Égypte > provenance inconnue
Fin du IVe siècle ap. J.-C.
H. 13,54 cm ; L. 4,37 cm ; P. 1,2 cm
Os, tibia gauche de bœuf, face postérieure
Co. 2239
Égypte > provenance inconnue
Fin du IVe siècle ap. J.-C.
H. 13,54 cm ; L. 4,37 cm ; P. 1,2 cm
Os, tibia gauche de bœuf, face postérieure
Co. 2239
Cassée en partie inférieure, l’applique a fait anciennement l’objet d’un traitement de consolidation, évitant que le revers ne se désintègre davantage. En effet, le dos de la pièce présente une desquamation de la surface, ainsi qu’un réseau de fissures parallèles au fil de l’os, dans lequel subsistent encore les traces d’un agent consolidant.
Sur les couches supérieures conservées de la cavité médullaire se distinguent les traces de radicelles ; s’y ajoutaient, avant restauration, notamment le long des cassures, des pertes de matière. Ce réseau de fissures est nettement moins visible sur la face principale de la pièce, se réduisant à un fendillement généralisé. Les angles de la partie supérieure sont endommagés par des éclats. D’autres petits éclats sont à signaler sur toute la hauteur du bord dextre. L’état d’usure de la face principale est également très prononcé, le relief ayant perdu de sa vigueur.
Sur toute la hauteur de l’applique se déploient de souples rinceaux de vigne. Les ceps qui s’entrelacent pour former des médaillons sont dépourvus de feuilles, mais garnis de lourdes grappes de raisin. En partie basse, les sarments enserrent une figure d’Éros tournée vers la gauche. Cet amour semble tenir une serpette de la main droite, instrument avec lequel il tente de couper la grappe de raisin qu’il agrippe de l’autre main (DELASSUS 2020, p. 56 n. 55). En raison de la forte abrasion du relief, le geste se laisse davantage deviner qu’appréhender de façon claire. Le corps nu de cette silhouette enfantine, mutilé à mi-jambe par une cassure, est doté de membres potelés et d’un ventre rebondi. Une tête joufflue, vue de profil, vient se greffer sur le buste. Le dessin des yeux et de la bouche se discerne à peine sur la ligne du profil, tout comme le nez court qui marque une légère saillie. Une chevelure raide, tombant dans le cou, accentue encore l’arrondi du visage. À hauteur des épaules naît une paire d’ailes formées de plumes superposées, tandis qu’un pan de manteau retombe dans le dos de la figure. Au-dessus de l’Éros, les deux tiges déterminant une ellipse, abritent une corbeille en osier tressé, sans doute remplie de fruits. Dans la partie sommitale, une grappe à gros grains, dont seule une partie est sculptée, occupe le champ entre les deux rameaux de vigne.
Le motif formé de rinceaux peuplés d’amours chasseurs ou vendangeurs, appartient à un répertoire qui puise ses origines dans l’art hellénistique (TOYNBEE & WARD-PERKINS 1950, p. 3-8). Associés à Dionysos, les Érotes participent au thiase, plus particulièrement aux scènes de vendange ou de foulage du raisin. Le regain d’intérêt porté au culte de Dionysos, à l’époque romaine, sous l’empereur Hadrien (117-138 ap. J.-C.), va susciter un engouement pour les scènes bacchiques dans tous les domaines de la production artistique, jusqu’à la fin de l’Antiquité. Si l’aspect éminemment décoratif du thème de l’amour vendangeur explique son succès dans les décors tapissants de peintures (peinture de l’alcôve du triclinium de Sîq-el-Boued, Pétra : AUGÉ, LINANT DE BELLEFONDS 1986, 1. p. 944, n° 28, 2. p. 670), ou de mosaïques (mosaïque de la villa des Laberii à Oudna, Tunis, musée du Bardo : STUVERAS, 1969, p. 77, fig. 132, pl. LIX ; Ressources LIMC-France: LIMCicon ID 2427 (A.-V. Szabados), il prend part également au programme de nombreux sarcophages.
