La scène conservée au musée Rodin est de nature cultuelle et provenait, à l’origine, d’un sanctuaire. Sculptée en creux, elle représente la Divine adoratrice Chépénoupet et le dieu Amon-Rê, identifiables grâce aux légendes hiéroglyphiques. Ils se tiennent debout, face à face. De taille similaire, ils sont tous les deux coiffés d’une couronne à double plume. En dépit du mauvais état de la scène, il est possible de considérer que le dieu enserre de son bras droit le coude droit de Chépénoupet, tandis que son bras gauche se glisse derrière l'épaule du personnage féminin. Le style archaïsant de cette scène peut, par exemple, être comparé à une autre scène, provenant du montant est de l’avant-porte de la chapelle d’Osiris Heqa-djet à Karnak (voir PERDU 2018, p. 203-206 et fig. 1). Dans cette chapelle, c’est une déesse, Nehkbet, qui donne l’accolade au souverain Osorkon III.
Le dieu est vêtu d’un pagne court simple, auquel une queue de taureau est attachée à l’arrière, et un corsage qui lui couvre une partie du buste. Alors que ses bras ne sont pas détaillés, la musculature des jambes est particulièrement bien marquée. À droite, la Divine adoratrice est vêtue d’une longue robe fourreau archaïsante à bretelles. Sa tête est couverte d’une dépouille de vautour à tête d’uraeus, surmontée d’une coiffe composée de deux hautes plumes fichées dans un mortier. Chépénoupet tient une croix-ânkh dans sa main droite et la massue blanche piriforme, signifiant le triomphe du roi sur ses ennemis, dans l’autre.
Surmontant la scène, le vautour Nekhbet, aux larges ailes déployées, enserre le signe du
cartouche avec ses pattes. Il est surmonté de la dernière ligne d’un texte aujourd’hui disparu. Enfin, au-dessus et au centre de la scène, entre les couronnes des deux personnages, des inscriptions mentionnent le nom d’Amon et celui de la Divine adoratrice.
Chépénoupet II, dont le nom d’intronisation est Moutiretrê Henoutnéférou, est la fille du pharaon nubien Piânkhy et sœur des pharaons Chabaqa et Taharqa. Elle servit comme Divine adoratrice durant les règnes de Taharqa et jusqu’à l’an 9 de Psammétique Ier. À Karnak, elle est impliquée dans de nombreuses constructions, qui mettent en scène son rôle cultuel. Durant son règne, elle partage sa fonction avec Aménardis II, puis avec Nitocris Ière, la fille du pharaon Psammétique Ier et fondateur de la XXVIe dynastie. C’est ainsi qu’elle apparaît aussi aux côtés de cette dernière au ouadi Gasus, afin de rendre officielle et concrète la nouvelle filiation. Chépénoupet II fut enterrée dans une chapelle à Medinet Habou, sur la rive ouest de Thèbes.
Les Divines adoratrices sont des prêtresses qui ont officié dans le cadre du culte d’Amon à Thèbes, à partir du Nouvel Empire. Épouses du dieu, elles ont joué un rôle cultuel majeur au sein du temple, mais aussi politique. En effet, ce titre d’ « Épouse du dieu », porté par des femmes de la famille royale, désigne une prêtresse qui entretient le dieu dans sa puissance, sa fertilité et dont la participation est requise dans les principaux rites de purification et de consécration d’offrandes. Par ce service cultuel apaisant la divinité, elles assurent la fertilité du Nil et le maintien de l’ordre cosmique. Bien que la majorité des Divines adoratrices officiait à Thèbes en tant qu’épouse d’Amon, elles pouvaient être associées à toutes femmes de dieu telles qu’Isis, Hathor, Ouaset ou encore Opet.
La charge d’ « Épouse du dieu » (ḥm.t-nṯr) apparaît à la fin du Moyen Empire, pour désigner certaines prêtresses au service de dieu ithyphalliques, comme Min ou Amon. La reine Âhmès Néfertari fut la première reine détentrice de ce titre. Par la suite, cette fonction s’est majoritairement transmise au sein de la famille royale.
En parallèle, durant la XVIIIe dynastie, une nouvelle charge apparaît, celle de d’ « adoratrice d’Amon » (dwȝ.t n.t nṯr n.t Jmn). Portée au départ par des femmes de l’élite sociale, ce titre incomba aux épouses ou les filles royales durant la XXe dynastie qui cumulèrent désormais les fonctions d’« épouse du dieu » et de « divine adoratrice ».
À la XXI
e dynastie, sous le règne de Maâtkarê, l’avènement d’une nouvelle prêtresse s’accomplit par un couronnement et la fixation d’une
titulature dans un
cartouche, ce qui leur confère une supériorité et un attribut théologique sans précédent. C’est aussi à cette période qu’un troisième privilège royal leur est accordé, la présence d’un uraeus frontal sur leurs
oushebti. Ces éléments autrefois réservés uniquement au roi, placent la Divine Épouse comme égale du souverain. Elle est ainsi représentée face aux dieux sur les reliefs des temples pour y accomplir la quasi-totalité des prérogatives royales liturgiques. Cette fonction se transmet alors par héritage, des successions qui furent souvent influencées par la politique interne de l’Égypte. On voit ainsi apparaître une dynastie de prêtresses entièrement consacrées au dieu par leur vie et leur célibat. Elles possèdent une cour et des biens matériels conséquents et, au fil du temps elle jouent un rôle de plus en plus important dans les affaires diplomatiques et politiques.
Durant la XXVe dynastie, de nombreux monuments thébains furent érigés aux noms d’Aménirdis et de Chépénoupet II. Les chapelles osiriennes de Karnak-nord, de Médinet Habou, ou encore de Médamoud démontrent parfaitement le prestige et le statut exceptionnel de ces femmes. Le relief Co. 1412 provient très probablement du secteur nord du temple de Karnak.
L’orientation du vautour Nekhbet permet de comprendre qu’il s’agit du montant droit d’une entrée de chapelle. Sculpté en creux, ce relief peut être rapproché d’un montant de porte de la collection Bissing (LECLANT 1965, p. 189 [f]) conservée au Staatliche Kunstsamlungen Dresden, Inv. N° Aeg 829, anciennement en dépôt au musée égyptien de Leipzig (MORENZ 1982, n°6002).