Les traits du visage sont à peine discernables. Sous un front haut, les petits yeux sont enfoncés dans leurs orbites, peut-être plissés sous l’effet de la bouche grande ouverte, comme pour laisser s’échapper une plainte, faisant également saillir les pommettes et creusant les sillons naso-géniens et tout autour de la bouche. Le nez, dont le lobe est relevé, est écrasé et les lèvres sont épaisses.
Cette figurine peut être rattachée à une catégorie de figurines regroupées sous l’appellation générique de « grotesques ». Ce terme désigne une série de motifs très populaires à l'époque hellénistique, ayant en commun la représentation de figures grimaçantes et contorsionnées à l'aspect disgracieux. Ce terme est employé pour désigner les figurines de plusieurs ensembles iconographiques : les cas pathologiques – la qualité de la réalisation de beaucoup de ces objets permettent d'ailleurs de reconnaître des maladies et des handicaps : hydrocéphalie, lordoses, gibbosités, etc… - ; les représentations dites « réalistes », que l'on peut rapprocher des « sujets de genre » ; enfin, les caricatures de diverses catégories sociales, qu’il s’agisse des prêtres ou de personnes de rang subalterne.
Ces figures ont été conçues en Grèce où elles dérivent des sujets théâtraux, apparus au Ve siècle av. J.-C. Les acteurs sont alors représentés dans leur rôle, caricaturaux, avec leur masque, un ventre postiche et un phallus postiche lorsque le rôle l'impose. Progressivement, la représentation de l’individu en tant que tel vient se substituer à l’acteur qui l’incarne. Ainsi, certains personnages tels la nourrice, le pugiliste ou l'esclave, intègrent au IIIe siècle le répertoire des caricatures et des figures réalistes. En l’absence du corps, il est difficile d’attribuer la tête Co. 2720 à un genre plutôt qu’à un autre.
Les contextes de découverte des « grotesques » sont généralement mal connus, à quelques exceptions près. Outre l’exemple cultuel fourni en Egypte par le sanctuaire de Ras el-Soda, des contextes funéraires sont attestés à Myrina et des contextes domestiques à Priène. La diversité apparente des contextes d’utilisation, conduit à une interprétation difficile de la fonction. Les traductions ponctuelles des « grotesques » en métal et en ivoire montrent que ces effigies devaient avoir une certaine importance, ou du moins que leurs propriétaires devaient être parfois d'un certain niveau social. Les ateliers de Smyrne en particulier sont réputés pour leur importante production de « grotesques » pathologiques, dont la production a été autrefois reliée à la présence d’écoles de médecine dans la cité. Ces types auraient alors eu une fonction médicale de documentation. En l’absence de texte antique confirmant cette hypothèse, celle-ci n’est pas toujours retenue par la communauté scientifique (Hasselin & Laugier 2009, p. 172 ; Jeammet & Ballet 2011, p. 73).
Hans Peter Laubscher suggérait en 1982 qu'il s'agisse d'accessoires de table. Suivant l'idée que le rire exorcise et protège, ces objets qui représentent certaines catégories de la société (le clergé, l’indigent, l’exclave, etc...) faisaient l'objet de moqueries à charge sociale. Les attitudes contournées de certaines figures permettraient d'ailleurs de contrer le mauvais œil. En dehors de la tombe et du temple, ces personnages auraient donc été le sujet de plaisanteries, mais aussi de méditations pendant les banquets. Certains « grotesques », dont des exemplaires de la collection d’Auguste Rodin comme la figure Co. 2505 ou la tête Co. 2538, arborent effectivement des couronnes et des colliers de fleurs, dont la connotation festive dénote leur lien avec le banquet. Cela n’est cependant pas le cas de Co. 2720.
Luca Giuliani, en regard d'un texte d'Athénée (IV, 128 cff), propose un niveau de lecture additionnel à l’hypothèse de Laubscher : plus que de simples accessoires de table, l'infirme, l’esclave ou la vieille auraient été véritablement présents lors des festivités, affublés de couronnes et de colliers de fleurs, afin de distraire l'assemblée de bourgeois. Les « grotesques festifs » peuvent alors être identifiés comme des grulloi (bouffons dansants, souvent atteints de nanisme) ou des gelotopoioi (personnes risibles par leur attitude). Ces figurines et leurs modèles qui prêtaient à rire à ces occasions, auraient constitué, pour les classes aisées et fortunées, la garantie par contraste de leur propre bien-être et de leur intégrité physique, voire de leur intégrité mentale (Jeammet & Ballet 2011, p. 74-75).