Égypte > provenance inconnue
Probablement Nouvel Empire > 1550-1069 avant J.-C.
Bois polychromé
Statuette H. 20,8 cm ; L. 5,3 cm ; Pr. 3,7 cm
Socle H. 5,5 cm ; D. 5,2 cm
Co. 2349
Égypte > provenance inconnue
Probablement Nouvel Empire > 1550-1069 avant J.-C.
Bois polychromé
Statuette H. 20,8 cm ; L. 5,3 cm ; Pr. 3,7 cm
Socle H. 5,5 cm ; D. 5,2 cm
Co. 2349
L’objet est en assez mauvais état de conservation. Le bois est sain, mais la polychromie, qui a presque totalement disparu, est pulvérulente. On remarque de minces fissures verticales au sommet du crâne et à l’arrière de la perruque, ainsi qu’une certaine irrégularité au niveau des pieds, probablement des petits manques. La présence d’auréoles sur les bras, le torse, ainsi que sur la partie basse du corps, de face et au revers, témoigne d’une conservation prolongée dans un milieu humide.
La figurine funéraire Co. 2349 est un chaouabti momiforme monoxyle, enchâssé sur un petit socle moderne en marbre, appelé aussi mini-piédouche. Le personnage se tient debout, les pieds joints, les bras croisés, le corps enserré dans un suaire uniforme ne laissant libre que la tête. Il porte une perruque longue, tripartite. La polychromie a presqu’entièrement disparu, hormis des traces d’ocre noir, presque bleu, conservées sur le côté gauche, les contours de la chevelure ainsi qu’à l’avant du corps, où deux lignes parallèles verticales s’étirent depuis les bras jusqu’au niveau des chevilles. La campagne de restauration de 2019 (F. Kurzenne) a mis en évidence des vestiges d’ocre jaune aux alentours du visage et d’ocre rouge sur l’épaule gauche.
La figurine frappe par sa simplicité, et la schématisation de sa silhouette. Les traits de la face, partie du corps la plus travaillée, sont épais, et pour certains à peine esquissés : de grands yeux allongés, un nez triangulaire à l’arête fine mais aux narines épatées, une bouche large. Le front et les pommettes hauts, les joues pleines, le menton fort, au profil pointu, forment un visage solide et serein. La perruque est lisse et s’arrête à mi-torse ; elle couvre les oreilles.
Le corps de la statuette est rectiligne et statique. Les bras croisés forment des angles droits, les volumes des jambes et des pieds se devinent sous le vêtement couvrant. On note tout de même une volonté de bien délimiter le contour de la perruque, et le modelé des bras. La courbe des reins est signifiée par un léger épaississement de la silhouette.
Également appelés ouchebtis ou chabtis (à partir de la Troisième Période intermédiaire, plus spécifiquement aux alentours de la XXIème dynastie), les chaouabtis, des mots shaouabty « statuette en bois », ou/et shebi « remplacer » (Chaouabtis 2003, p. 11), sont des serviteurs funéraires déposés dans les tombes et destinés à travailler pour le défunt dans l’au-delà, et à assurer les corvées à sa place. Leur apparition est attestée au moins dès le Moyen Empire, époque à laquelle ils ont remplacé les « modèles », petites figurines de travailleurs représentés en activité (brasseurs, boulangers, ou, pour un exemple de cuisinier, voir la statuette musée Rodin Co. 6434). Les chaouabtis tiennent le plus souvent des outils, ce qui leur permettait de s’acquitter de leurs tâches. Les textes inscrits sur leur corps, en lignes ou en colonnes, comportaient en général le nom du propriétaire, ainsi qu’un court passage du Livre des Morts.
Il serait aisé de faire un rapprochement stylistique entre la figurine Co. 2349 et les chaouabtis de Séthi Ier (XIXème dynastie), retrouvés par plusieurs centaines dans sa tombe (la KV 17 de la Vallée des Rois). Le chaouabti E 21539 conservé au Musée du Louvre (BOVOT 2003, p. 160 : fig. n° 62) partage avec la figurine Co. 2349 la même attitude (à savoir momiforme, les bras croisés, le corps entièrement emprisonné dans un linceul), la même perruque tripartite, le même visage épais et imberbe aux traits lourds, aux yeux étirés, et au menton carré, ainsi que la même silhouette allongée et massive. Par ailleurs, le chaouabti E 21538, également au Musée du Louvre (BOVOT 2003, p. 158-159 : fig. 61), présente un profil pointu très similaire à la figurine Co. 2349. La collection de Séthi Ier comporte des chaouabtis badigeonnés d’un enduit noirâtre appelé « bitume », qui serait plus spécifiquement une gomme-laque (sur cette résine végétale, voir BOVOT 2003, p. 105). Il est possible que la figurine Co. 2349 ait été à l’origine recouverte de la même substance, puis libérée de cette couche noirâtre à l’époque moderne, soit pour retrouver les traces de sa polychromie d’origine, soit pour l’utiliser à titre magico-médical.
