sa tunique, voir DUNAND 2000, p. 52-53), la figurine Co. 664 peut néanmoins être associée au culte hathorique.
La collection égyptienne du musée Rodin possède une autre figurine en terre cuite similaire, la Co. 662, ainsi qu’un certain nombre de figurines féminines datant des époques antérieures.
De nombreuses collections possèdent des figurines semblables. Parmi les figurines du British Museum, on note la ressemblance avec la figurine 2997 et 2995 (voir BAILEY 2008, pl. 2). Le musée du Louvre possède également plusieurs figurines de ce type notamment les n° 328, 329, 330, 336, 337, 338, 344, 245 (voir DUNAND 1990, p.130-133).
Anépigraphe.
Ancien numéro d’inventaire D. R (T. C.) 295 (étiquette octogonale blanc et or inscrite « T.C. 295 »).