Amulette de Bès

Égypte > Provenance inconnue

Nouvel Empire

[VOIR CHRONOLOGIE]

Faïence

H. 3, 8 CM ; L. 2, 5 CM 

Co. 2736

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est en mauvais état de conservation. Elle est en effet cassée au milieu de la tête et on observe des traces de brûlures à la base au revers.

Description

Il s’agit d’une petite effigie de Bès, cassée au milieu de la tête, juste au-dessus du nez. Du nain ne reste donc que la moitié du visage, dévoilant ainsi un bout du nez épaté et une bouche dotée de lèvres charnues. Dotée d’une large barbe dont les mèches épaisses retombent jusqu’au cou, la divinité était selon toute vraisemblance en train de tirer la langue, attitude d’intimidation et de protection. Le génie a les bras joints sous le visage, les mains n’étant pas sculptées. Le ventre est saillant, la dépression du nombril large et profonde. Les hanches sont larges, les cuisses, arquées, sont potelées et marquées de bourrelets. Les attributs sexuels du génie, bien visibles, ont été exécutés sommairement. Les pieds reposent sur une petite base. A l’arrière, le dos est plat, traversé dans le sens de la longueur par un tube de forme rectangulaire muni de deux larges orifices tubulaires qui le traversent à l’horizontale, un au niveau de la tête et un autre au niveau des jambes. Il est possible d’y voir un système de suspension destiné à disposer la figurine dans un collier prophylactique ou bien sur une paroi. Au pied de ce tube est inscrit le numéro d’inventaire actuel à l’encre noire sur une pellicule isolante. On observe des traces cramoisies à cet emplacement, traces d’incendie ou bien stigmates d’un objet soumis à une cuisson trop élevée.

 

Cette figurine à l’effigie de Bès est de toute évidence une amulette, réalisée en faïence égyptienne. Bien que souvent considéré comme un dieu, Bès est une divinité secondaire. D’origine nubienne, ses représentations sont attestées dès le Moyen Empire. Au Nouvel Empire, il devint une divinité extrêmement populaire. Bès est un nom générique donné à toute une série de nains qui peuvent parfois être confondus avec d’autres génies tel Aha ou Hity. De forme naine, Bès possède de longs bras, un masque de type léonin, est joufflu et affublé d’épais sourcils, d’une barbe-crinière aux longues mèches détaillées et très souvent coiffé d’une couronne de plumes d’autruche retenues par un bandeau (voir par exemple la statuette en calcaire musée Rodin Co. 3385) ou fichées dans un mortier. Au Nouvel Empire, Bès arbore souvent une peau de léopard. Une des caractéristiques principales de son iconographie réside dans le fait que le génie est presque toujours représenté de face, convention inhabituelle à l’art égyptien. Le nain a une parèdre, Beset, mais on lui attribue généralement Taoueret comme épouse. (Sur les divinités Bès et Beset, voir CORTEGGIANI 2007 p. 84-87). Protecteur du foyer, Bès assure aux humains un sommeil reposant, chasse les cauchemars et est réputé garantir une vie sexuelle épanouissante. La sexualité est un aspect essentiel de sa personnalité, ce qui lui conférait de toute évidence un esprit gai et jovial, renforcé par son surpoids, signe d’abondance. Bès est également une figure particulièrement importante dans l’univers de la femme et de l’enfant. Il les protège pendant la grossesse et au moment de l’accouchement et garantit l’harmonie familiale. On doit son visage sévère, ses grimaces parfois effrayantes et ses postures guerrières à son rôle de protecteur. Bès protège les humains en éloignant les forces du mal et est ainsi généralement désigné comme étant le « Combattant », adoptant dans ce cas une posture guerrière et arborant épée et bouclier (voir la figurine en terre cuite Co. 2596). Bès est l’assistant magique de la déesse Hathor et non son égal. Bon nombre de ses représentations et effigies ont d’ailleurs été retrouvées dans les sanctuaires dédiés à la déesse. Dans le mythe de la déesse lointaine (voir INCONNU-BOCQUILLON 2001), on raconte qu’il escorta Hathor durant son retour en Egypte en lui jouant de la musique, accordant ainsi au génie un rôle supplémentaire, celui de protecteur des danseuses et des prêtresses d’Hathor. Il incarne de plus les aspects violents et défensifs de la déesse, décourageant les velléités d’attaque de ses ennemis contre ses adorateurs. Bès connaîtra une postérité féconde, jusqu’au premier siècle de notre ère.

