Harpocrate

Tête provenant d'une statue

Égypte > provenance inconnue

Époque romaine, Ier siècle avant-Ier siècle après J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

Calcaire

H. 7,1 CM ; L. 6,1 CM ; P. 5,3 CM

Co. 2335

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est dans un état de conservation moyen. L’objet présente de nombreuses éraflures sur toute la surface et des manques sont visibles au niveau de la tresse, du nez, du menton et du cou. L’oreille gauche a été presque entièrement arasée. La statuette a été cassée en biseau au niveau du cou. Un décollement de la matière est perceptible sur la mèche latérale. L’objet est très empoussiéré, en particulier sur sa partie antérieure. Seule la tête de cette figurine est conservée au musée.

Description

Co. 2335 représente une tête d’enfant pourvue d’une mèche sur le côté droit.

Le visage est rond, les joues rebondies. La bouche est arasée et le menton est sectionné. Le nez est particulièrement marqué et les arcades sourcilières sont saillantes, par conséquent, les orbites paraissent enfoncées. Les yeux sont larges, le coin externe étant un peu plus bas que le coin interne. Un épais bourrelet matérialise les paupières, vraisemblablement fardées. Les oreilles, aux lobes soigneusement ourlés à l’origine, sont petites. En dépit de la surface très arasée de la pierre, un bourrelet enserrant la tête de l’enfant semble visible, en particulier à l’arrière du crâne. Il indique que la tête de l’enfant aurait été recouverte d’une calotte. À l’heure actuelle, la mèche latérale droite qui jaillit de ce bonnet est lisse. Les dommages subis par cette pièce ne permettent pas d’affirmer la présence d’un uraeus fixé sur le front, marqueur d’identité du dieu. Malgré l’empoussièrement de l’objet, deux traces d’outils sont visibles au niveau du menton. Elles ont sectionné le bas du visage. L’examen de ces marques suggère la présence d’un index droit porté vers la bouche, disparu aujourd’hui. Les petites lèvres, poupines et souriantes, sont tout à fait conformes aux statuettes d’Harpocrate en bronze (voir par exemple les traits du visage de la figurine Co. 774, bien conservés).

 

Un visage aux rondeurs de l’enfance, la présence d’une mèche latérale sont les caractéristiques d’une représentation du dieu-enfant Harpocrate. Le musée Rodin conserve plusieurs effigies de cette divinité, bien connue en Égypte de la Basse Époque à la période gréco-romaine : Co. 2341 (tête en calcaire) ; Co. 789, Co. 810 et Co. 2385 (statuettes en bronze du dieu, assis) ; Co. 774, Co. 787 et Co. 791 (statuettes en bronze du dieu, debout).

 

Bien que la pierre ne soit pas un matériau habituel pour les représentations en ronde-bosse du dieu Harpocrate (les statuettes connues sont généralement en bronze ou en terre cuite), il existe un exemplaire en calcaire vendu chez Christie’s en 2011 (collection Jean-Philippe Mariaud de Serres). Le dieu-enfant porte ici la Double Couronne de Haute et Basse-Égypte ornée de l’uraeus.

 

La proximité stylistique de cette pièce (forme similaire des yeux, des oreilles et du nez) semble confirmer une datation de l’époque romaine (Ier siècle avant-Ier siècle après J.-C.) pour Co. 2335. Il est impossible de restituer la position debout ou assise du dieu.

 

Harpocrate est une divinité bien connue dans l’art égyptien. Son nom égyptien Horpakhered (« Horus l’enfant ») a été transcrit par les grecs en Harpocrate. Sa première attestation date de la XXIe dynastie et sa première représentation de l’an 22 de Chéchanq III sur une stèle commémorant une donation pour le « flûtiste d’Harpocrate » (cf. FORGEAU 2010, p. 308).

 

Harpocrate est, à l’époque de sa création, Khonsou-l’enfant, fils d’Amon et de Mout et fait partie de la triade divine thébaine. Il devient ensuite un dieu à part entière, c’est-à-dire Horus l’enfant, fils d’une union posthume entre Osiris et Isis. Enfant royal, son front est ceint d’un uraeus. Le dieu Seth, son oncle, cherchant à le tuer afin d’acquérir le pouvoir dont l’enfant doit hériter de son père, il est élevé dans les marais de Chemmis, à l’abri de Seth. De par son histoire, il obtient une double symbolique. Il est à la fois le nouveau soleil du matin et l’héritier divin qui doit succéder à son père, ce qui fait de lui le représentant et la représentation idéale du roi. Les pouvoirs divins qui lui sont attribués évoluent rapidement. En effet, d’après sa mythologie, sa mère Isis l’aurait guéri d’une piqûre de scorpion. Il obtient ainsi des capacités guérisseuses et protectrices face aux animaux dangereux comme le montrent les stèles dites d’« Horus sur les Crocodiles ». Sur ce type de stèle, on peut voir Horus enfant maitrisant de chaque main un animal considéré comme dangereux, tels que les lions, les serpents ou les scorpions (voir ces exemples conservés au musée du Louvre).

 

On peut également mentionner Nepri, dieu du grain et de la moisson, qui peut être représenté nu avec un doigt à la bouche. Harpocrate, qui possède la même iconographie, devient alors un dieu de la fertilité lié à Min et aux cultes agraires.

 

L’iconographie d’Harpocrate, dieu populaire à la fin des temps égyptiens, est simple et reconnaissable. Il s’agit d’un enfant nu portant la mèche de l’enfance du côté droit du crâne et généralement l’index à la bouche. Il peut être debout, assis sur un trône, sur une fleur de lotus ou sur les genoux d’une déesse qui l’allaite. Ses coiffes varient selon la divinité qu’il représente et c’est pourquoi, en plus de son iconographie infantile, il est l’image de tous les fils des triades divines et est ainsi naturellement distingué comme protecteur des enfants. De par son aspect juvénile caractéristique – nudité et attitude naïve du doigt sur la bouche, bonnet enserrant le crâne avec mèche de l’enfance, proportions des parties génitales, et enfin rondeur des joues et du ventre – Harpocrate devint l’image de tous les dieux enfants d’un panthéon égyptien de plus en plus sophistiqué. Les très nombreuses statuettes en terre cuite ou en bronze datant de l’époque hellénistique et romaine attestent de la popularité de son culte dont l’apogée se situe durant le IIe siècle de notre ère. (Sur Horus l’enfant, image populaire du dieu-fils du panthéon égyptien, voir SANDRI 2006 et CORTEGGIANI 2007, p. 173-175).

 

Enfin, notons que les auteurs classiques ont mal interprété le geste du doigt sur la bouche, croyant y voir « un symbole de discrétion et de silence », interprétation reprise par la suite par les ésotériques. En aucun cas cette attitude fait mention d’un quelconque respect des dieux par le silence. Ce geste de placer le doigt sur la bouche pour marquer le silence est un geste de notre époque et de notre culture et ne peut pas être appliqué aux Égyptiens anciens. L’attitude d’Harpocrate est simplement l’image de l’enfance, tout comme l’est la mèche tressée sur le côté du crâne.

Œuvres associées

Co. 2341, tête du dieu Harpocrate en calcaire (époque ptolémaïque ou romaine).

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 219, "Tête d'Horus enfant (?) en calcaire, la bouche est abimée. Travail très grossier ; haut. 7 cent. Estimée trois francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

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