ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 1,3 cm ; L. : 4,3 cm ; P. : 9,7 cm
Co. 805
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 1,3 cm ; L. : 4,3 cm ; P. : 9,7 cm
Co. 805
Le métal est très oxydé, particulièrement au niveau du ventre du crocodile. Les deux pattes gauches et la pointe de la queue sont manquantes. Le tenon métallique sous l’œuvre est également brisé. On note la trace d’un petit impact sur le dos du reptile.
L’œuvre figure un crocodile, animal sacré du dieu Sobek. Le reptile est grossièrement réalisé. Son corps, trop large pour être naturaliste, est très aplani, particulièrement au niveau de la face inférieure qui est presque concave. Les pattes qui se dégagent de chaque côté du corps n’ont pas été détaillées. Le cou est large et annonce une tête au museau court, deux cavités circulaires rendant les narines. Une large ouverture marque la gueule, qui rejoint les yeux de chaque côté de la tête. Réalisés dans un large creusement circulaire, ils étaient très vraisemblablement incrustés, incrustation aujourd’hui disparue. Un léger renflement du métal dessine les arcades sourcilières. Le creux des oreilles est présent. La queue, sectionnée à son extrémité, se recourbe vers le côté droit. L’ensemble du corps de l’animal, à l’exception de la tête, est orné d’un quadrillage d’écailles. Ce quadrillage, réalisé par de fins sillons, est irrégulier, et librement réalisées, ils ont été faites après moulage. La face inférieure, recouverte de corrosion, semble n’avoir reçu aucun traitement de finition. Un petit tenon circulaire est présent au centre du ventre du reptile. Il permettait à l’origine de présenter l’œuvre sur un socle plus grand, notamment un reliquaire comportant une ou plusieurs divinités. Une statuette de crocodile assez similaire par ses dimensions et le tenon vertical présent sous le ventre est conservée au Musée royal de Mariemont (B.492, DELVAUX Luc, « Crocodile », in Cl. Derricks, L. Delvaux (éd.), Antiquités égyptiennes au Musée Royal de Mariemont, Morlanwelz, 2009, p. 188).
Le crocodile est l’animal sacré du dieu Sobek.
Principalement vénéré sous le nom de Sobek, il est une figure importante du panthéon égyptien. Il a même été assimilé à la divinité suprême Rê en devenant Sobek-Rê. L’une des possibilités expliquant cette association est à chercher dans l’halo lumineux qui entoure le crocodile sortant des eaux, à l’image du dieu soleil surgissant chaque matin des eaux primordiales (KAYSER Nathalie, Recherches sur le dieu Sobek de la Ière à la XVIIIème dynastie, DEA Paris IV-Sorbonne, 1986). Naturellement associé au Nil et à sa crue, Sobek est un dieu fertile et a ainsi pour titres « maître de la semence, qui enlève les épouses à leurs maris quand il le veut, selon son désir » ou encore dans le spell 991 du "Textes des sarcophages", d’« éjaculateur ».Il faut attendre le règne de Domitien pour que Sobek forme une triade avec Hathor et Khonsou, triade visible sur le pylône du temple de Kôm Ombo. Auparavant, il est un dieu créateur « sorti du Noun », « le crocodile qui s’est mis au monde le premier » et qui a créé le monde. Sobek est un dieu redoutable, à l’image du reptile lui-même. L’hymne écrit sur le pylône de Kôm Ombo se poursuit en mettant en avant ses capacités meurtrières et sa puissance : « les crocs pointus, les dents acérés, la pupille terrible, le corps puissant », « sa queue lacère comme un couteau », il « fracasses les os » et les « croque comme de la viande ». Sobek était particulièrement vénéré dans les zones marécageuses, notamment le delta du Nil mais aussi et surtout au Fayoum qui, après sa prospérité du Moyen Empire devra attendre l’époque ptolémaïque pour retrouver un nouvel essor. Une ville portera également le nom de Crocodilopolis où l’on y rencontrait de nombreuses nouvelles entités divines inspirées du nom de Sobek devenu Souchos en grec.
Bien que certaines images du dieu le rendent sous des traits entièrement anthropomorphes, notamment dans une scène de la salle hypostyle du temple de Kôm Ombo, ou encore criocéphale à Medinet Habou, Sobek est majoritairement représenté zoomorphe ou du moins crocodilocéphale. Il peut ne porter aucune couronne, comme c’est le cas pour l’œuvre Co. 805, mais est parfois couronné d’un disque solaire, voir notamment les œuvres conservées au Musée du Louvre et au British Museum respectivement E22888 et EA43046, ou bien d’une couronne plus complexe telle que la couronne atef (voir E10915 du Musée du Louvre).
Le crocodile en tant qu’animal sacré abritant le dieu Sobek a été momifié et vénéré grâce à des reliquaires.
Les reliquaires de l’Antiquité égyptienne sont des objets archéologiques bien connus, les cimetières d’animaux sacrés étant nombreux sur le territoire égyptien. Ils comprenaient deux types d’animaux, les « uniques » et les « multiples » (cf. CHARRON Alain (dir.), La mort n’est pas une fin, Pratiques funéraires en Égypte d’Alexandre à Cléopâtre, Catalogue d’exposition 28 septembre 2002-5 janvier 2003, Musée de l’Arles antique, Arles, 2002, p. 176). La première catégorie regroupe des animaux choisis, parmi ses congénères et par les prêtres grâce à une statue divine qu’ils manipulaient, pour représenter de son vivant une divinité particulière. Les « uniques » les plus connus sont les taureaux Mnévis et Apis dont la plus ancienne attestation d’inhumation date du règne d’Amenhotep III. Ici, l’œuvre Co. 805 pourrait être une figure de reliquaire d’un « multiple ». Ces « multiples » n’étaient pas choisis pour leur caractère sacré mais c’est par les rites de leur mise à mort, leur momification et les prières récitées à cet instant que leur était conféré un caractère divin. Les animaux les plus représentés sont les serpents, les chats, les chiens, les ibis, les crocodiles, les musaraignes, les rapaces, les scarabées, les serpents. Ils n’avaient pas de pouvoir à part entière, c’était le dieu qu’ils représentaient à leur mort qui était vénéré. Ils devenaient alors un ba de la divinité, acquéraient un rôle de médiateur et devenaient capables de transmettre les doléances de la population. Les reliquaires étaient créés sur demande des dévots et les prêtres se chargeaient d’y insérer l’animal entièrement momifié, soit une partie de sa momie, voire même un paquetage imitant la forme de l’animal. Ces « meurtres » étaient pratiqués cachés du regard de la population car la loi égyptienne condamnait à mort toute personne ayant tué même accidentellement un animal. Quoiqu’il en soit, ils étaient courants afin de subvenir aux besoins des commanditaires. Au fil du temps, les commandes devenant de plus en plus nombreuses, certaines bêtes étaient ainsi élevées dans le seul but de servir à leur mort d’objet de dévotion.
De nombreuses localités en Égypte ont livré des momies de crocodiles, Kôm Ombo, El Kab, Esna, Gebelein, ou encore Thèbes. Toutes ces villes pouvant servir de provenance pour l’objet Co. 805.
Cette effigie en bronze de crocodile Co. 805 est unique dans les collections du musée Rodin.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon / atelier Tweed /vitrine 9, 364 "Crocodile rampant (la queue est cassé). Bronze, long. 98 millim. Estimé cinq frs. "
Donation à l’État français en 1916.
L'objet était exposé du vivant de Rodin dans l'atelier Tweed à Meudon.