Ouchebti momiforme d’Apis

Égypte > Sérapéum de Saqqâra probablement.

Nouvel Empire > XIXe ou XXe dynastie

[VOIR CHRONOLOGIE].

Faïence siliceuse bleu-vert clair.

H. 19,6 CM ; L. 4,8 CM ; P. 5,3 CM (hors tout) ; H. 15,6 CM ; L. 4,8 CM ; P. 3,6 CM (œuvre) ; H. 4 CM ; L. 4,2 CM ; P. 5,3 CM (socle)

Co. 2345

Commentaire

Etat de conservation

Bon état de conservation. La statuette est constituée de deux fragments. Les variations de couleur entre la partie supérieure et la partie inférieure de la figurine sont l’indice de conditions de conservation différentes. Étant donné qu’ils ne sont pas parfaitement jointifs, il est probable de suggérer que l’objet est en réalité l’assemblage de deux ouchebti d’un même type. À l’avant et à l’arrière de la figurine, une fissure court verticalement sur les jambes, conséquence de l’assemblage forcé des fragments de deux ouchebtis différents. Il est vraisemblable que cet assemblage ait été réalisé à l’époque de sa mise en vente sur le marché de l’art. La partie inférieure de la statuette – un socle de sarcophage emballant les pieds de la momie – a été brisée en deux parties, recollées.Toute la surface a perdu la vivacité de sa couleur bleu-vert pour tendre vers le blanc, notamment sur le visage, les bras et l’inscription. Le fragment inférieur a perdu sa glaçure, nettement plus verte à l’origine que celle du fragment supérieur.

Description

Co. 2345 est une statuette de serviteur funéraire, également appelé chabti, qui présente un corps humain et une tête de taureau (bucéphale). Le serviteur se tient debout, le corps entièrement emmailloté (seuls les bras, croisés sur la poitrine, sont figurés en relief). Les mains fermées, aux pouces visibles, tiennent chacune une houe peinte en noir sur le haut du bras. Ces deux outils sont l’évocation de la panoplie agricole nécessaire au défunt pour les corvées qui lui seront éventuellement confiées dans l’au-delà.

La partie supérieure a conservé les traces d’une colonne d’inscription, difficile à déchiffrer ; aucun signe n’est discernable sur la partie inférieure. De la peinture noire, en partie effacée, a été utilisée pour la perruque, le détail des yeux, du collier ousekh, des instruments agricoles et de l’inscription hiéroglyphique.

 

Toutes les caractéristiques de la tête d’un taureau sont représentées : un museau aux larges naseaux, des yeux écartés de part et d’autre de la boîte crânienne, de grandes oreilles de bovidé étirées de chaque côté et deux courtes cornes pointant au sommet du front. L’ensemble est encadré par une perruque tripartite longue qui s’ajuste subtilement aux caractéristiques physiques du taureau. La partie antérieure de la perruque s’avance en effet entre les deux cornes de l’animal et les oreilles du bovin sont bien visibles, totalement dégagées sur les mèches. Un collier à plusieurs rangs de perles moulés en relief puis rehaussés de noir se devine entre les deux pans de la perruque. Ce large collier assure une transition harmonieuse entre le cou de l’animal (en l’occurrence celui d’un bovidé) et le corps humain (emmailloté dans des bandelettes).

 

Dans le dos, la perruque s’arrête horizontalement au niveau des épaules. Un large sac à graines est dessiné sur ses reins, retenu sur les épaules par une cordelette.

 

Co. 2345 est un chabti de taureau Apis (sur le culte du taureau Apis, attesté dès la Ire dynastie, voir CORTEGGIANI 2007, « Apis », p. 46-48). Ce dieu, symbole de fertilité, de force physique et de puissance sexuelle, était représenté par un taureau, distingué de ses congénères par un pelage blanc tacheté de noir à certains endroits précis. Il pouvait également être représenté avec un corps d’homme bucéphale, aux cornes enserrant un disque solaire.

 

Son incarnation terrestre était vénérée sous la forme d’un taureau vivant, aux caractéristiques physiques déterminées. Il ne pouvait y avoir qu’un seul taureau Apis vivant. L’animal, repéré par les prêtres dans toute l’Égypte, était amené en grande pompe à Memphis et installé dans son temple, l’Apeium, voisin du grand temple de Ptah. Ptah était le dieu de Memphis et Apis était le fils du dieu Ptah. Le taureau sacré ne sortait du temple que pour des cérémonies religieuses, notamment la grande fête du Nouvel An. À sa mort, le taureau Apis était assimilé au dieu Osiris sous le nom d’Osiris-Apis (appelé Sérapis à l’époque gréco-romaine).