Cependant, on observe des différences flagrantes ; en particulier, le texte étalé sur le devant et l’arrière des jambes des exemplaires inscrits attribués à Séthi Ier se présente sous la forme de cinq ou six lignes de hiéroglyphes. Or, d’après les traits verticaux ocre noir conservés sur l’avant de la figurine Co. 2349, il semblerait assez probable que le texte, s’il y en avait bien un, était peint en colonne(s), et uniquement sur la face avant.
Cette dernière caractéristique se retrouve sur des exemplaires découverts à Deir el-Médina, comme le chaouabti en bois stuqué et peint de la Dame Meresger, datant de la XIXème dynastie et conservé au Musée du Louvre (Inv. N° N 2684, ANDREU 2002, p. 295-296 : Fig. 224). Momiforme, très longiligne, la figurine arbore une perruque tripartite noire, et ses bras croisés sont emprisonnés dans le suaire. Les bijoux, un grand collier, ainsi que le texte (disposé en colonnes sur les jambes et délimité par un trait), sont peints en noir sur fond ocre et blanc. La polychromie, bien conservée, permet de contempler un visage imberbe à la carnation ocre rouge, aux sourcils et aux iris noirs, et à la sclérotique blanche. Le chaouabti de Dame Meresger correspond ainsi à l’un des deux types de serviteurs funéraires caractéristiques de Deir el-Médina : celui des figures « filiformes » , en bois stuqué et peint, à la taille comprise entre 15 et 20 cm, à la sculpture « grossière » et aux bras « traités sommairement », au texte réduit sur une « simple colonne » citant simplement le nom du propriétaire (ANDREU 2002, p. 296 : description et interprétation). Les traces de polychromie mises en évidence par la campagne de restauration de 2019 autorisent à voir dans le chaouabti Co. 2349 un objet de ce type. Des traces d’ocre jaune s’observant aux environs de la face, la figurine serait celle d’une dame, le teint des délicates maîtresses de maison égyptiennes étant en général plus clair que celui de leurs époux.
L’absence de décor et d’inscription rend la datation difficile. La perruque tripartite unie, aussi appelée « perruque archaïque » (Chaouabtis 2003, p. 26 : tableau des coiffures, genre n°1), existant à toutes les époques, elle n’est pas un critère probant. L’absence de pilier dorsal serait l’indice d’une fabrication antérieure à la Basse Époque, voire même avant la Troisième Période intermédiaire, période pendant laquelle se répand une position particulière des bras, l’un étant croisé et l’autre ballant le long du corps. Enfin, il n’a certainement pas été sculpté pendant la période amarnienne où le costume des vivants prime sur le suaire osirien (Chaouabtis 2003, p. 24). On notera que l’utilisation du bois, pour ce genre de mobilier funéraire, correspond plus particulièrement à une période comprise entre la XVIIème dynastie et la fin du Nouvel Empire, notamment avec des essences comme le tamaris (Chaouabtis 2003, p. 32 et ushabti.com, rubrique « Determine Age »), ce qui est le cas de la figurine du Musée Rodin.
En conclusion, le chaouabti Co. 2349 proviendrait assez vraisemblablement de l’équipement funéraire d’une dame du Nouvel Empire, sans exclure néanmoins de l’ajouter à la longue liste des chaouabtis de Séti Ier. Datant vraisemblablement de la XIXème dynastie, il est probable qu’il faisait partie d’un ensemble de plusieurs chaouabtis, assez souvent réunis dans un coffret.
Anépigraphe, mais peut-être anciennement inscrit.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon / pavillon de l'Alma / vitrine 5, 309, "Ushabti en bois peint. Une ligne verticale a presque entièrement disparu. Haut. 21 cent. Sans valeur."
Donation Rodin à l’État français en 1916.