HÉMEN

sous sa forme de faucon

Égypte > provenance inconnue

Probablement Basse Époque > 664-323 avant J.-C. 

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé 

H. 13,6 cm ; L. 10,6 cm ; Pr. 28 cm

Co. 651

Commentaire

Etat de conservation

L'objet est en bon état de conservation. Cependant, le bois et la polychromie sont altérés. Une longue fissure court sur le dos du faucon. La polychromie s'est soulevée et écaillée par endroits, laissant les couches picturales inférieures visibles. C'est notamment le cas sur la face, le poitrail, la partie supérieure des ailes, la queue et la patte gauche. 

Description

Réalisée en bois recouvert de polychromie, cette statuette figure un faucon debout, les ailes repliées dans le dos. Il s’agit vraisemblablement de l’image du dieu Hémen, seigneur de Héfat, une ville du 3nome de Haute Égypte située au sud de Louqsor et actuelle Moalla (CORTEGGIANI 2017, p. 192-193 : « Hémen »). On note que la polychromie d'origine a été altérée par l'ajout moderne d'une couche picturale grisâtre, écaillée et soulevée ça et là. 

Le faucon est presqu'à l'échelle. La tête, plutôt petite, présente un bec menu et des yeux ronds. L'état fragmentaire de la polychromie révèle le travail du sculpteur, mettant en particulier en évidence que les orbites sont légèrement saillantes dans le bois, et que le volume de l'œil est rendu par une boule d'enduit. Les longues ailes sont repliées, rattachées à un poitrail massif. Elles reposent, délicatement entrecroisées, sur une queue carrée, légèrement incurvée vers le sol. Les tibias, figurés avec leur fourrure, forment deux parallélépipèdes identiques. Ce faucon, au réalisme saisissant et parfaitement proportionné, donne une impression de finesse et de puissance. 

L'œuvre était constituée de plusieurs parties: au corps, sculpté dans un morceau de bois monolithe, s'ajoutait la partie inférieure des pattes, aujourd'hui disparue. On note la présence de trous de tenons modernes sur le revers de la queue, en bas à gauche, ainsi que sous le tibia gauche. 

 

La position caractéristique de l'oiseau et son absence de couronne suggèrent que la statuette Co. 0651 serait une représentation du dieu Hémen, l'une des nombreuses formes du dieu Horus, fils d'Osiris et d'Isis. Ce dieu justicier est réputé pour châtier les pilleurs de sépulture (CORTEGGIANI 2017, p. 192-193: « Hémen »). Les représentations de faucon sont habituellement assez colorées, surtout lorsqu'elles sont réalisées en bois (voir aussi Co. 2483). Il est cependant difficile, sans une analyse plus approfondie des différentes couches picturales, de restituer les pigments originaux. 

Les représentations du dieu Hémen en ronde-bosse sont assez exceptionnelles. Nous pourrions cependant comparer Co. 0651 avec une pièce connue du musée du Louvre, un ex-voto, inventorié E25276, offert par le pharaon Taharqa au dieu Hémen pour avoir fait cesser la famine qui s'était abattue sur l’Égypte (VANDIER 1955, p. 73-76). Cette œuvre représente le roi Taharqa, des vases dans les mains, agenouillé devant le dieu figuré sous la forme d'un faucon aux ailes repliées dans le dos, tenant un serpent dressé entre ses pattes. Tandis que la statuette du roi est en bronze et d'excellente qualité, celle du faucon, d’un style moins raffiné, est en schiste recouvert d'une feuille d'or. Ces deux statuettes sont encastrées dans un socle plaqué d'argent. Le dieu faucon du musée du Louvre, dont l'attitude est similaire à Co. 0651, a été réalisé au plus tôt à l'Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.), mais en tous les cas avant le règne du pharaon à l’image duquel ce groupe statuaire l’associe, Taharqa (690-664 av. J.-C., à la Troisième Période intermédiaire). Ainsi, tout comme le groupe E25276 du musée du Louvre, le faucon en bois Co. 0651 pourrait être un ex-voto, ou du moins, avoir fait partie du mobilier d'un temple. 

La datation de l'objet, de style archaïsant, est complexe, la Basse Époque (664-323 av. J.-C.) semblant le plus probable. Pattes et socle ayant disparus, nous ne savons pas si l’image du faucon était associée à celle d’un serpent. 

 

En conclusion, Co. 0651 serait une représentation du dieu faucon Hémen, probablement un ex-voto déposé dans un temple et datant de la Basse Époque (664-323 av. J.-C.). 

 

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon / Objets non en vitrine / atelier Tweed, 562, "Faucon en bois jadis peint. Les pattes manquent. Long. (de la tête à la queue) 30 cent. Haut. 14 cent. Estimé trois cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

L'objet était exposé en 1913 dans l'atelier Tweed à Meudon. 

Le sculpteur aimait le montrer à ses visiteurs : « ... Et cet épervier ! Rodin me montre un oiseau en bois de sycomore, et sa main se formant en cloche, le saisit doucement, dévotement, comme s'il avait peur de lui faire mal. « Regardez cette tête sans cou !... Un corps et le bec tout de suite !... C'est formidable !... Tenez ! il enfile les ailes ! Il va s'envoler ! » Et le maître, élevant l'oiseau, tourne sur lui-même comme pour lui faire fendre l'espace. « Les Égyptiens, continue-t-il, furent plus farouches que les Grecs, plus rudes peut-être, mais aussi grands. Les grecs ont été charmants : ils ont inventé la grâce. Mais les uns et les autres ont aimé la vie avec autant de ferveur : ils l'ont épiée et reproduite avec une égale sincérité. Voilà pourquoi je les mets sur le même rang. Ce sont mes maîtres : je n'aspire qu'à être leur très humble disciple » (GSELL 1er mai 1906, p. 94). S'agit-il de la même oeuvre vue par le critique Léon Maillard dans la maison de Rodin à Meudon-Bellevue en 1893 : « C'est à Sèvres que je vis pour la première fois un épervier, chef-d'oeuvre égyptien, en une matière inconnue, qui peut être du bois, qui peut être de la pierre, ou une combinaison céramique quelconque, un épervier que Rodin tenait entre ses mains, et qui était d'une si merveilleuse forme, d'une entente si harmonieuse, qu'il semblait encore tressaillir sous la caresse des doigts. Cet épervier, je l'ai revu maintes et maintes fois, et toujours j'ai ressenti une émotion semblable. C'est lui qui a fixé, pour moi, l'intense vision de Rodin, car il la possédait en entier par cette caresse. Je pense que les jours où la fatigue pouvait vaincre ses muscles, le sculpteur retrouvait sa force et sa direction en touchant les ailes palpitantes de l'oiseau éternel. » (MAILLARD 1899, p. 39).

Iil pourrait alors s'agir d'une des plus anciennes oeuvres de la collection, provenant peut-être des oeuvres exposées par Rodin avant cette date à la Folie Neufbourg.

 

 

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