Bovidé

Egypte probablement > provenance inconnue

Basse Époque à époque Hellénistique et romaine probablement

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 6,4 CM : L. 6,5 CM P. 11,1 CM

Calcaire probablement

Co.00824

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est fragmentaire ; il manque la tête. On remarque des traces d’impacts sous la base ainsi que des éclats et des cassures sur le haut du corps. Traces de lissage et traces d’outils s’observent sur toute la surface de l’objet. Un enduit lustré, ayant pris des teintes sombres, a été badigeonné sur l’ensemble de la figurine. Cet enduit, d’aspect cireux, accorde à la pierre l’aspect de l’albâtre. Recouvrant la cassure de la tête, il a été appliqué à une période postérieure à sa réalisation.

 

Description

Cette figurine représente un bovidé, allongé sur une base épousant la forme de son corps. La tête est manquante. L’animal est au repos, couché sur le flanc gauche. Pattes et queue sont repliées sous son corps ; les quatre sabots sont bien visibles, les deux doigts étant bien individualisés. La représentation conservée ne permet pas de déterminer s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle. Brisée au niveau du cou, la figurine est de belle facture ; le rendu de l’ossature et de la masse musculaire de l’animal est réaliste et détaillé. Le souci naturaliste du sculpteur est sensible ; voir par exemple, à l’avant du poitrail, la courbure du fanon accentuée vers la droite, induite par la position couchée de l’animal sur le flanc. Ce soin apporté à la réalisation des détails est à rapprocher d’une statuette de taureau conservée au musée du Louvre, datée de l’époque gréco-romaine. Plus grande que la figurine du musée Rodin, elle a été sculptée dans du quartzite (N° d’inventaire Louvre E 22727, voir la notice de Florence Gombert-Meurice dans le catalogue d’exposition Des animaux et des pharaons 2014, p. 28).

 

Dès la période Prédynastique et pendant toute l’histoire égyptienne, des figurines de bovidés couchés ont été produites en  État gypte comme, par exemple, sur le site d’Amarna (voir STEVENS 2006). Certaines ont été réalisées dans des matériaux nobles, à l’instar de la figurine en or conservée au Metropolitan Museum of Arts de New York (Inv. N° 30.8.406).

 

Figurines ex-votos, poids ou amulettes protectrices, ces images de bovidés couchés sur le flanc incarnent et pérennisent souvent le sacrifice d’un animal offert à une divinité (VERNUS, YOYOTTE, 2005, p.497-507). Sa tête peut parfois être surmontée d’un disque solaire,  à l’instar de la figurine 17.194.2503 du Metropolitan Museum of Arts de New York.

La belle facture de la figurine Co. 824 ainsi que ses dimensions laissent supposer qu’elle correspond vraisemblablement à cette image d’un bovin destiné au sacrifice, laissé sans entrave.

 

Hors contexte, la datation de cet objet est délicate à déterminer. Une estimation allant de la Basse Époque à l’époque Hellénistique et romaine semble la plus probable.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 218, "Taureau ? accroupi sur une base (la tête est cassée). Calcaire compact, ayant l'aspect du marbre. Longueur de la base : 11 cent. L'objet n'est sûrement pas égyptien."

Donation Rodin à l'État français 1916.

Commentaire historique

L'objet fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

Cet objet provient probablement d'Antoine Bourdelle, autre collectionneur et marchand. Ce sculpteur est assez peu connu pour cette activité, révélée par ses archives et en particulier son cahier de compte et un carnet titré « Objets libres », conservés au musée Bourdelle ainsi que ses lettres à Rodin, conservées au musée Rodin (Antoine Bourdelle, Auguste Rodin, Correspondance (1893-1912), Édition de Colin Lemoine et Véronique Mattiussi, Paris, Collection Art de Artistes, Gallimard, 2013.)

