ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe – XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5,2 cm ; L. : 2,6 cm ; Pr. : 7,2 cm
Co. 798
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe – XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5,2 cm ; L. : 2,6 cm ; Pr. : 7,2 cm
Co. 798
L’œuvre est en bon état de conservation.
Bien que le métal soit oxydé et ait pris une teinte uniformément vert-de-gris, les détails du modelé du corps de l’animal sont lisibles. La tête est érodée, les cornes en particulier. Deux petits trous percent l’ergot de la patte antérieure droite et le jarret de la patte postérieure droite.
Apis, le taureau divinisé, est figuré dans l’attitude classique de la marche, les pattes gauches en avant. La petite statuette fait corps avec une base métallique fine, qui prend la forme d’un T. La statuette était très vraisemblablement destinée à être encastrée dans un socle plus important.
Malgré l’érosion des volumes, le modelé du corps de l’animal est globalement naturaliste et finement rendu. En témoignent des détails anatomiques comme le cou, épais. Il est strié sous la gorge et jusqu’au poitrail de six vaguelettes, dessinant un large pan de peau pendant. C’est également le cas des pattes, légèrement trop courtes pour être parfaitement réalistes, mais dont on distingue bien l’omoplate en légère saillie, l’ergot et le sabot. La cambrure du dos est naturelle et la queue se distingue clairement de la croupe galbée ; seul le toupillon est rattaché au jarret arrière droit par souci de solidité. Les parties génitales de l’animal confirment sa nature de taureau. Deux cornes très érodées surmontent le front et encadrent le chignon (pour le vocabulaire anatomique des bovidés, voir). D’après les traces conservées, un disque solaire -peut-être orné d’un uraeus dressé- devait combler l’espace entre les deux cornes ; l’emplacement est aujourd’hui trop érodé pour le confirmer.
La tête approximativement triangulaire possède un chanfrein très aplati ; sur le front, une petite zone de métal a pris une teinte brune. Ce détail laisse supposer la présence originelle d’une incrustation claire, comme celle qui orne le front de nombreuses œuvres similaires (voir, par exemple, au British Museum de Londres les statuettes Inv. N° EA 58963 et Inv. N° 1898,02.25.1). Cette tache blanche constitue l’un des signes distinctifs qui permet aux prêtres de désigner la nouvelle incarnation d’Apis au sein de tout le cheptel égyptien, à la mort de son prédécesseur. Hérodote a livré une liste de ces critères, le décrivant comme « un taureau né d’une vache qui ne peut plus par la suite avoir d’autre veau. Les Egyptiens disent qu’un éclair descend du ciel sur la bête qui, ainsi fécondée, met au monde un Apis. Le taureau qui reçoit le nom d’Apis présent les signes suivants : il est noir, avec un triangle blanc sur le front, une marque en forme d’aigle sur le dos, les poils de la queue doubles et une marque en forme de scarabée sous la langue » (L’Enquête, III, 28, trad. A. Barguet). Bien qu’Hérodote le décrive comme tel, les Apis représentés sur les très nombreuses stèles découvertes par Mariette au Sérapeum possèdent une robe blanche tachetée de noir.
Si la figuration d’Apis sous la forme d’un taureau marchant est de loin la plus répandue, on trouve aussi des représentations anthropozoomorphes, sous la forme d’un homme à tête de taureau tenant le sceptre ouas et la croix ankh, ou encore d’une momie humaine à tête de bovidé. C’est à partir de la Basse-Époque que de nouveaux attributs sont intégrés à l’iconographie du taureau, notamment un scarabée ailé sur son garrot, un vautour aux ailes déployées sur sa croupe et un « tapis » frangé sur son dos (voir, par exemple, la statuette Co. 685).