Bien qu’artificielle, la couleur bleu-vert de cette amulette est chargée de symbolique divine, soigneusement disinguée dans l’écriture de la couleur bleue naturelle pour laquelle les Egyptiens ajoutaient maa (véritable) devant hesebedj (bleu). Parmi les matières premières nécessaires à la fabrication d’objets émaillés de couleur dite “bleu égyptien”  se trouve la silice, élément nécessaire à la vitrification. La silice se trouve en particulier dans le quartz (disponible dans le désert oriental et à Assouan) ainsi que dans le sable d’Egypte.  L’ajout de feldspaths à la pâte peut compléter l’apport en silice. Comme il est nécessaire d’ajouter des substances au quartz pour le faire fondre à basse température, on retrouve dans les pâtes égyptiennes des alcalins tels que la soude, présente dans le natron disponible en particulier dans le Ouadi Natroun. L’ajout de chaux permet de former des silicates, permettant la fusion du quartz à basse température. Des éléments tels que la gomme arabique, l’argile et le natron sont également nécessaires pour conférer de la plasticité au quartz. C’est par l’oxyde de cuivre, issu de la calcination et de l’oxydation du cuivre, que naît cette tonalité bleue caractéristique de l’ancienne Egypte. Le cuivre était disponible dans le Sinaï, le désert oriental ou importé de Nubie et d’Asie mineure. L’ajout de cobalt pour renforcer la couleur bleue est possible. Les ingrédients réunis sont réduits en poudre, puis soumis à une cuisson comprise entre 750°C et 850°C afin d’en mélanger les composants. Cette technique de “frittage” s’étend sur plusieurs heures voire quelques jours. L’ensemble obtenu est ensuite brusquement refroidi, puis broyé et fondu à une température comprise entre 1000 et 1200°C, opération recommencée jusqu’à obtention d’une masse vitreuse résistante de qualité suffisante. Le résultat final, comme pour l’amulette Co. 2736, peut être moulé ou taillé.

 

Cette figurine Co. 2736 est à considerer comme une amulette à l’effigie de Bès, de toute evidence destinée à assurer une forme de protection. Des objets similaires ont été retrouvés en très grand nombre en contexte domestique, funéraire ou religieux, notamment, dans les sanctuaires dédiés à Hathor. Un bel exemple d’amulette à l’effigie de Bès réalisé en faïence égyptienne, parmi des milliers d’autres, est celui conservé au Metropolitan Museum of Art de New York sous le numéro d’inventaire 26.7.878. Il est possible que la figurine Co. 2736 date du Nouvel Empire, période durant laquelle les amulettes deviennent extrêmement présentes, mais des analyses chimiques pourraient en préciser la datation. La presence de cobalt d’origine égyptienne serait l’indice d’une fabrication antérieure à la Troisième Période intermédaire, son absence une date postérieure à cette période. Celle de cobalt importé d’Iran correspondrait à une fabrication attestée seulement à partir de la XXVe dynastie. De plus, si le natron est l’unique agent fondant détecté dans la pâte, alors sa fabrication ne pourrait avoir eu lieu qu’au premier millénaire av. J.-C.

La collection égyptienne du musée Rodin possède sept autres objets à l’effigie de Bès, à savoir ceux inventories sous les numéros Co. 3090, Co. 2596, Co. 3064, Co. 3385, Co. 966, Co. 5676, Co. 5677. Il s’agit ici de la seule amulette à l’effigie de Bès de la collection.

Inscription

Anépigraphe.

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