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Érotes portant une couronne

Applique de mobilier

Égypte

IVe siècle ap. J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 8,75 cm ; l. 3,7 cm ; Ep. 0,67cm

Os, métacarpe de bœuf, face postérieure

Co. 2280 - Co. 2300

Commentaire

Etat de conservation

L’applique fragmentaire se présente en trois parties recollées. Celles-ci se distinguaient avant restauration par une teinte différente de l’os : la partie supérieure était grisâtre, assombrie par des conditions d’enfouissement particulières, la partie inférieure beige clair, et les deux pétales situés en partie basse du fleuron inscrit dans la couronne, présentaient une couleur beige rosé. Une série d’arrachements a engendré la perte de la partie senestre du placage. Celle-ci a suivi le sens des fibres, créant des degrés successifs, partant du bord supérieur, au-dessus de la tête de l’amour de gauche, pour parvenir au milieu du buste de la figure de droite. La face externe de la pièce révèle un fendillement longitudinal dans le sens du fil de l’os, qui génère des délitements en certains endroits. Au dos, la paroi de la cavité médullaire est entièrement recouverte de stigmates de radicelles.

Description

Le décor de l’applique aujourd’hui lacunaire, encadré par des moulures, était constitué de deux Érotes stéphanophores en vol, disposés de façon symétrique. Ceux-ci supportaient une couronne de feuilles de laurier, abritant en son centre un fleuron quadrifolié, et garnie de lemnisques retombant en partie inférieure (DELASSUS 2020, p. 56, n. 56, p. 78, fig. 5.). Alors que l’amour de gauche est conservé en entier, ne subsiste de celui de droite que le torse et le ventre. On peut d’emblée remarquer que ce second personnage se trouvait contre la couronne, contrairement à son compagnon placé à gauche, plus éloigné.

 

Nue, à l’exception d’un himation flottant dans le dos et difficilement discernable, la figure d’Éros préservée, soutient de ses deux bras tendus la couronne, aux rangs de feuilles très stylisés. Son corps enfantin, aux formes rebondies, est doté d’une aile, dont la diagonale vient souligner celle des deux jambes relevées. Couronné d’une chevelure courte bouclée, le visage plein et large a été défini avec rapidité. Les yeux, à la ligne tombante, sont matérialisés par des enlèvements de matière, sous des arcades sourcilières proéminentes. Un nez plat surmonte une bouche légèrement arquée, précisée par une entaille. Les contours du corps ont été délimités de façon très hésitante par une lame métallique maniée avec nervosité. Les extrémités des membres se résument, en effet, à de simples appendices. L’artisan a pris soin, tout de même d’indiquer par quelques coups de ciseau ou de burin, la présence de certains détails anatomiques, tels le nombril au centre des ventres renflés des amours, et la linea alba y conduisant.

 

Se substituant aux figures de Victoires, les amours sont fréquemment associés et placés en miroir pour porter une couronne, un clipeus, une tabula gravée d’une épitaphe, ou encore d’autres motifs, dans le cadre de la sculpture de sarcophages à l’époque impériale (BLANC, GURY 1986, 1. p. 981-983, n° 200-395, 2. p. 692-694). Ce schéma décoratif apparaît comme un poncif de l’art de l’Antiquité tardive, présent au IVe siècle à la fois dans le domaine de la peinture (Tombeau d’Aelia Arisuth, Libye, Gargaresh), l’orfèvrerie (Coffret en argent de Projecta, Trésor de l’Esquilin, Londres, British Museum, 1866, 1229.1), ou du textile (bordure d’une tapisserie du Museum of Fine Arts de Boston, 66.377). Un fragment de carton de tapisserie a, en outre, été rapproché de ce textile, montrant la circulation de ce modèle ornemental (STAUFFER 2008, p. 172-173, n° 59, pl. 41).

