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Harpocrate

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 9,9 cm ; L. : 4 cm ; P. : 2,9 cm

Co. 810

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre présente un mauvais état de conservation.

L’œuvre incomplète est brisée au niveau du ventre, la partie basse du personnage a disparu. Le métal est oxydé, particulièrement sous les aisselles et sous le menton. Originellement, l’œuvre devait être d’une grande qualité. 

Description

L’œuvre représente un enfant qui devait probablement être assis. En effet, le bras gauche est légèrement plié comme c’est le cas pour l’œuvre Co. 789 qui représente un enfant assis sur un siège. Ses doigts sont allongés à plat contrairement à ceux de la main droite dont le pouce et l’annulaire se rejoignent sous le menton. L'index est posé sur la bouche. Les phalanges ne sont pas individualisées. Effigie divine, il s’agit de la représentation du dieu Harpocrate.

Le personnage est couronné du pschent orné d’un petit uraeus frontal. La qualité d’exécution de la figurine Co. 810 incite à penser que l’objet était destiné à recevoir un décor incrusté en or. En effet, le mortier composant la couronne rouge de Basse-Égypte est parsemé de petites dépressions circulaires, destinées vraisemblablement à recevoir un placage ou des incrustations d’or ou d’électrum. Une mèche de l’enfance se dégage du côté droit de la couronne. Finement striée pour dessiner une tresse, cette mèche, épaisse, se termine par une volute sur le haut du pectoral. Un collier ousekh pare le cou de l’enfant.

Les traits du visage sont sculptés avec élégance. On note en effet de bonnes proportions anatomiques et un modelé subtil. Les yeux et les sourcils sont incisés dans le métal et prolongés par un trait de fard également incisé. Le nez est fin à sa naissance, puis s’élargit pour surmonter une petite bouche pincée. Les joues sont modelées avec réalisme, une légère dépression sous chaque œil donnant de la profondeur. Le cou, relativement  court, surplombe des épaules larges et carrées. Les bras sont modelés sans détail anatomique. Les pectoraux sont dessinés, de même que les muscles dorsaux qui ne se discernent aujourd’hui que par le toucher. Remarquons que les stries de la mèche, le contour des yeux et des sourcils, ainsi que les limites de la couronne sur le front, ont été exécutés après le moulage de l’œuvre.

 

Harpocrate est une divinité bien connue dans l’art égyptien. Son nom égyptien Horpakhered, « Horus l’Enfant », a été transcrit par les grecs en Harpocrate. Sa première attestation date de la XXIe dynastie et sa première représentation de l’an 22 de Chéchanq III sur une stèle commémorant une donation pour le « flûtiste d’Harpocrate » (cf. FORGEAU Annie, Horus-Fils-d’Isis, La Jeunesse d’un dieu, BdE 150, Le Caire, 2010, p. 308).

Harpocrate est, à l’époque de sa création, Khonsou-l’enfant, fils d’Amon et de Mout et fait partie de la triade divine thébaine. Il devient ensuite un dieu à part entière, c’est-à-dire Horus l’Enfant, fils d’une union posthume entre Osiris et Isis. Enfant royal, son front est ceint d’un uraeus. Le dieu Seth, son oncle, cherchant à le tuer afin d’acquérir le pouvoir dont il doit hériter de son père, il est élevé dans les marais de Chemnis. Par son histoire, il obtient une double symbolique. Il est à la fois le nouveau soleil du matin et l’héritier divin qui doit succéder à son père, ce qui fait de lui le représentant et la représentation idéale du roi. Les pouvoirs divins qui lui sont attribués évoluent rapidement. En effet, d’après sa mythologie, sa mère Isis l’aurait guéri d’une piqûre de scorpion. Il obtient ainsi des capacités guérisseuses et protectrices face aux animaux dangereux comme le montre les stèles dites d’« Horus sur les Crocodiles ». Sur ce type de stèle, on peut voir Horus enfant maitrisant de chaque main un animal considéré comme dangereux, tels que les lions, les serpents ou les scorpions. On peut également mentionner Nepri, dieu du grain et de la moisson, qui peut être représenté nu avec un doigt à la bouche. Harpocrate, qui possède la même iconographie, devient alors un dieu de la fertilité lié à Min et aux cultes agraires.

L’iconographie d’Harpocrate, dieu populaire à la fin des temps égyptiens, est simple et reconnaissable. Il s’agit d’un enfant nu portant la mèche de l’enfance du côté droit du crâne et généralement l’index à la bouche. Il peut être debout, assis sur un trône, sur une fleur de lotus ou sur les genoux d’une déesse qui l’allaite. Ses coiffes varient selon la divinité qu’il représente et c’est pourquoi, en plus de son iconographie infantile, il est l’image de tous les fils des triades divines et est ainsi naturellement distingué comme protecteur des enfants. De par son aspect juvénile caractéristique, nudité et attitude naïve du doigt sur la bouche, bonnet enserrant le crâne avec mèche de l’enfance, proportions des parties génitales, et enfin rondeur des joues et du ventre, Harpocrate devint l’image de tous les dieux enfants d’un panthéon égyptien de plus en plus sophistiqué. Les très nombreuses statuettes en terre cuite ou en bronze datant de l’époque hellénistique et romaine attestent de la popularité de son culte dont l’apogée se situe durant le IIème siècle de notre ère.

 

Enfin, notons que les auteurs classiques ont mal interprété le geste du doigt sur la bouche et l’ont compris comme étant « un symbole de discrétion et de silence », interprétation reprise par la suite par les ésotériques. En aucun cas cette attitude fait mention d’un quelconque respect des dieux par le silence. Ce geste de placer le doigt sur la bouche pour marquer le silence est un geste de notre époque et de notre culture et ne peut pas être appliqué aux égyptiens anciens. L’attitude d’Harpocrate est simplement l’image de l’enfance comme l’est la mèche tressée sur le côté du crâne. 

 

La statuette Co. 810 servait d'ex-voto. Elle a été commandé et probablement déposée dans un lieu de culte dédié à Harpocrate afin qu'acquérir sa protection. 

 

Les statuettes d’Harpocrate constituent une série d’objets très connus et communs aux époques hellénistique et romaine, et de nombreux musées du monde conservent ce type d’œuvre. Nous pouvons en citer quelques uns tels que le Musée du Louvre (E 7735), le British Museum (1951.1003.1) et le Penn Museum de Philadelphie (E 12566, E 12549 et E 12581). Il s’agit ici d’Harpocrate seul assis sur un trône.

Œuvres associées

Les collections du Musée Rodin conservent deux autres objets de même type et proposant la même attitude que Co. 810, il s’agit des œuvres Co. 789 et Co. 2385.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon/atelier Tweed/vitrine 9, 372, "Partie supérieure (tête et buste) d'un Harpocrate coiffé du pschent et portant sa main à sa bouche. Bronze. Haut. 9 cent. 1/2. Estimé trente francs."

Donation Rodin à l'État français 1916.

Commentaire historique

La figurine était exposée en 1913 dans une vitrine du pavillon de l'Alma à Meudon. Elle fut soclée sur une base conique en onyx dans l'atelier de l'artiste.

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