Cette figurine miniature (moins de 4 cm de haut) en alliage cuivreux représente le dieu-enfant Harpocrate. Il est assis sur un socle cylindrique, la jambe gauche étendue vers l’avant et la droite ramenée vers sa poitrine. L’enfant porte sa main gauche à sa bouche, tandis que son bras droit – qui repose sur son genou – enserre un petit pot rond.
Les détails du visage du dieu sont très peu visibles, du fait du mauvais état de conservation. Il est coiffé d’un bandeau tressé qui enserre sa tête et cache ses oreilles. Celui-ci s’achève par deux boutons disposés au sommet de son front. Une cavité, visible à l’arrière de son crâne, suggère qu’un élément de coiffure supplémentaire était fixé, peut-être une couronne
pschent ou une mèche de l’enfance. Enfin l’enfant est vêtu d’une large tunique, dont les détails sont difficilement perceptibles. Son phallus, peu proéminent en comparaison d’autres représentations (Louvre
STG 39), est néanmoins visible.
Harpocrate est assis sur un cylindre, comme l’objet Louvre
E2160. Cet élément possède en son centre deux motifs verticaux, qui sont visibles sur les deux faces, et deux petites excroissances en bas à gauche. Si l’identification de ce socle pose problème, il pourrait néanmoins constituer un élément d’accroche sur un support ou d’insertion sur une composition plus vaste. La présence de petits négatifs ronds, sur le dos et le ventre de l’enfant, pourraient aller aussi dans le sens de cette interprétation, puisque ces cavités permettraient la fixation d’un élément supplémentaire.
Le nom grec « Harpocrate » provient de l’égyptien Hor-pa-Chered, littéralement « Horus l’enfant », qui sert à désigner une forme particulière du dieu Horus. Si l’enfant Horus est déjà attesté dans les Textes des pyramides, la première attestation d’un dieu Hor-pa-Chered date de la XXIe dynastie et sa première représentation de l’an 22 de Chéchanq III sur une stèle commémorant une donation pour le « flûtiste d’Harpocrate » (FORGEAU 2010, p. 308). Harpocrate est, à l’époque de sa création, Khonsou-l’enfant, fils d’Amon et de Mout et fait partie de la triade divine thébaine. Il devient ensuite un dieu à part entière, c’est-à-dire Horus-l’Enfant, fils d’une union posthume entre Osiris et Isis. Durant l’époque gréco-romaine, son culte va se développer dans toute la Méditerranée en parallèle du culte d’Isis. Cependant, avec la diffusion du dieu dans le monde antique, l’Harpocrate gréco-romain va connaître de nombreux changements et profiter d’un enrichissement progressif de sa personnalité.
La figurine Co. 2391 est celle d’un « Harpocrate au pot », une iconographie particulièrement bien répandue à l’époque gréco-romaine, et essentiellement représentée par des terres-cuites (Louvre
447, Louvre
367). On connaît cependant quelques figurations en alliage cuivreux (par exemple, BM
EA1814,0704.767).
De très nombreuses variantes du thème de l’« Harpocrate au pot » sont connues. Le dieu-enfant peut être assis (sur un lotus ou un siège), chevaucher des animaux (lion, oie, éléphant, bélier, paon, âne, cheval, chameau, etc.), se tenir debout appuyé à un pilier, accroupi ou agenouillé, et même être allongé sur un lit. Ses habits peuvent aussi être très variés. Généralement, il plonge sa main dans le pot qu’il détient, bien que celui-ci puisse être renversé sur le sol. Michel Malaise a démontré que le récipient tenu par l’enfant ne contenait pas l’eau du Nil, comme on l’a longtemps pensé, mais une bouille. Ainsi, Harpocrate est-il représenté en train de manger avec ses doigts, et non pas en train de sucer son index comme pour d’autres représentations du dieu. La bouillie contenue dans le pot à été identifiée grâce aux textes comme étant l’athéra. Cet aliment, typiquement égyptien et désigné ainsi par les grecs, était réservé aux jeunes enfants. L’iconographie d’« Harpocrate au pot » est donc typiquement égyptienne. En effet, dans les autres pays de la Méditerranée antique, Harpocrate est plutôt représenté tenant une corne d’abondance ou une lyre. Cependant, des variantes de ce thème combinent parfois le motif égyptien du pot à ces attributs gréco-romains.
La coiffure du dieu-enfant est souvent composée d’éléments floraux, pour laquelle deux simples boutons de lotus, parfois déformés, sont seulement identifiables. C’est ainsi qu’il faut interpréter les deux petites excroissances visibles sur la tête de cet Harpocrate conservé au musée Rodin.
Les figurations d’ « Harpocrate au pot », essentiellement produites en terre cuites, étaient des objets courants dans les foyers égyptiens durant l’époque gréco-romaine. Elles avaient pour vocation de protéger les jeunes enfants et leur assurer une bonne alimentation.