 

Le sculpteur se fournissait chez des antiquaires, ou plutôt des brocanteurs, tout au long de la route le menant vers son sud natal, Dijon, Clermont-Ferrand, Nîmes, Marseille, plus exceptionnellement en Suisse. A son retour à Paris, il revendait ces objets à différentes relations, dont Rodin dès 1897, avec un pic en 1906 : « Pour votre superbe Musée, j’ai trouvé chez des bric-à–brac et Antiquaires de Provence des Antiques, des bronzes, des pierres, des marbres, du fer, du bois, splendides, qui enrichiraient beaucoup ou un peu votre collection. » (Lettre de Bourdelle à Rodin, 7 novembre 1906, archives musée Rodin, BOU.843). En novembre, il écrivit encore de Marseille : « Mon cher Maître, J'ai reçu cinq cents francs. J'en ferai le mieux possible dans l'intérêt de votre musée. J'ai vu et acquis de si charmants morceaux. Je fais des démarches aujourd'hui pour un grand chapiteau de marbre. J'ai trouvé de vieux indos-chinois. [...] J'ai vu des splendides photos de sculptures égyptiennes chez Mr Foucard, l'éminent égyptologue qui vous fût présenté pendant que vous dessiniez Sisowath à Marseille. Croyez l'idée de ce monarque que l'épervier sacré défend ! à bientôt et bien dévoué. Bourdelle. » (Lettre de Bourdelle à Rodin, archives musée Rodin, BOU.843)

Le 4 novembre, Bourdelle ajoutait : Cher Maître, Je termine et je vais rentrer et venir vous voir = tous les soirs après le travail je vais, pour un de mes amis de Marseille, voir les Antiquaires. J'ai trouvé de très belles choses. Bronzes, terres, marbres, bois, Antiques, gothiques, Renaissance, Indou, Louis XIV et XV, [...]. (Lettre de Bourdelle à Rodin, archives musée Rodin, BOU.843)

Le 24 novembre, Bourdelle chantait son amour de l’art égyptien qu’il considérait comme un instrument de mesure de la beauté : « Mon cher Maître/ Quitté Marseille par un soleil bleu./ Rentrons par l’auvergne = vais revoir un moulage de sculpture gaulois belle comme de l'Égyptien./ meilleures amitiés cher Maître/ E. A. Bourdelle »(Carte postale de Bourdelle à Rodin, archives musée Rodin, BOU.843).

Le 12 décembre 1906, Rodin invitait Bourdelle à venir le voir à Meudon : « Mon cher Bourdelle, Je serai à Meudon vendredi toute la journée, mais si vous pouvez venir de très grand matin, nous serons plus tranquilles. Cordialement à vous et mes hommages à Madame. A. Rodin. (Lettre de Bourdelle à Rodin, archives musée Rodin, BOU.843). Bourdelle recensait dans un cahier les objets égyptiens destinés à Rodin : « 16 décembre emp chez M. Rodin / Petit bœuf appis 23. » (Carnet Bourdelle, p. 1, archives musée Bourdelle).

 

Les prix étaient très bas et les objets de faible qualité. Bourdelle fit-il de ce commerce un gagne-pain, lui qui travaillait alors pour vivre comme praticien de Rodin ? Sans doute l’envisageait-il davantage comme un lien d’amitié avec un artiste dont il souhaitait se rapprocher en satisfaisant son obsession collectionneuse. Rodin lui demanda en 1906 de cesser ses envois pour consacrer son argent à sa sculpture (Lettre de Auguste Rodin à Antoine Bourdelle, 17 décembre 1906, Archives musée Bourdelle, Correspondance, p. 204).  Au sein de la collection de Rodin, les œuvres acquises de Bourdelle apparaissent comme un lot exogène, petits objets sans valeur et parfois en mauvais état. Elles ne trouvaient aucun équivalent dans les objets achetés par Rodin chez les antiquaires, mais peuvent être reliées aux petits antiques exposés dans les vitrines du musée Bourdelle (B. Garnier, "Le language de l'antique, Antoine Bourdelle, Auguste Rodin, Anatole France, Elie Faure", Bourdelle et l'antique. Une passion moderne, Paris, 2017, p. 30-35).

 

 

 

 

 

 

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