ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 6,4 cm ; L. : 3 cm ; P. : 10,5 cm
Co. 807
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 6,4 cm ; L. : 3 cm ; P. : 10,5 cm
Co. 807
Le métal est oxydé. La corrosion est particulièrement visible au niveau des pattes, sous le ventre de l’animal et à la naissance de la queue. La patte antérieure gauche et les deux pattes postérieures sont sectionnées à mi-hauteur. Bien que le modelé général du corps reste discernable, les détails sont aujourd’hui effacés. Quelques griffures sont visibles sur le cou.
L’œuvre Co. 807 figure le dieu Apis sous sa forme bovine. Contrairement à d’autres statuettes conservées au musée Rodin, notamment Co. 798, Co. 1234, Co. 2369 et Co. 5629, ici le taureau se tient droit sur ses pattes et n’est donc pas dans la position de la marche apparente (pour un Apis adoptant la même position, voir la statuette musée du Louvre Inv. N° N 5073, provenant des fouilles d’Auguste Mariette à Saqqâra, cf. TIMBART Noëlle, « Statuette d’Apis (cat. N° 311 b) », in Des aninaux et des pharaons, 2014, p. 283).
Les proportions générales du bovidé sont massives, rendant ainsi la puissance physique du taureau. Les parties génitales de l’animal confirment sa nature de taureau. La cambrure du dos est naturelle et la queue se détache de la croupe de façon naturelle ; le toupillon est rattaché au jarret arrière droit par souci de solidité. Malgré l’érosion des volumes et l’état de conservation, on distingue encore certains détails anatomiques, comme l’omoplate en légère saillie ou les hanches. Le cou épais est strié, sous la gorge et jusqu’au poitrail, de courtes incisions rendant de manière stylisée un large pan de peau pendant, même si l’on n’en distingue plus que cinq aujourd’hui. La qualité d’exécution de certains détails va de pair avec la lourdeur de l’objet qui suggère une fonte pleine et un certain coût de réalisation, lié à la plus grande quantité de métal utilisée. Néanmoins, le modelé est moins fin que sur d’autres statuettes similaires comme la Co. 798 : les pattes notamment sont traitées beaucoup plus simplement. Seul le genou est figuré, alors que le modelé du jarret, du canon ou du sabot n’est pas marqué (pour le vocabulaire anatomique des bovidés, voir). La touffe de poils qui agrémente toujours le ventre des bovidés dans l’art égyptien est ici très emphatisée.
La tête est de forme triangulaire avec le front aplati. Deux petites cornes s’échappent surmontent directement les oreilles quasi carrées. On remarque l’absence de disque solaire pourtant caractéristique de ce type d’œuvre. Les yeux sont rendus par un simple creusement, bien que rehaussés d’un renflement de métal dessinant les arcades sourcilières. Le museau est quant à lui rudimentaire ou très érodé – seulement arrondi, sans indication des narines ni de l’ouverture de la gueule. Son traitement est à rapprocher de la figurine Co. 799 également conservée au musée Rodin : les deux œuvres pourraient provenir du même atelier ou avoir été moulées à la même période.
Le culte du taureau Apis est attesté dès le deuxième souverain de l’histoire de l’Égypte, le roi Aha, même si cet événement est en réalité rapporté par des annales bien postérieures, rédigées seulement à la Ve dynastie. De par cette longévité, il s’enrichit de nombreuses associations avec d’autres dieux. Vénéré particulièrement à Memphis, il est associé à Ptah, dieu local majeur, dont il devient le « héraut » à partir du règne d’Amenhotep III de la XVIIIe dynastie. Du fait de l’existence d’un autre bovidé sacré, le taureau Mnévis d’Héliopolis affilié au culte de Rê, il est aussi figuré avec un disque solaire entre les cornes. Les deux animaux partagent donc une iconographie similaire et il est difficile de les distinguer en l’absence d’inscription. Apis obtient également des prérogatives funéraires en se fondant avec Osiris : cette nouvelle entité syncrétique Osirapis deviendra, à l’époque des Ptolémée et avec son assimilation à Hadès, le dieu Sérapis particulièrement vénéré dans le monde hellénistique.
