Égypte ou Proche-Orient ?
Ier-IIIe siècle ap. J.-C. ?
H. 6,85 cm ; L. 3,4 cm ; P. max. 2,3 cm
Os, tibia de bœuf
Co. 3105
Égypte ou Proche-Orient ?
Ier-IIIe siècle ap. J.-C. ?
H. 6,85 cm ; L. 3,4 cm ; P. max. 2,3 cm
Os, tibia de bœuf
Co. 3105
La partie proximale du manche est cassée, ce qui explique que les parties inférieures des divinités représentées soient manquantes. Une fissure longitudinale endommage la face du manche ornée d’un uraeus dressé. Le relief est complètement érodé, l’os montrant un degré d’altération important. Le milieu d’enfouissement sans doute riche en acides organiques a visiblement contribué à sa dégradation. D’abondants sédiments de couleur ocre brun se logent encore dans les anfractuosités des reliefs de la face externe. La cavité du manche est entièrement recouverte de ces mêmes sédiments.
Ce manche cylindrique, pourvu d’un décor en bas-relief, et d’une extrémité sur laquelle venait s’encastrer la partie utile en métal de l’objet, appartenait probablement à un couteau ou à miroir. Trois divinités juxtaposées, issues du panthéon isiaque, en constituent le programme iconographique. Sur l’un des côtés, on reconnaît Harpocrate, portant l’index de sa main droite aux lèvres et tenant une corne d’abondance. Son corps est vu de face, tandis que sa tête est orientée vers la gauche. Le dieu enfant égyptien est représenté debout, légèrement déhanché, et nu. On distingue encore les plis du manteau posé sur son épaule gauche et retombant le long de son buste. La face opposée accueille un cobra dressant sa tête vers la gauche, coiffée du pschent. Peut-être faut-il voir dans cette image de dieu serpent, une représentation de Sarapis Agathodaimon. Entre Harpocrate et le bon génie serpentiforme se tient une figure féminine dont le visage est tourné vers la droite. L’état de désagrégation du relief ne facilite pas son identification. La couronne qui surmonte sa tête, et la cornucopia qu’elle semble tenir de la main gauche, pourraient plaider en faveur d’une représentation d’Isis.
L’intégration de notre manche à une famille de pièces de même typologie, et au décor très proche, permet d’affiner notre lecture des silhouettes et d’en améliorer la compréhension. Sur les manches en os, à la morphologie identique, se rencontrent différentes divinités : Héraclès et Apollon, figuré sous la forme d’un pilier hermaïque (Baltimore, Walters Art Museum, inv. 71.1126), Apollon et Artémis (Malibu, Getty Villa, inv. 71.AI.344), Aphrodite jouxtant un pilier hermaïque, répondant à un griffon sur la face dorsale (Paris, Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, inv S. 2653 ; Beyrouth, inv. ASH 163-146 : AZAM 2021, vol. 2, p. 548-566, vol. 3, pl. LXVII, p. 920). Toutefois, une série de trois manches propose une iconographie similaire à celle de notre pièce : une figure d’Harpocrate assis sur une oie sur une face, et un serpent lové sur un autel, au revers (Bruxelles, Musée royal d’Art et d’Histoire, inv. E 02499 : WILLEMS & CLARYSSE 2000 n° 195 p. 266-267 ; Nicosie, musée de Chypre, inv. 755 : TRAN TAM TINH, JAEGER & POULIN 1988, I, n°325 p. 437, II, p. 261 ; PODVIN 2017 p. 249 ; Paris, musée du Louvre, département des Antiquités orientales, inv. AO 2487 : CAUBET & GABORIT 2004, n° 97 p. 88-89, 92). Un manche conservé au Princeton University Art Museum révèle un décor presque identique, à l’exception de la figure d’Harpocrate, qui est assise non sur une oie, mais sur la queue du serpent Agathodaimon (inv. 2005-19). La figure d’Harpocrate pare également un manche provenant de Sidon (inv. 1335-1012 : AZAM 2021, vol. 2 p. 552, fig. 480 p. 453, vol. 3 pl. LXVIII, p. 920), et un autre conservé au Musée royal d’Art et d’Histoire de Bruxelles (R 1516).
On constate toutefois quelques différences entre notre manche, et les exemplaires de Bruxelles et du Louvre. L’uraeus correspond davantage à une image d’Isis-Thermouthis, puisque qu’il est coiffé du basileion, contrairement au serpent de notre manche qui arbore le pschent. Cette couronne isiaque surmonte également la tête des serpents sculptés sur trois autres manches : le premier était autrefois conservé dans la collection Hoffmann (TRAN TAM TINH 1984, A-23 p. 71, pl. XXX), le second appartient au Musée royal d’Art et d’Histoire de Bruxelles (inv. R 1515 : ARSLAN 1997, n° IV.326 p. 283) ; le troisième est celui exhumé à Sidon. Le manche découvert à Tyritake en Crimée, peut être convoqué aussi comme comparaison, puisqu’il propose, comme le nôtre, une silhouette d’Harpocrate debout, et non assise, à l’instar des pièces précédemment citées.
Bien que le cercle des dieux mis en scène sur cette catégorie de manches soit assez étendu, il semble que la gens isiaca ait fait l’objet d’une attention particulière. Sur notre manche, la représentation d’Harpocrate, opposée, au revers, à celle d’un serpent Agathodaimon, pourrait être complétée d’une figure d’Isis. Ce programme iconographique fortement influencé par le répertoire alexandrin atteste la popularité des cultes isiaques dans l’ensemble du bassin méditerranéen à l’époque romaine. Si une datation à l’époque hellénistique a pu être avancée pour le manche de Baltimore, ou celui de Tyritake, la plupart des autres exemplaires ont été attribués à une période située entre le Ier et le IIIe siècle ap. J.-C. Comme les manches de Bruxelles (Musée royal d’Art et d’Histoire, inv. R 1515, 1516), mis au jour dans une sépulture de Cerveteri, les individus de Néa Paphos et de Pompéi ont été assignés au Ier siècle ap. J.-C. Cette datation est étayée par le manche de Beyrouth, retrouvé dans une tombe d’enfant datant du milieu du Ier siècle ap. J.-C. (AZAM 2021 fig. 482 p. 554). Les manches à sujet isiaque ont été découverts dans tout l’Empire romain (maison de Dionysos à Néa Paphos pour le manche de Nicosie, fouilles de Sidon pour le spécimen libanais, site d’Oxyrhynchos pour le manche E. 02499 de Bruxelles), si bien qu’il est délicat d’en rattacher la production à une province en particulier.
Marquage
Sur une étiquette octogonale à double liseré doré collée au dos, J 5, écrit à l’encre.
Comparaisons
-Sidon, inv. SW 1335-1012.
-Bruxelles, Musée royal d’Art et d’Histoire, inv. E 02499.
-Bruxelles, Musée royal d’Art et d’Histoire, R 1516.
-Nicosie, musée de Chypre, inv. 755.
-Paris, Musée du Louvre, DAO, inv. AO 2487.
-Princeton, University Art Museum, inv. 2005-19.
-Tyritake (Crimée).
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.