Thot assis
Sous sa forme de babouin
Comment
State of preservation
Assez bon état de conservation, hormis des traces de percussion contemporaines sur le nez et sur l’arcade sourcilière gauche. Lors de la fabrication de l’objet, il semble que la statuette ait subi un léger accident, alors que la pâte était encore crue. Sur le côté droit, on remarque en effet une déformation de la corniche, associée à des surplus de matière le long de la paroi de l’autel. Cet accident a très probablement endommagé l’extrémité de la queue de l’animal ; ramenée comme un arc sur le côté droit, elle devait à l’origine présenter une touffe de poils, aujourd’hui disparue dans l’écrasement. Si la tonalité actuelle de cette effigie divine est ocre-foncé, quelques traces en surface, visibles en particulier au dos du socle, suggèrent qu’elle était peut-être à l’origine émaillée en vert.
Description
Le babouin est figuré assis, sur un autel quadrangulaire à corniche. L’ensemble est posé sur un socle rectangulaire. Épais, il en assure la stabilité.
Le haut de son corps est marqué par l’épaisse toison caractéristique de l’animal ; bien délimitée à la taille, elle descend très bas, s’arrêtant à la naissance des mains. Les touffes de poils sont signifiées au moyen d’une trame quasi géométrique, composée d’une succession de losanges ponctués de traits verticaux, destinée à en signifier l’épaisseur. Le pelage, présent sur le dos et le torse, recouvre également les oreilles et le front. Les oreilles sont totalement dissimulées par deux houppes en demi-cercle. De ces poils émergent deux yeux, traités asymétriquement, et un museau protubérant.
Les jambes du babouin sont écartées et laissent apparaître son bas-ventre. Il est à noter que les parties génitales ne semblent pas figurées. L’animal pose ses mains sur ses genoux, dans une position particulière : ses doigts, bien écartés, englobent complètement les rotules. Il allonge sa queue le long du côté droit. Endommagée très vraisemblablement avant cuisson, son extrémité est manquante ; la touffe de poil, qui devrait marquer le bout de sa queue, a ainsi disparu dans l’écrasement induit.
Le babouin représenté ici appartient au genre hamadryas (Papio hamadryas). Il est reconnaissable à son pelage qui diffère de celui des autres espèces, notamment du babouin olive, Papio anubis drogura dont la taille est également plus grande. Les primates, et plus particulièrement les babouins, sont bien présents dans l’iconographie égyptienne. Non-indigènes à l’Égypte, ils étaient importés de localités plus au sud en Afrique pour servir d’animaux de compagnie, et parfois même s’acquitter de tâches en collaboration avec les humains ; certains d’entre eux possédaient des noms et ont été enterrés avec leurs propriétaires. La présence de cet animal est récurrente dans l’art égyptien sur différents supports (bas-reliefs, statuettes, amulettes, éléments de décoration de vases et objets de toilette, ou encore sur les bouchons de vases canopes), et ce depuis la période protodynastique (voir par exemple, au Petrie Museum, les Inv. N° UC 15016, 15026 et 15027). Parmi toutes ces productions, il est nécessaire de distinguer les représentations à connotation religieuse de celles qui mettent en scène la gourmandise des singes ou leurs pitreries, dans un but parodique ou plus simplement décoratif.
Outre son rôle domestique, le babouin est en effet associé à plusieurs divinités. Dans un premier temps, il est lié au dieu Baba, aux connotations funéraires, notamment dans les Textes des Pyramides, avant que celui-ci ne soit plutôt associé aux chiens à partir du Nouvel Empire. Le babouin devient alors une manifestation du dieu Thot, dieu de l’écriture, du calcul et du calendrier, et plus largement maître de tous les savoirs. Uniquement associé à l’ibis durant les hautes époques, Thot est représenté sous l’aspect d’un babouin à partir de la XVIIIe dynastie, et plus particulièrement pendant le règne d’Amenhotep III (LARCHER 2016). La mise en avant des singes durant cette période doit probablement être mise en perspective avec le développement considérable du culte solaire. Les babouins réagissant particulièrement au lever du soleil, en gesticulant voire en émettant des glapissements, les anciens Égyptiens y auraient vu une manifestation en l’hommage du dieu solaire. C’est probablement pour cette raison que des statues de babouins sont parfois disposées à la base des obélisques, symboles de la lumière solaire (Louvre D31, BARBOTIN 2007, p. 194-195). Thot, maître de la norme et de la régularité, assure alors sous cet aspect de babouin le bon fonctionnement du cycle solaire.
À partir de l’époque ramesside, Thot est à nouveau représenté sous les traits d’un ibis dans la production royale. Mais, la figure du babouin perdurant dans les commandes de particuliers, de nombreuses statuettes de babouin sont produites en divers matériaux, particulièrement en faïence et en pierre, ou en bronze aux époques tardives.
L’animal est représenté les mains posées sur les genoux, comme pour la figurine Co. 817, ou levées dans un geste d’adoration au soleil (Metropolitan Museum of Art de New York 66.99.55 ou British Museum EA 40, toutes deux datées de la XIXe dynastie). Il peut également être couronné d’un disque lunaire, au fur et à mesure de l’association de la divinité avec cet astre dans le courant de l’époque ramesside (voir la figurine en bronze Co. 795 du musée Rodin) ou encore associé à l’amulette oudja de l’œil d’Horus, qu’il est censé avoir contribué à soigner dans le mythe associé (par exemple, British Museum EA 64599, XXVIe dynastie, ou Louvre AF 2317). Un autre type apparaît dès la seconde moitié de la XVIIIe dynastie : les premières statues privées théo- ou naophores intégrant Thot sous forme de babouin. Le dédicant tient entre ses mains un autel sur lequel est assis le babouin, ou est figuré devant l’image d’un babouin placé sur un autel. La statue Co. 817 correspond donc à une figure du dieu Thot sous l’aspect du babouin, dans une attitude simple et classique, assis sur son autel et posant les mains sur ses genoux. De par sa petite taille, on peut voir en cet objet l’offrande probable d’un particulier au dieu. De telles statuettes sont bien attestées dès la XVIIIe dynastie (British Museum EA 38) et particulièrement nombreuses à l’époque saïte (Metropolitan Museum of Art 26.7.874, 89.2.223, 66.99.131, Boston Museum of Fine Arts 04.1807, 03.1558, 29.1536). En l’absence d’inscription, sa datation demeure délicate et il semble prudent de conserver une fourchette chronologique remontant jusqu’au Nouvel Empire.
La figure en fritte émaillée d’un Thot accroupi sous sa forme de babouin musée Rodin Co. 2311 est à rapprocher de la figurine Co. 817.
Related pieces
Plusieurs statues de Thot sous l’aspect d’un babouin sont conservées dans le musée Rodin. Outre trois figurines en bronze (Co. 795, Co. 2367 et Co. 5606), la statuette en Co. 2311 lui est très proche, tant par le matériau que par la morphologie.
Inscription
Anépigraphe
Historic
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 123, "Cynocéphale accroupi sur une base. Haut. 12 cent. Pierre dure de couleur brunâtre. Estimé à 50 francs."
Donation Rodin à l’État français 1916.