Chabti momiforme au nom de Pentaour

Égypte > provenance inconnue

Nouvel Empire > époque post amarnienne

[VOIR CHRONOLOGIE].

Calcaire polychromé

H. 24,5 CM ; L. 8,5 CM ; P. 5,7 CM

Co. 2357

Commentaire

Etat de conservation

Bon état de conservation. La statuette a été autrefois cassée au niveau des jambes puis recollée à une époque indéterminée au moyen de plâtre (avec un bouchage laissé volontairement visible). La polychromie est partiellement effacée, mais de nombreux pigments sont conservés (ocre rouge, jaune et noir). Le coude droit manque, des lacunes sont visibles sur le bras gauche et au niveau de la perruque. Une grande partie du visage a été arrachée (bouche, joue gauche, œil gauche, front).

Description

Le Chabti est représenté debout, les pieds servant de base. Cette base est plate mais est trop petite pour que la statuette, pesante car réalisée en pierre, tienne debout sans support. Le corps est entièrement emmailloté ; les bras sont croisés au niveau de la poitrine. Seules les mains sont visibles ; elles ont été réalisées en relief, tout comme les houes qu’elles tiennent. Poings fermés, toutes les phalanges ont été sculptées et le pouce est apparent. Les deux instruments agricoles se différencient légèrement. Ils sont peints en ocre rouge, couleur du bois en Égypte ancienne dès l’époque de Djéser (IIIe dynastie).

 

L’homme porte un collier à double rang de perles rondes soigneusement incisées en relief et une perruque longue à frisons, composite à boucles. Un large plastron recouvrait sa poitrine. Le visage de l’homme est endommagé, mais ses traits fins sont toujours reconnaissables : un menton proéminent, des joues pleines, des yeux profondément gravés et soigneusement fardés, surmontés de sourcils en relief. Son cou, long et fin, est arqué avec noblesse. Ses oreilles sont petites mais bien ouvertes. Orientées vers l’interlocuteur, elles sont prêtes à recevoir des ordres. Sa tête est recouverte d’une perruque longue à mèches étagées composée en deux parties ; deux pans triangulaires jaillissent de chaque côté du visage et retombent sur la poitrine. Les mèches de la perruque sont soigneusement détaillées en relief, dans une cascade de boucles fines enroulées. Il est surprenant de constater le réalisme du rendu des spirales. Les boucles des deux pans jaillissant sous cette perruque sont différentes. Longues et verticales, elles sont étagées. Cette perruque sophistiquée, épaisse et luxueuse, témoigne du rang du défunt à qui ce chabti remarquable, réalisé en pierre, était destiné. Au revers de la statuette, on remarque que l’extrémité de la perruque bouclée est arrondie. Au ras du cou, elle rejoint les épaules. En-dessous, sur le côté gauche, un rectangle quadrillé, gravé en creux puis peint en rouge, représente le sac de graines porté par le serviteur pour accomplir ses taches agricoles dans l’Au-delà.

 

Les chairs visibles (cou, visage et mains) et les outils agricoles (houes et sac de grains) ont été peints en ocre rouge. La couleur ocre jaune du linceul enveloppant le corps est conservée dans la partie supérieure du chabti. Cette même couleur servait de fond à l’inscription, gravée en une colonne à l’avant du personnage. La perruque et les yeux sont rehaussés de noir.

 

Le chabti faisait partie de l’équipement funéraire des défunts aisés. Chargée de répondre à l’appel du défunt pour effectuer à sa place les tâches agricoles dans le monde des morts (transposition de celui des vivants), la figurine Co. 2357 porte un sac de graines accroché dans son dos et tient dans ses poings fermés une houe. Peints en ocre rouge, couleur du bois en Egypte ancienne dès l’époque de Djéser (IIIe dynastie), ces deux instruments agraires sont à replacer dans l’axe voulu par l’artisan. S’ils sont peints le long de la figurine, ils sont en réalité censés ressortir des deux côtés du corps (sur la notion d’aspectivité dans les principes de représentation en Égypte ancienne, voir ZIEGLER, BOVOT 2001). Pour comparaison, voir par exemple, le shaouabti de Toutânkhamon conservé au Musée Egyptien du Caire (Inv. N° JE 60830), où les insignes régaliens (le sceptre et le flagellum) du pharaon défunt sont insérés dans la figurine en bois.

 

Le matériau, la technique de fabrication et le style de cette statuette de serviteur funéraire et la perruque et l'anthropnyme témoignent d'une datation post amarnienne. La perruque à frisons et à revers est particulièrement caractéristique de cette période. Elle est visible sur de nombreuses statues masculines de cette période.

 

La puissance du défunt est évoquée par l’attitude de son chabti de taille conséquente, son port de tête altier et la richesse de son costume. Le contenu de l’inscription permet de le situer assez précisément dans l’échelle du temps. Les signes, comblés de peinture noire à l’origine, ont été incisés en creux dans une colonne à l’avant du personnage. Le texte, recouvert d’un badigeon jaune, est encadré par deux lignes profondes et incrustées de jaune elles aussi. Pentaour est un prénom masculin bien attesté à la XIXe dynastie (époque ramesside, 13e siècle avant notre ère). Deux hommes ayant porté ce nom sont même passés à la postérité : le premier était scribe et poète. Il est connu grâce au poème qui porte son nom et qui décrit la bataille de Qadesh qui opposa l’armée égyptienne de Ramsès II et celle du roi Hittite Mouwatalli II vers 1274 avant J.-C. Le deuxième Pentaour est plus tristement célèbre : il fut le fils de Ramsès III et de la deuxième épouse royale, Tiyi. Sa mère conspira à l’intérieur du harem pour que son fils accède au trône. Le complot fut démasqué et le prince Pentaour condamné au suicide par empoisonnement. Cette affaire est documentée par un ensemble d’écrits dont le Papyrus judiciaire de Turin et le Papyrus Harris. (VERNUS 1993 ; GRANDET 1993).

 

Un exemplaire similaire à Co. 2357 est conservé à Bruxelles, au Musées Royaux d’Art et d’Histoire (E.0582A). Il s’agit du chabti du « Gouverneur de l’oasis du sud, Nébméhyt », provenant des fouilles d’Abydos par É. Amélineau en 1895-1896.

Œuvres associées

Le musée Rodin possède un autre chabti inscrit de l’époque ramesside, Co. 2350 (en terre cuite polychrome).

Inscription

Une colonne de hiéroglyphes est gravée en creux à l’avant de la statuette, sur fond jaune. Encadrée par une incision verticale, peinte en jaune également, il apparaît que les signes qui la composent étaient comblés de pigment noir. Ceci est observable dans les hiéroglyphes gravés en fin d’inscription. La cassure au niveau des genoux a été restaurée autrefois en rétablissant des signes à la mode égyptienne. Le texte nous apprend le nom du défunt et ses titres funéraires qui l’assimilent au dieu des morts Osiris.

 

Traduction fournie par Dominique Farout.

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