Chargé d’un sens funéraire, en lien avec la symbolique dionysiaque, les amours participent à la renaissance du dieu et au triomphe de la vie sur la mort. C’est cette idée que tend à illustrer le sarcophage de l’église San Lorenzo à Rome, datant du IIIe siècle (STUVERAS 1969, p. 77, fig. 131, pl. LVIII). On y remarque d’ailleurs un Éros s’étirant pour cueillir une grappe de raisin, dans une attitude identique à celle de l’amour sculpté sur notre applique. Ce thème connaît une nouvelle faveur avec sa christianisation au cours du IVe siècle ; en témoignent, par exemple, à la fois le sarcophage en porphyre de Constance, l’une des filles de l’empereur Constantin (BLANC, GURY 1986 n° 484 1. p. 1012, n° 484, 2. p. 711), ou encore les mosaïques des voûtes du déambulatoire de son mausolée.
Répertorié en Égypte dès l’époque impériale, comme l’atteste le Gobelet aux amours vendangeurs (Alexandrie, musée gréco-romain, 24201), le thème des Érotes récoltant des grappes de raisin, perdure à la fin de l’Antiquité. La Tenture aux amours vendangeurs conservée au musée du Louvre en livre une éloquente représentation (E 27205: RUTSCHOWSCAYA 1980, p. 147-149). Moins spectaculaire, mais non moins intéressant, un carton de tapisserie sur papyrus datant du IVe siècle, provenant d’Hermopolis Magna (Turin, Museo Egizio, Suppl. 2200 bis (6) : STAUFFER 2008, p. 108-109, n° 24). Destiné à tisser les motifs d’un clavus, il reproduit la silhouette de l’Éros tirant sur un pampre de vigne pour le sectionner, abrité dans la volute d’un rinceau. Ce carton peut être rapproché de bordures de plats rectangulaires en céramiques sigillée du IVe-Ve siècle, de provenance nord-africaine, superposant de figures d’amours vendangeurs, dont certains fragments ont été mis au jour à Antinoé (NACHTERGAEL, PINTAUDI 2004-2005, p. 129-131, n° 25).
Avec les appliques Co. 2106 et Co. 2260, notre pièce appartient à une série d’éléments de placage convexes sculptés de rinceaux de vigne se déployant à la verticale et abritant des amours participant à la cueillette du raisin. Ces petites figures ont pour particularité d’être en train de voler ou tout du moins, d’être munies d’ailes. La silhouette de l’applique étudiée rappelle par sa pose et le pan de manteau tombant dans le dos, le corps enfantin lacunaire sculpté sur l’exemplaire Co. 2260, ce qui permettrait d’y reconnaître également, ce qui subsiste d’une figure d’Éros.
D’autres comparaisons sont plus évidentes à mettre en œuvre. Malgré une attitude davantage statique, notre amour évoque ceux d’une applique du Victoria & Albert Museum (830-1905 : LONGHURST 1927, p. 24), sa contrepartie symétrique conservée au musée gréco-romain d’Alexandrie (13303 : RODZIEWICZ 2016, p. 164 fig. 184), et une troisième pièce fragmentaire du musée Benaki (18737 : MARANGOU 1976, p. 127, n° 223, pl. 68a). Cependant, la plasticité observée sur les corps des Érotes de ces trois pièces est très atténuée sur notre relief. Ceci s’explique par la forte usure de la surface, mais aussi par une stylisation plus poussée, qui s’exprime notamment dans les cheveux raides et les membres moins souples. Les grappes, aux grains de forme irrégulière, sculptés avec rudesse, participent du même esprit. En tenant compte de l’engouement de ce motif dans l’Antiquité tardive, et des critères stylistiques énoncés, nous pouvons suggérer une réalisation à la fin du IVe siècle.
Comparaisons
-Alexandrie, musée gréco-romain, 13303 (contrepartie).
-Athènes, musée Benaki, 18737.
-Londres, Victoria & Albert museum, 830-1905.
-Paris, musée Rodin, Co. 2260.
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.