 

D’un point de vue strictement iconographique, le décor de notre applique présente des affinités avec plusieurs éléments de placage. Même si la technique mise en œuvre et la position des amours diffèrent sur une pièce en os, incisée et incrustée de matière résineuse colorée découverte près de Shurafa en Égypte (British Museum, 1913, 1027.15 : PETRIE, MACKAY 1915, p. 44, pl. LI, fig. 3), celle-ci mérite d’être citée pour le soin apporté à la couronne, qui abrite aussi en son centre un fleuron à quatre pétales. Deux reliefs en os conservés au musée Benaki, sculptés chacun d’un Éros volant à horizontale, constituent des comparaisons plus évidentes, non seulement sur le plan de l’image retenue, mais aussi de la technique convoquée. Les amours agrémentant ces deux pièces lacunaires travaillées en faible relief, tenaient peut-être des couronnes, comme celui du musée Rodin (18740 et 18748 : MARANGOU 1976, p. 128, n° 228, 232, pl. 69a, f). Il faut ajouter à cet ensemble, une applique lacunaire passée en vente à New York chez Christie’s (vente New York, Christie’s, 05-06/12/2001, lot 402).

 

La recherche de volume, l’attention portée aux détails anatomiques, ainsi que le traitement en finesse des plumes de l’aile, comme des feuilles de la couronne, révèlent une facture de qualité, signe d’une maîtrise du travail de l’os et d’un respect des modèles des premiers siècles de l’Empire. Nous retrouvons deux Érotès, à la pose analogue à ceux de notre applique, soutenant une couronne, sur la face d’un peigne en ivoire appartenant aux collections du Museo Civico de Brescia, daté du Ve siècle (VOLBACH 1976, p. 67, n° 88, pl. 48). Répondant à deux Victoires stéphanophores occupant l’autre face, ils illustrent le phénomène de commutation existant entre la figure d’Éros et de Nikè, ainsi que la survivance de cette image à la fin de l’Antiquité.

 

Après avoir abordé la question de l’iconographie de cette applique, il convient de s’attarder sur sa forme générale. Peu haute, plate, et faiblement cintrée, celle-ci affecte un dessin suffisamment rare dans le corpus des éléments de placage provenant d’Égypte pour qu’on s’y intéresse de près. Une même découpe se rencontre sur une pièce du musée Benaki, sculptée d’un décor végétal et d’un buste d’Éros tourné vers la droite (18767 : MARANGOU 1976, p. 128, n° 231, pl. 69e). Le format de cette pièce, assez inhabituel, trouve toutefois des éléments de comparaison parlants dans les quarante-quatre segments d’anneaux en os, mis au jour dans une salle à abside du port oriental de Corinthe, Kenchréai, entre 1964 et 1968 (OLCH-STERN, HADJILAZARO-THIMME 2007, p. 95-117, 145-151, pl. IV.1-2). Ornés de motifs décoratifs différents, tels des svastikas enfermant des fleurs à quatre pétales, ou des guirlandes de feuillages agrémentées de bustes humains, de fleurs et de fruits, ces segments présentent aussi un format plus ou moins trapézoïdal et un cintre prononcé. Un fragment portant un décor similaire, conservé autrefois aux Staatliche Museen de Berlin, a d’ailleurs été mis au jour à Hélouan en Égypte (WULFF 1909, p. 122, n° 445, pl. XX).

 

L’étude du mobilier de Kenchréai a conduit à proposer la restitution de cabinets ou d’armaria destinés à abriter des codices et des volumina. Ces reconstitutions hypothétiques montrent des meubles reposant sur un piètement, munis de portes ornées de médaillons alternant avec des rangées d’arcades (OLCH-STERN, THIMME 2007, p. 281-294). Notre segment s’intégrait donc peut-être dans ce type de décor sophistiqué.rs faisceaux d’indices nous incitent à placer la création de cette pièce au cours du IVe siècle. Sa légère courbure et sa mise en parallèle avec le mobilier en os de Kenchréai daté du IVe siècle, plaide en ce sens. La proximité stylistique avec les appliques du musée Benaki (voir supra), au dessin abrupt ou simplifié, que L. Marangou semble assigner au IVe siècle, vient également à l’appui de cette datation.

 

Plusieurs faisceaux d’indices nous incitent à placer la création de cette pièce au cours du IVe siècle. Sa légère courbure et sa mise en parallèle avec le mobilier en os de Kenchréai daté du IVe siècle, plaide en ce sens. La proximité stylistique avec les appliques du musée Benaki (voir supra), au dessin abrupt ou simplifié, que L. Marangou semble assigner au IVe siècle, vient également à l’appui de cette datation.

 

Comparaisons 

-Athènes, musée Benaki, 18740, 18748 (iconographie et style), 18767 (forme de l’applique).

-Brescia, Museo Civico, peigne en ivoire (iconographie).

-Vente New York, Christie’s, Antiquities, 05-06/12/2001, lot 402 (iconographie).

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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