Relief funéraire

Défilé de porteurs d’offrandes, tournés vers la droite

Égypte > Provenance inconnue
Ancien Empire 
H. 155 CM ; L. 31 CM ; P. 4 CM
Calcaire polychromé
Co. 3186
 

Commentaire

Etat de conservation

Lors de la dépose, la pièce a été détachée par le revers, comme en témoignent les traces d’outils conséquentes au ciseau. Au moins deux chants ont également été repris à l’outil. Des traces de polychromie sont conservées : de l’ocre rouge sur les carnations et des traces de pigment bleu sur le vase à onguent placé à l’extrémité gauche. 

Description

Ce fragment de bas-relief provient d’une paroi interne de tombe. Le fond de la scène est descendu, laissant apparaître les motifs en méplat. L’encadrement, qui cernait à l’origine la totalité du registre, est conservé dans les parties supérieure et droite du tableau.
 
Malgré l’état fragmentaire de la scène, deux porteurs d’offrandes  masculins sont encore visibles jusqu’à la taille. L’extrémité d’un autre plateau d’offrandes, qui se remarque derrière le personnage de gauche, permet de restituer une procession d’au moins trois individus s’avançant vers la droite. Les porteurs sont représentés selon l’iconographie canonique : torse nu et coiffés de perruques courtes, aux boucles détaillées sous la forme de petits carrés. Chacun d’entre eux porte des denrées alimentaires, conditionnées dans des vases et disposées sur des plateaux. Ces plateaux sont en réalité de petites tables basses, avec un pied particulièrement bien visible, et qui sont destinées à être présentées directement au défunt (BM EA872). Sur ces supports, des aliments en vrac sont figurés : des fruits, notamment des figues, pour le personnage de droite et du pain pour le porteur de gauche. Dans les mains droites des porteurs, ce sont des vases en céramiques ou en pierre, contenant des liquides qui sont soutenus : une aiguière à droite et un vase à onguents scellé à gauche.
 
Le geste choisi par l’artiste afin de signifier le portage est peu conventionnel, d’autant qu’il s’agit de charges lourdes. Les bras sont rapprochés du corps, les mains touchant presque le haut de l’épaule, dans une figuration symétrique de part et d’autre du torse. Les mains, en torsion, sont tournées vers l’extérieur. Cette attitude, peu réaliste, diffère de la plupart des figurations de la même période, où les membres supérieurs sont plus éloignés du corps et les mains tournées vers l’intérieur, avec l’objet posé à plat dans la paume, main ouverte, même lorsqu’il s’agit de porter des objets dont le moyen de préhension est étroit (Louvre AF 6545).
 
L’iconographie du bloc Co. 3186 n’est, pour autant, pas unique, puisqu’elle se rapproche de celle figurée dans le mastaba de Raemkai (Ve dynastie, Saqqara, MMA 08.201.1b)
Les premières figurations de serviteurs apportant des vivres au défunt sont attestées dans les monuments de la IVe dynastie. Ce type de scène de défilés d’offrandes possède un double objectif. Elle atteste tout d’abord du rôle de cette salle, à savoir d’accueillir les offrandes pour le défunt. Mais elle permet également d’en assurer la pérennité. Lorsque celui-ci cessait d’être approvisionné par de véritables offrandes émanant de sa famille, d’une faveur royale ou des visiteurs de passage, les biens de première nécessité lui étaient donnés grâce au rôle performatif de l’image gravée dans la pierre.
Dans les tombes de particuliers, et a fortiori dans les grands mastabas de l’élite sociale où les scènes sont particulièrement développées, plusieurs processions de porteurs d’offrandes sont figurées. Celles-ci peuvent être de différentes types : des animaux sauvages et domestiques sont présentés au défunt, des domaines personnifiés apportent des denrées alimentaires, ou encore de simples serviteurs livrent des biens comestibles conditionnés dans des paniers, des céramiques et des sacs. Toutes ces processions apparaissent alors comme un hommage des personnes et des entités liées socialement – selon des relations de clientélisme et de dépendance – au propriétaire de la tombe. En effet, tous ces biens rassemblés proviennent de différents domaines, administrés par le défunt, ou encore des possessions royales. Cette obligation de salutation (nommé nḏ.t-ḥr) avait lieu à l’occasion de « l’offrande invocatoire » (pr-ḫrw), le moment durant lequel les offrandes à disposition du défunt sont énoncées par l’officiant du culte. 
Cette thématique de l’apport de l’offrande funéraire est récurrente dans l’iconographie pharaonique, à la fois en deux dimensions, sur les parois des tombes, mais aussi dans les modèles en calcaire à la Ve dynastie, puis en bois à partir de la fin de l’Ancien Empire. La majorité des modèles en bois figurent des femmes, généralement en train de marcher et portant un sac ou un panier sur leur tête qu’elles soutiennent avec une de leurs mains, tandis que la seconde sert à tenir d’autres victuailles (Co. 2348). En règle générale, les hommes transportent plutôt des jarres à bière, des coffres à vêtement ou encore des sandales. Tout comme les bas-reliefs et les peintures des tombes, les processions sont aussi représentées en trois dimensions (MMA 20.3.8).
 
Les offrandes alimentaires jouent un rôle majeur dans le culte funéraire des défunts, des rois et des particuliers, comme en témoignent les nombreuses mentions dans les textes funéraires, les formules d’offrandes ou encore les représentations stylisées des denrées sur les tables d’offrandes (BM EA94) . Car, au même titre que les vivants, les morts ont besoin de nourritures, de vêtements et d’onguents pour vivre dans l’au-delà. Si les aliments mentionnés et représentés en contexte funéraire semblent être similaires à ceux du régime alimentaire quotidien, on constate une surabondance des mets représentés dans les tombes.
 
La thématique et le style, un bas-relief quasi-plat, avec peu de modelé interne, permettent de dater cet objet de l’Ancien Empire. Il est cependant difficile de proposer une datation plus fine au sein de cette période, car les types de vases représentés et la perruque courte bouclée des personnages sont récurrents de la IVe à la VIe dynastie. De plus, il convient de remarquer que les guéridons à offrandes du relief Co. 3186 figurent principalement dans des tombeaux datés de la fin de la IVe dynastie et du début de la Ve dynastie (CHERPION 1989, N° 22, p. 49-50, fig. 34 a et b et p. 171-172).

 

Inscription

Anépigraphe

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 109, "Fragment d’un bas-relief en calcaire peint. Deux serviteurs tourné vers la droite  portent des offrandes et des vases. (le fragment est coupé juste à la hauteur du milieu des deux corps) Ancien Empire. 21 x 15. Estimé deux cents francs."

Donation Rodin à l'État français 1916.

Commentaire historique

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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