Hérodote a livré une liste des critères qui devaient permettre aux prêtres de désigner la nouvelle incarnation de l’Apis à la mort de son prédécesseur, le décrivant comme « un taureau né d’une vache qui ne peut plus par la suite avoir d’autre veau. Les Egyptiens disent qu’un éclair descend du ciel sur la bête qui, ainsi fécondée, met au monde un Apis. Le taureau qui reçoit le nom d’Apis présent les signes suivants : il est noir, avec un triangle blanc sur le front, une marque en forme d’aigle sur le dos, les poils de la queue doubles et une marque en forme de scarabée sous la langue » (L’Enquête, III, 28, trad. A. Barguet). Bien qu’Hérodote le décrive comme tel, les Apis représentés sur les très nombreuses stèles découvertes par Mariette au Sérapeum possèdent une robe blanche tachetée de noir.
Par ailleurs, si la figuration d’Apis sous la forme d’un taureau marchant est de loin la plus répandue, on trouve aussi des représentations anthropozoomorphes, sous la forme d’un homme à tête de taureau tenant le sceptre ouas et la croix ankh, ou encore d’une momie humaine à tête de bovidé. C’est à partir de la Basse-Époque que de nouveaux attributs sont intégrés à l’iconographie du taureau, notamment un scarabée ailé sur son garrot, un vautour aux ailes déployées sur sa croupe et un « tapis » frangé sur son dos (voir l’Apis en bronze Co. 685).
On distingue deux formes majeures du culte animal en Égypte et particulièrement après le Nouvel Empire : à l’inverse des milliers d’animaux dits sacrés mais élevés uniquement dans le but d’être momifiés et de servir d’ex-voto (les « multiples »), Apis fait au contraire partie des « uniques », c’est-à-dire « une bête choisie parmi ses congénères de la même espèce pour être l’hypostase de la divinité de la cité » (cf. Alain CHARRON, La mort n’est pas une fin, 2002, p. 176). L’animal bénéficiait d’un statut à part. Soigneusement traité, il portait couronne, un culte propre lui était rendu, et il bénéficiait de funérailles dignes d’un dieu. Il était né d’une vache, elle-même considérée comme manifestation d’Isis (cf. CASSIER 2012, p. 15-20). Toutefois, ces uniques n’étaient pas des dieux à part entière mais des ouhem. Ce mot, traduit généralement par « héraut », faisait de l’animal un intermédiaire entre les hommes et les dieux. Il avait un rôle de médiateur, chargé de transmettre au dieu les prières des dévots et il assurait parfois la fonction d’oracle.
À sa mort, l’Apis recevait tous les hommages généralement réservés aux hommes, y compris une momification dans les règles ; puis, après avoir respecté la période d’accomplissement des rites funéraires de 70 jours, on recherchait sa nouvelle incarnation parmi les troupeaux d’Egypte. Jusqu’au règne de Ramsès II, chaque Apis était inhumé dans une tombe indépendante à Saqqâra ; puis, son culte prenant ensuite une importance considérable, notamment à la Basse-Epoque, un immense réseau de couloirs souterrains (aujourd’hui appelé le Sérapéum) est aménagé pour accueillir les momies des Apis. C’est également à cette période que se multiplient les statuettes en bronze le représentant. À la mort du dieu bovidé, de nombreuses statuettes en bronze étaient commandées, moulées puis présentées en offrandes sur les lieux de culte afin de demander au dieu d’accorder ses bienfaits et sa protection au commanditaire. La figurine Co. 685 relève donc du domaine de la dévotion personnelle.
Les collections du musée Rodin conservent plusieurs statuettes du taureau Apis, Co. 798, Co. 1234, Co. 2369, Co. 2395 et Co. 5629. L’œuvre Co. 2395 est similaire à Co. 807 de part son attitude générale, c’est-à-dire que les taureaux ne sont pas dans la position de la marche apparente.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
Donation à l’État français en 1916.