Il s’agit d’un personnage masculin nu se contorsionnant. Il a la main gauche sur la hanche et la main droite derrière la tête. Il est chauve et porte une épaisse couronne alvéolée autour de laquelle s’enroule un ruban et surmontée de deux boutons de lotus. Il arbore également un large collier torsadé. Son front est marqué d’une ride d’expression, il a les arcades sourcilières épaisses et froncées, les yeux écarquillés et la bouche grimaçante aux lèvres épaisses.
La présence des deux boutons de lotus permet de rattacher ce personnage à la sphère harpocratique car il s’agit d’un des attributs courants du dieu. Les fidèles d’Harpocrate sont justement représentés affublés de ses signes distinctifs, les deux boutons de lotus et la mèche de l’enfance. Cette dernière est ici absente. Une autre caractéristique iconographique des membres du clergé harpocratique est le crâne entièrement rasé, à l’exception de deux touffes de cheveux laissées apparentes sur le front, également absentes chez Co. 2588.
Plus frappante est l’attitude contorsionnée et l’expression grimaçante de la figure. Celle-ci s’inscrit dans la catégorie des représentations caricaturales, généralement regroupées sous l’appellation plus générique mais discutée de « grotesques », désignant un ensemble de motifs très populaires à l'époque hellénistique, ayant en commun la représentation de personnages à l'aspect disgracieux, en
torsion violente ou au corps déformé. Ces multiples images ont été conçues à l'encontre de l'incarnation du beau idéal en Grèce et des conventions de l'art égyptien. Les « grotesques » peuvent être distingués en plusieurs catégories : les cas pathologiques - la qualité de la réalisation de beaucoup de ces objets permettent d'ailleurs de reconnaître des maladies et des handicaps : hydrocéphalie, lordoses, gibbosités, etc… - ; les représentations dites « réalistes », que l'on peut rapprocher des « sujets de genre » qui comprennent également les représentations ethniques ; les caricatures de certaines catégories sociales comme les nourrices, les esclaves, ou encore les membres du clergé, comme avec Co.02588 qui représenterait un fidèle d’Harpocrate. Cette catégorie dite des « grotesques » est supposé dérivé répertoire iconographique en coroplathie grecque au IVe siècle avec les sujets théâtraux les acteurs sont alors représentés dans leur rôle, caricaturaux, avec leur masque, un ventre postiche et un phallus postiche lorsque le rôle l'impose. Petit à petit, la représentation de l’individu en tant que tel vient se substituer à l’acteur qui l’incarne. Le visage grimaçant et contrit de Co. 2588 peut d’ailleurs rappeler les expressions exacerbées des masques de théâtre.
Les sujets ainsi regroupés sous l'appellation de « grotesques » proviennent, jusqu'alors, en très large majorité d'Asie Mineure et d'Egypte. Plus précisément, ce sont les sites de Smyrne et d'Alexandrie qui ont livré la majorité du matériel connu. Le rapport au dieu Harpocrate enjoint à rattacher cette figurine aux ateliers alexandrins. Les représentations d’Harpocrate sont justement nombreuses dans la capitale lagide, où le temple du dieu assurait la présence de membre de son clergé et de ses fidèles, qui pouvaient alors faire l’objet de représentations en coroplathie comme d’autres classes sociales.
Les contextes de découverte des grotesques sont généralement mal connus, à quelques exceptions près. Outre l’exemple cultuel fourni par le sanctuaire de Ras el-Soda, des contextes funéraires sont attestés à Myrina et des contextes domestiques sont attestés à Priène. La diversité apparente des contextes d’utilisation, conduit à une interprétation difficile de la fonction. Les traductions ponctuelles des « grotesques » en métal et en ivoire montrent que ces effigies devaient avoir une certaine importance, ou du moins que leurs propriétaires devaient être parfois d'un certain niveau social. Hans Peter Laubscher suggérait en 1982 qu'il s'agisse d'accessoires de table. Suivant l'idée que le rire exorcise et protège, ces objets qui représentent certaines catégories de la société (le clergé, l’indigent, l’exclave, etc...) faisaient l'objet de moqueries à charge sociale. Les attitudes contournées de certaines figures permettraient d'ailleurs de contrer le mauvais œil. En dehors de la tombe et du temple, ces personnages auraient donc été le sujet de plaisanteries, mais aussi de méditations pendant les banquets. Certains exemplaires d'ailleurs, telle la figure Co. 2588, arborent des attributs comme les couronnes et colliers de fleurs, dont la connotation festive, montre leur liens avec le banquet.
Luca Giuliani, en regard d'un texte d'Athénée (IV, 128 cff), propose un niveau de lecture additionnel à l’hypothèse de Laubscher : plus que de simples représentations pour la table, l'infirme, l’esclave ou la vieille auraient été véritablement présents lors des festivités afin de distraire l'assemblée de bourgeois. Les « grotesques festifs » peuvent alors être identifiés comme des grulloi (bouffons dansants, souvent atteints de nanisme) ou des gelotopoioi (personnes risibles par leur attitude). Ces figurines et leurs modèles qui prêtaient à rire à ces occasions, auraient constitué, pour les classes aisées et fortunées, la garantie par contraste de leur propre bien-être et de leur intégrité physique, voire de leur intégrité mentale. Était-ce également le cas des membres du clergé harpocratique ?