Déesse ophiocéphale

Égypte > Provenance inconnue

Époque Ptolémaïque probablement > XXXIdynastie > 332 – 30 avant J.-C.

[voir chronologie]

Calcaire

H. : 50,1 cm ; L. : 17,9 cm ; P. : 18 cm.

Co. 1120

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre est fragmentaire. La partie inférieure de la statue, à partir de la moitié des cuisses, est manquante, de même que la presque totalité des bras disposés le long du corps. L’éventuelle base et la partie inférieure du pilier dorsal, ainsi qu’un fragment situé à mi-hauteur de la partie conservée de ce dernier, ont aussi disparu. Des manques sont également observables au niveau de la partie haute de la perruque et du sein gauche. Enfin, la tête du personnage est perdue, remplacée par une mortaise de section circulaire (ø : 1,3 cm ; p. : 1,8 cm) dont la datation et la nature sont difficiles à déterminer avec précision (cfinfra). 

 

La pierre est fragilisée, la présence de sels par le passé ayant occasionné des délitements du matériau qui donnent à ce dernier à un aspect craquelé par endroits. La couleur calcaire varie du blanc au jaunâtre et des éclats de surface sont visibles sur toute la statue. 

Description

La statue représente une divinité féminine debout, la jambe gauche très légèrement portée vers l’avant et les bras le long du corps. Elle est appuyée à un pilier dorsal de section rectangulaire et régulière, très saillant et qui ne comporte pas d’inscription. Une ligne fine, parallèle aux arêtes verticales du pilier dorsal, est incisée sur chaque côté de celui-ci. Le personnage porte une perruque tripartite lisse dont les retombées latérales arrivent jusqu’en haut de la poitrine. Celle-ci est laissée libre, la robe moulante de la déesse s’arrêtant juste sous les seins. Si le corps est celui d’une femme, il est possible de restituer, d’après les parties du cou conservées, que la tête était celle d’un serpent femelle ou peut-être d’un vautour (cfinfra). 

 

En l’absence d’inscription, la datation de la statue est difficile à établir. Néanmoins, certains indices stylistiques permettent de proposer, avec toute la prudence qui s’impose et à titre d’hypothèse, l’époque ptolémaïque. Au cours du IIIsiècle avant J.-C. en effet, les artistes égyptiens insistent sur la sensualité de la silhouette féminine, à laquelle ils confèrent des épaules étroites, une poitrine opulente, une taille étroite, des hanches larges, des cuisses charnues et un modelé du ventre souple doté d’un nombril creusé : on retrouve toutes ces caractéristiques dans la statue du musée Rodin (voir, pour comparaison, le modèle de sculpteur représentant une déesse ou une reine déifiée musée Rodin Co. 826).

 

De même, faute de légende hiéroglyphique suffisamment explicite, l’identification de la déesse représentée reste sujette à caution. Si l’ophiocéphale Renenoutet, déesse des moissons, est une bonne candidate, il faut toutefois noter que dans l’art égyptien, les déesses à tête de serpent ne manquent pas : pour n’en citer que deux, Ourethekaou, la « grande de magie » (Le Caire, CG 42002, cf. DARESSY Georges, Catalogue général des Antiquités égyptiennes du musée du Caire. Statues de divinités, n° 38001-39384, Le Caire, 1906, p. 2, pl. 1 ; GILLI Barbara, « The Past in the Present: the Reuse of Ancient Material in the 12th Dynasty », Aegyptus 89, 2009, p. 98-99, n. 47-49, fig. 4) ou Ouadjet, l’une des deux protectrices de la royauté pharaonique, pourraient tout aussi bien convenir. La poitrine volumineuse et laissée libre de la déesse pourrait toutefois être interprétée comme un détail en faveur d’une identification à Renenoutet, rappelant son rôle de déesse liée à la fertilité, protectrice des greniers, patronne des récoltes et des moissons, souvent représentée allaitant le jeune Népri, personnification du grain. Sur une statue conservée aujourd’hui au Caire (Le Caire, CG 39142, cf. DARESSY Georges, Catalogue général des Antiquités égyptiennes du musée du Caire. Statues de divinités, n° 38001-39384, Le Caire, 1906, p. 282-283, pl. 54), c’est d’ailleurs la même robe laissant la poitrine libre que porte la déesse, identifiée par l’inscription. 

 

Il faut mentionner toutefois que ce cou sinueux, attribué habituellement à un serpent, pourrait aussi correspondre au cou d’un vautour dont il se rapproche alors que le corps du cobra, animal tutélaire de Renenoutet, se termine par un capuchon caractéristique et large tel que l’on peut l’observer sur la statue du Caire citée dans le paragraphe précédent. Si la tête animale manquante était celle d’un vautour plutôt que d’un cobra, il serait tentant de considérer la statue comme étant une image de la déesse Nekhbet, autre protectrice de la royauté pharaonique, mais dont l’image zoocéphale en pierre et en ronde-bosse est rare. Cette statue pourrait même, en l’état actuel de la documentation connue, en constituer l’unique témoignage. La solution la plus probable consiste donc sans doute à y voir un serpent, mais qui prendrait une forme différente de celle du cobra dressé, à la manière de l’image ophiocéphale de Nehebkaou, dont de nombreux bronzes sont connus au premier millénaire avant J.-C (sur les déesses mentionnées, voir CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007).

 

Une photographie prise dans les années 1960 révèle que la mortaise située au niveau de la tête n’a pas toujours été vide : on y voit ce qui paraît être une cheville, probablement en bois, qui devait permettre de rapporter une tête fabriquée dans un matériau indéterminé – vraisemblablement de la pierre ou du métal. La date à laquelle cet assemblage fut mise en place n’est cependant pas connue : il peut s’agir tout aussi bien d’une restauration moderne, de la fin du XIXsiècle ou du début du XXsiècle, que d’une réparation ayant eu lieu durant l’Antiquité, voire même d’une technique de fabrication pour une statue composite.

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 281, "Statue fragmentaire (les jambes et les pieds manquent) d'une femme nue à tête de serpent (déesse Ranouit ?). Les deux extrémités de la perruque retombent sur les seins. Le corps est d'un très joli modelé. La déesse est adossée à un pilier anépigraphe, les bras qui étaient allongés le long du corps ont disparu presque complètement ; de la tête, il ne reste que le cou. Le haut de la perruque est abimé. Calcaire. Haut. 52 cent. Estimée huit cents francs."

Donation Rodin à l'État français 1916.

Commentaire historique

L'oeuvre fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

< Retour à la collection