ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 4,1 cm ; L. : 2 cm ; Pr. : 5 cm
Co. 2369
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 4,1 cm ; L. : 2 cm ; Pr. : 5 cm
Co. 2369
L’œuvre présente un bon état de conservation. Bien que le métal soit oxydé, particulièrement sous le ventre de l’animal, les détails décoratifs sont toujours visibles. Il manque uniquement la moitié du disque solaire et l’oreille droite. La fine plaque sur laquelle le taureau se tient est bosselée.
L’œuvre figure un taureau dans la position de la marche apparente, les pattes gauches en avant. Le boviné est couronné d’un large disque solaire orné de deux uraei dressés, maintenu sur la tête par un tenon métallique. Cette iconographie assez habituelle pour ce type de statuette, qui se retrouve par exemple sur celle du Walter Art Museum de Baltimore (inv.no. 54.538). La statuette est ici fixée sur une fine plaque rectangulaire qui était elle-même montée sur un socle plus grand aujourd’hui disparu, très certainement un reliquaire, à l’exemple de celui, conservé au musée Rodin, qui abritait une momie de faucon (Co. 793).
Le corps de l’animal est traité de façon relativement naturaliste : quoique le modelé n’en soit pas aussi fin que celui de la statuette Co. 798 par exemple. Malgré l’érosion des volumes, on distingue encore certains détails anatomiques, en particulier les parties génitales, la mandibule légèrement en saillie, ainsi que les différentes parties de la patte. Le jarret et l’ergot sont marqués sur chacun des membres et le sabot fendu est clairement dissocié de la patte grâce à un ressaut de métal figurant le paturon (pour le vocabulaire anatomique des bovinés, voir). La large nuque se prolonge en un garrot légèrement bombé, en symétrie avec le plexus fortement emphatisé, de même que la touffe de poils qui agrémente toujours le ventre des bovidés dans l’art égyptien. Le dos se prolonge ensuite presque à l’horizontale jusqu’à la croupe, d’où s’échappe la longue queue dont le toupillon est rattaché au jarret arrière droit par souci de solidité.
La tête est de forme triangulaire, avec un chanfrein très aplati. Le museau carré, pointant vers le bas, est agrémenté de deux petites cavités circulaires rendant les naseaux, mais l’ouverture de la gueule n’est pas figurée. Comme sur de très nombreuses statuettes en bronze de taureaux sacrés, un élément décoratif de forme triangulaire est visible sur la tête de l’animal (ROEDER 1956, §411b-f, par exemple BM EA58963 ou BM EA1898,02.25.1). Cette tache blanche constitue l’un des signes distinctifs qui permet aux prêtres de désigner la nouvelle incarnation d’Apis au sein de tout le cheptel égyptien, à la mort de son prédécesseur. Hérodote a livré une liste de ces critères, le décrivant comme « un taureau né d’une vache qui ne peut plus par la suite avoir d’autre veau. Les Égyptiens disent qu’un éclair descend du ciel sur la bête qui, ainsi fécondée, met au monde un Apis. Le taureau qui reçoit le nom d’Apis présent les signes suivants : il est noir, avec un triangle blanc sur le front, une marque en forme d’aigle sur le dos, les poils de la queue doubles et une marque en forme de scarabée sous la langue » (L’Enquête, III, 28, trad. A. Barguet). Cependant, les très nombreuses stèles découvertes au Sérapeum de Saqqara le figurent plutôt avec une robe blanche tachetée de noir, ce qui est peut-être à mettre sur le compte de la fiabilité parfois fluctuante des observations d’Hérodote sur l’Égypte de son temps. Par ailleurs, si la figuration d’Apis sous la forme d’un taureau marchant est de loin la plus répandue, on trouve aussi des représentations anthropozoomorphes, sous la forme d’un homme à tête de taureau tenant le sceptre ouas et la croix ankh, ou encore d’une momie humaine à tête de boviné.
C’est à partir de la Basse Époque que de nouveaux attributs sont intégrés à l’iconographie du taureau, notamment un scarabée ailé sur son garrot, un vautour aux ailes déployées sur sa croupe : c’est le cas de l’œuvre Co. 2369, sur laquelle ils ont été incisés après la fonte de l’objet, et encore bien visibles malgré son état d’érosion. Sur le dos de l’animal sont également figurés deux tapis frangés, ornés de losanges, maintenus l’un à l’autre au niveau de la colonne vertébrale. Des détails similaires sont également visibles sur les figurines du Musée d’archéologie méditerranéenne de Marseille (no. inv. 621) ou inv.no. EA58963 du British Museum.
Le culte du taureau Apis serait attesté dès le second souverain de l’histoire de l’Égypte, le roi Hor-Aha de la Ière dynastie, rédigées seulement à la Ve dynastie. Quoi qu’il en soit, sa très grande longévité a permis à ce culte de s’enrichir de nombreuses associations avec d’autres dieux. Particulièrement vénéré à Memphis, il est naturellement lié à Ptah, dieu local majeur, dont il devient même le « héraut » à partir du règne d’Amenhotep III de la XVIIIe dynastie. Du fait de l’existence d’un autre boviné sacré, le taureau Mnévis d’Héliopolis affilié au culte de Rê, il est aussi figuré avec un disque solaire entre les cornes. Les deux animaux partagent donc une iconographie similaire et il est difficile de les distinguer en l’absence d’inscription. Enfin, Apis obtient également des prérogatives funéraires en se fondant avec Osiris : cette nouvelle entité syncrétique Osirapis deviendra, à l’époque des Ptolémée et avec son assimilation à Hadès, le dieu Sérapis particulièrement vénéré dans le monde hellénistique.
On distingue deux formes majeures du culte animal en Égypte et particulièrement après le Nouvel Empire : à l’inverse des milliers d’animaux dits sacrés mais élevés uniquement dans le but d’être momifiés et de servir d’ex-voto (les « multiples »), Apis fait au contraire partie des « uniques », c’est-à-dire « une bête choisie parmi ses congénères de la même espèce pour être l’hypostase de la divinité de la cité » (CHARRON 2002, p. 176). Il possède donc un culte propre et est entretenu et bien traité sa vie durant : né d’une vache elle-même considérée comme manifestation d’Isis (CASSIER 2012, p. 15-20), Apis vit entouré de son harem et de sa mère dans un enclos sacré, le sekos, dans l’enceinte du temple de Ptah à Memphis. Toutefois, même les « uniques » ne sont pas des dieux à part entière, mais des ouhem : ce mot, généralement traduit par « héraut », fait de l’animal un intermédiaire entre les hommes et les dieux. Le ouhemassume donc un rôle de médiateur, chargé de transmettre au dieu les prières des dévots, et remplissant parfois même un rôle d’oracle.
Le musée Rodin conserve plusieurs autres statuettes de taureau, Co. 798, Co. 807, Co. 1234, Co. 2395 et Co. 5629. L’œuvre Co. 2369 est cependant la seule qui comportent les décors supplémentaires du scarabée ailé et du « tapis » à franges.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon, pavillon de l'Alma, vitrine 20, 505, "Petit taureau Hapi en bronze monté sur une base plate, munie d'un tenon. Le haut du disque manque. Hauteur (sans le tenon) quatre cent. Estimé vingt cinq francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.
L'objet fut exposé dans une vitrine du pavillon de l'Alma à Meudon, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.