Egypte > Provenance inconnue
Les derniers temps > Époque hellénistique et romaine
Calcaire H. 24,8 CM : L. 25,3 CM P. 7,2 CM
Co. 942
Egypte > Provenance inconnue
Les derniers temps > Époque hellénistique et romaine
Calcaire H. 24,8 CM : L. 25,3 CM P. 7,2 CM
Co. 942
La pierre est en mauvais état de conservation, altérée et pulvérulente. De petits fragments se sont détachés, particulièrement dans la partie centrale et au niveau des colonnettes de l’édifice. Les volumes sont également très émoussés. Les bords sont marqués par des cassures et des traces d’outil.
Description Ce relief (anciennement exposé au Musée du Louvre sous le numéro d’inventaire E.15564) offre la représentation d’un édifice reposant sur deux colonnettes dont les chapiteaux adoptent la forme de fleurs de lotus. Il s’agit d’un naos, composant le décor d’une stèle votive. Le toit du sanctuaire est légèrement arrondi, surmontant un linteau central décoré. Un disque solaire est placé à l’avant du linteau. Il est pourvu de deux uraei et de deux ailes qui se déploient sur presque tout l’espace. Le linteau est surmonté d’un disque solaire plus petit, placé au milieu du cintre et flanqué de deux uraei protecteurs.
Dans le sanctuaire, un sphinx au corps de lion et à visage humain est dit « passant », c’est-à-dire affectant une position de marche majestueuse. Il s’agit du dieu lion Toutou (Tithoès). Créature hybride, il est coiffée du nemes et de la couronne tjéni (cornes de bélier surmontées d’un disque solaire, de deux plumes d’autruche et de deux uraei) et arbore la barbe tressée et recourbée des divinités. Sa queue se termine par un cobra dressé, image protectrice à mettre en relation avec la stèle rectangulaire du musée du Louvre où le dieu s’avance sur un cobra (Inv. N° E27129, époque ptolémaïque). Il tient dans ses pattes des couteaux, à l’exception de la patte arrière gauche. Un décor partiellement conservé devant cette patte en serait la raison. Un élément aujourd’hui arasé (le retour d’une aile ?), masquait peut-être cet espace.
Un disque solaire ailé est placé au dessus du dieu. Orientée vers la droite, l’image accompagne la marche du dieu. Le disque était entouré d’un long cobra, aujourd’hui disparu mais dont la silhouette se devine (pour une image préservée d’un cobra entourant le disque solaire, voir la stèle du musée du Louvre Inv. N° E.27129 citée supra).
Dans l’angle supérieur gauche du naos, on remarque la présence d’une pancarte. Cette pancarte a été laissée vide mais était très probablement destinée à afficher une inscription glorifiant le dieu et rappelant ses attributs (à l’instar des stèles Musée du Caire Inv. N° CG 22224 ou Musée Archéologique National d’Athènes Inv. N° 1881/904).
Le relief a été exécuté avec une grande précision : on remarque l’attention portée aux détails des plumes, des pattes et de la musculature. Quelques traces d’ocre rouge sont conservées dans la partie supérieure du relief, apposées sur le fond. Le centre des deux disques solaires est percé. Ce type de perforation se retrouve sur d’autres stèles similaires (par exemple, celle du Kunsthistorisches Museum de Vienne Inv. N° ÄS 69). Ces disques solaires étaient très vraisemblablement destinés à accueillir un décor appliqué, peut-être une dorure.