 

Selon les récits grecs et romains, l’incarnation terrestre du dieu ne pouvait pas vivre au-delà de vingt-cinq ans. Le taureau sacré était alors noyé dans un bassin prévu à cet effet sur les bords du Nil. Cette mise à mort rituelle, qui rappelle la noyade du dieu Osiris, devait respecter les textes sacrés égyptiens. Les prêtres partaient alors en quête de son successeur. Qu’il ait été sacrifié ou non, la mort du taureau Apis était un évènement majeur, et la durée de sa momification (soixante-dix jours) correspondait à un deuil national. L’embaumement faisait l’objet d’un rituel complexe et les funérailles étaient particulièrement fastueuses. Sa momie, déposée dans un sarcophage massif, était inhumée dans le Sérapéum de Saqqara, tombeau collectif construit à partir du Nouvel Empire et retrouvé en 1851 par Auguste Mariette (MARIETTE 1856).

Il est à noter que momifier un animal d’une telle taille impliquait une maîtrise parfaite des techniques d’embaumement, toute la difficulté résidant dans l’extraction des humeurs et la dessiccation des chairs, opération particulièrement conséquente en ce qui concerne un taureau.

 

Le premier Apis découvert au Sérapéum de Saqqara date du règne d’Amenhotep II (XVIIIe dynastie). Le tombeau a été agrandi par Ramsès II (XIXe dynastie), qui a fait construire des souterrains afin que chaque taureau puisse bénéficier d’un caveau qui lui était spécialement dédié. D’autres souterrains furent inaugurés par Psammétique Ier (XXVIe dynastie) et utilisés jusqu’à la fin de l’Antiquité.

 

Le mobilier funéraire qui accompagnait la momie du taureau était proche de celui des tombes égyptiennes classiques : ouchebtis, vases canopes, bijoux, amulettes (pour la période ramesside, voir le catalogue des objets exposés au Musée départemental Arles antique en 2016-2017 (CHARRON, BARBOTIN 2016). Lors de l’enterrement, ces figurines de serviteurs funéraires étaient offertes par des représentants de l’élite égyptienne, famille royale et hauts dignitaires (cf. AUBERT 2005, p. 15-54 : « À l’occasion de chaque enterrement, les dignitaires venaient rendre hommage à l’Osiris, substitut de Ptah, et lui offraient en dépôt votif un ou plusieurs superbes chaouabtis, qui sont aujourd’hui pour la plupart conservés au Louvre »).

Voici un exemplaire conservé au musée du Louvre. Le début de l’inscription est similaire à celle de l’ouchebti Co. 2345.

 

On constate grâce à ces autres exemples que l’iconographie du chabti du taureau Apis peut varier considérablement.

 

Concernant la figurine Co. 2345, les critères stylistiques suggèrent une datation de la fin du Nouvel Empire (XIXe ou XXe dynastie). En effet, les ouchebtis d’Apis plus tardifs (Troisième Période intermédiaire et Basse Époque) présentent généralement une tête humaine, parfois ornée d’une barbe osirienne (source : https://www.ushabtis.com/special-shabtis/). Exception à la règle néanmoins, deux des chaouabtis d’Apis en faïence siliceuse trouvés par Auguste Mariette dans les Petits Souterrains du Sérapéum de Saqqara et exposés à Arles en 2016-2017 (voir BOVOT Jean-Luc, « Chaouabti d’un taureau Apis », dans CHARRON-BARBOTIN 2016, notice 133, p. 286, et « Chaouabti d’Apis », id., notice 134 p. 286). Datés de la XIXe dynastie, ils sont conservés au musée du Louvre. Le premier possède une tête bovine (Inventaires N° N 5234, 14 ; IM 3213 ; S 1485 (partage de fouilles, Mariette) et le second une tête humaine (Inventaires N° N 5233 ; IM 3153 ; S 1870 (partage de fouilles, Mariette).

Inscription

Une colonne de hiéroglyphes est peinte à l’avant de la figurine. Seuls quatre signes sont encore lisibles.

 

Traduction fournie par D. Farout.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon / pavillon de l'Alma/vitrine 8, 339, "Ushabti à tête de taureau en terre émaillée verdâtre. Hiéroglyphes à peu près complètement effacés. Cassé et recollé. Haut. 15 cent. 1/2. Estimé dix francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

 

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