Attesté dès le règne de l’Horus Aha à la première dynastie, le culte du taureau Apis est aussi ancien que l’est la civilisation égyptienne. De par cette longévité, il s’enrichit de nombreuses associations avec d’autres dieux. Vénéré particulièrement à Memphis, il est naturellement associé à Ptah, dieu local, dont il devient le « héraut » à partir du règne d’Amenhotep III à la XVIIIe dynastie. Lié à l’origine à la fécondité et par conséquent à la fonction royale, il ajoute à ses marques reconnaissables un disque solaire entre ses cornes, orné d’un ou de deux uraei symbolisant son affiliation au dieu Rê. Cette association au dieu solaire se retrouve chez un autre bovidé, le taureau Mnévis d’Héliopolis, possédant également un disque solaire entre les cornes. En l’absence d’inscription qui identifierait clairement le dieu figuré, ces deux taureaux sont bien souvent confondus. Apis obtient également des prérogatives funéraires en se fondant avec Osiris : cette nouvelle entité syncrétique Osirapis deviendra, à l’époque des Ptolémée et avec son assimilation à Hadès, le dieu Sérapis particulièrement vénéré dans le monde hellénistique (pour un exemple de ce syncrétisme, voir la statuette d’un Osisis-Apis présumé, conservée au musée du Louvre et où le triangle d’or incrusté sur le front de la divinité inciterait à y voir une forme d’Apis (Inv. N° E 3736 in GOMBERT-MEURICE Florence, « Statuette d’Osiris-Apis ? [cat. 310] » in Des animaux et des pharaons 2014, p. 282).
Alain Charron, entre autres, distingue deux formes majeures du culte animal en Égypte et particulièrement après le Nouvel Empire : à l’inverse des milliers d’animaux dits sacrés mais élevés uniquement dans le but d’être momifiés et de servir d’ex-voto (les « multiples »), Apis fait au contraire partie des « uniques », c’est-à-dire « une bête choisie parmi ses congénères de la même espèce pour être l’hypostase de la divinité de la cité » (cf. La mort n’est pas une fin 2002, p. 176). L’animal bénéficiait d’un statut à part. Soigneusement traité, il portait couronne, un culte propre lui était rendu, et il bénéficiait de funérailles dignes d’un dieu. Il était né d’une vache, elle-même considérée comme manifestation d’Isis (cf. CASSIER 2012, p. 15-20). Toutefois, ces uniques n’étaient pas des dieux à part entière mais des ouhem. Ce mot, traduit généralement par « héraut », faisait de l’animal un intermédiaire entre les hommes et les dieux. Il avait un rôle de médiateur, chargé de transmettre au dieu les prières des dévots et il assurait parfois la fonction d’oracle.
À sa mort, l’Apis recevait tous les hommages généralement réservés aux hommes, y compris une momification dans les règles ; puis, après avoir respecté la période d’accomplissement des rites funéraires de 70 jours, on recherchait sa nouvelle incarnation parmi les troupeaux d’Égypte. Jusqu’au règne de Ramsès II, chaque Apis était inhumé dans une tombe indépendante à Saqqâra ; puis, son culte prenant ensuite une importance considérable, notamment à la Basse-Epoque, un immense réseau de couloirs souterrains (aujourd’hui appelé le Sérapéum) est aménagé pour accueillir les momies des Apis. C’est également à cette période que se multiplient les statuettes en bronze le représentant. À la mort du dieu bovidé, de nombreuses statuettes en bronze étaient commandées, moulées puis présentées en offrandes sur les lieux de culte afin de demander au dieu d’accorder ses bienfaits et sa protection au commanditaire. La figurine Co. 798 relève donc du domaine de la dévotion personnelle.
Les collections du musée Rodin conservent plusieurs statuettes du dieu Apis représenté sous la forme d’un taureau, Co. 807, Co. 1234, Co. 2369, Co. 2395 et Co. 5629. Les œuvres Co. 807 et Co. 2395 sont similaires à Co. 798 de par les formes anatomiques générales imposantes et le traitement du cou décoré de stries verticales.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon, pavillon de l'Alma, vitrine 6, 318, "Petit taureau en bronze debout sur une base plate de forme [dessin]. Long. 7 cent. Haut. 5 cent. Estimé dix francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.