Sphinx aux attributs divins et royaux, Toutou (Tithoès dans la prononciation grecque) est une divinité tardive dont la plus ancienne attestation remonte à la XXVIème dynastie. Son culte serait originaire de la région saïte, puis s’est répandu très rapidement dans toute la vallée du Nil, au moins jusqu’à la première cataracte (KAPER, 2003). Un temple lui est dédié, situé dans l’oasis de Dakhla, construit entre le Ier et le IVème siècles de notre ère (KAPER, 1991). Les raisons de l’apparition de cette divinité, dont l’étymologie du nom reste également mal cernée, sont sujettes à débat. Fils de la très ancienne déesse Neith, Toutou est une divinité panthée, c’est-à-dire qu’il est associé à de nombreux dieux et à des attributs divins disparates. Images composites accumulant les attributs divins et la multiplication des têtes, les représentations de dieux sous cette forme dite « panthée » ont connu un essor remarquable à l’époque ptolémaïque. Elles accordaient au dieu protecteur le plus de forces agissantes possible. Jan Quaegebeur et Youri Volokhine ont notamment démontré les liens qui unissent le dieu Toutou à Bès (QUAEGEBEUR, 1985) ainsi qu’à diverses divinités crocodiles du Fayoum comme Pnepheros ou Petesuchos (VOLOKHINE 2007).
Comme Bès, Toutou est un dieu bienveillant et protecteur. Les couteaux qu’il tient dans ses pattes, qui ont pour fonction de repousser les forces chaotiques, et le cobra dressé placé à l’extrémité de sa queue en sont l’expression. Son iconographie l’associe également étroitement à la sphère royale, puisqu’il est traditionnellement représenté en sphinx passant, animal emblématique du pouvoir royal. Il est même possible qu’il s’agisse à l’origine d’une réinterprétation de cet aspect de l’iconographie royale (VOLOKHINE 2007), le sphinx étant depuis l’Ancien Empire symbole de protection et de triomphe sur les ennemis et autres forces nuisibles. Divinité oraculaire, il est aussi présenté à Philae comme le dieu qui protège les hommes contre tout malheur (QUAEGEBEUR 1977, KAPER, 2003). A l’arrière de la tête du dieu, on remarque la stèle du musée Rodin une forme arrondie, qui correspondrait à une inclusion dans la pierre. On pourrait aussi y voir un deuxième visage, en accord avec la nature panthée de Toutou. Le mauvais état de conservation empêche une identification certaine, mais il s’agit souvent d’une tête de bélier (CORTEGGIANI, 2007, p. 557).
Les artefacts à l’effigie de Toutou se multiplient tout au long de la période hellénistique et deviennent particulièrement populaires à partir de l’époque romaine. En tant que divinité protectrice et accessible, il apparaît autant sur des amulettes que sur des stèles trouvées dans des sanctuaires ou des tombes. Toutou est donc une divinité composite qui s’inscrit parfaitement dans l’évolution de la piété personnelle égyptienne à partir du Ier millénaire av. J.-C. et dans l’époque de transition et d’échanges culturels au cours de laquelle il apparaît.
La stèle Co. 942 daterait plus probablement de l’époque romaine, en raison de ses caractéristiques iconographiques. Néanmoins, Toutou représenté de profil avec une tête de bélier dans le dos apparaît dès l’époque ptolémaïque, et le style de la tête, légèrement archaïsant, semble dénoter une influence ptolémaïque. Cette stèle-naos rectangulaire serait donc à dater plus largement de l’époque gréco-romaine.
Il est difficile de lui supposer une provenance, les stèles dédiées à cette divinité ayant été trouvées dans toute la Vallée, jusqu’en Nubie, et dans les oasis.
Parmi les stèles conservées dans des musées, une des plus complètes est au Brooklyn Museum, où l’image du dieu, accompagnée de celle d’un Bès brandissant une épée, est surmontée de sept démons qu’il tient sous son contrôle (Inv. N° 58.98). Les stèles de la Staatliche Kunstsammlung de Dresde Inv. N° ZV 2600 B 92 et du Musée Egyptien du Caire Inv. N° I 6181 présentent des similarités iconographiques avec celle du musée Rodin.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon, Objets non en vitrine, salle des antiques, 540, "Bas-relief de très basse époque, représentant un sphinx tourné vers la droite, dans un naos. La coiffure se compose du disque et de la double plume flanquée de deux uraeus. Style très allongé. Calcaire peint en rouge. 25 x 24. Estimé deux cents francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.