ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672-30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5,1 cm ; L. : 1,9 cm ; Pr. : 2 cm
Co. 795
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672-30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5,1 cm ; L. : 1,9 cm ; Pr. : 2 cm
Co. 795
L’œuvre présente un état de conservation correct.
Le métal est oxydé sur les parties basses de la statuette. Bien qu’érodés, les détails de la fourrure sont encore perceptibles. Le tenon métallique, visible sous la petite base, est en partie sectionné.
La figurine Co. 795 représente le dieu Thot sous une de ses formes zoomorphes, ici en babouin. L’animal est assis, genoux ramassés vers le ventre. Sa queue est repliée vers la droite. Ses mains sont posées à plat sur ses genoux. Placée sur une petite base sensiblement carrée, un tenon de section carré, aujourd’hui sectionné à son extrémité, permettait d’insérer l’œuvre dans un élément plus vaste, aujourd’hui disparu.
Le primate est couronné d’un disque lunaire reposant dans la concavité d’un croissant de Lune placé horizontalement. Cette composition met en avant les différentes phases de la Lune qui rythment le cycle de la vie. Une bande frangée trapézoïdale se dégage de l’arrière du disque lunaire en descendant entre les oreilles sur la crinière.
La face de l’animal est aujourd’hui patinée par le temps. On remarque cependant deux légers creusements rendant les cavités oculaires couronnés d’une visière (bourrelet osseux qui surmonte l’œil). Le museau est allongé et glabre. Les narines y ont été modelées à l’avant. Un long sillon horizontal vient dessiner l’ouverture de la gueule et par la même occasion les mâchoires. Les oreilles sont réalisées de face et agrémentées de lignes horizontales figurant les touches de poils. Une épaisse crinière vient recouvrir les pattes avant de l’animal. Seuls les doigts se dégagent du camail (élargissement du pelage en forme de cape). On retrouve ce type d’arrangement sur les statues-cubes où les bras sont également confondus dans la masse de l’objet avec seulement les mains qui s’en dégagent. Le camail est décoré avec élégance grâce à un motif en forme de gouttes. L’œuvre conservée au Musée du Louvre E14206, présente le même type de décoration. Cette crinière stylisée descend bas dans le dos du primate jusqu’à l’amorce de la queue qui s’échappe du côté gauche en longeant la patte. Les membres inférieurs ont également été décorés jusqu’aux genoux afin de rendre la pilosité naturelle du babouin. Les pointes de pieds se fondent dans la petite base métallique, bien que l’on note encore le soin apporté à séparer les doigts. Entre ses pattes inférieures se distinguent les parties génitales. Cette insistance sur son pénis répond à la culture égyptienne, où la vitalité sexuelle attribuée au babouin lui attribue un rôle apotropaïque (YOYOTTE Jean, VERNUS Pascal, Bestiaire des Pharaons, Paris, 2005, p. 622).
Dans une collection constituée à une époque proche de celle d’Auguste Rodin, une figurine en très bon état de conservation permet de comprendre le décor initial de la statuette Co. 795, aujourd’hui fort émoussé. Acquise par Carl Jacobsen, probablement en Égypte dans les années 1890, l’image du babouin est de plus juchée sur une estrade équipée de marches à l’avant (Glyptotek Ny Carlsberg de Copenhague ÆIN 255, voir JØRGENSEN Mogens, Catalogue Egypt V. Egyptian Bronzes : Ny Carlsberg Glyptotek, [Copenahgue], Ny Carlsberg Glypotek, 2009, cat. 76.2 p. 218-219).
L’effigie est petite (5,1 cm) mais précisément décorée. L’application à rendre les détails anatomiques et décoratifs à l’arrière de l’œuvre suppose qu’elle pouvait être vue sur toutes ses faces, notamment en étant placée sur une enseigne de la même manière que la statuette conservée au Museo Egizio de Turin, S.93.
L’espèce représentée serait un babouin « doguera » ou babouin « olive », le Papio anubis doguera, plus grand que l’espèce prépondérante (le Papio hamadryas) dont le pelage, moins épais, laisse ses oreilles découvertes. Sur les deux espèces, voir OSBORN Dale J., OSBORNOVÁ Jana, The Mammals of Ancient Egypt, The Natural History of Egypt, Vol. IV, Warminster, 1998, p. 32-37 (Papio hamadryas) et 38-30 (Papio anubis). Le nom français de « babouin » dériverait du nom du dieu égyptien Baba, ou Bébon. Baba, dieu de la force virile, est cité dès les Textes des Pyramides (CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, p. 72-74). Singe coloré, son phallus surdimensionné servait de verrou pour les « portes du ciel », c’est-à-dire les vantaux des tabernacles où les statues divines étaient exposées (voir ÉTIENNE Marc (dir.), Les Portes du Ciel, Visions du monde dans l’Égypte ancienne, Musée du Louvre, 6 mars-29 juin 2009,Paris, 2009).
Cette statuette est très vraisemblablement une effigie de Thot. L’image qu’elle présente de l’hypostase du dieu est classique. La morphologie du babouin est réaliste, sa position accroupie correspond également aux autres figurines et statuettes du dieu. Divinité ancienne, Thot est le dieu de la connaissance, des écritures, qui fixe le destin et calcule le temps. Thot consigne par écrit tout ce qui est important dans la vie et dans la mort et assiste à la pesée du cœur du défunt. Grand juge divin, il est étroitement associé à la Lune.
Si le premier animal emblématique du dieu est l’ibis (oiseau dont le pas saccadé aurait été mis en relation par les anciens égyptiens avec le calcul, la mesure et la connaissance précise, qualités attribuées au dieu Thot), le second est le babouin. Cette association au babouin à pour origine la ville d’Hermopolis, où Thot a supplanté l’ancien dieu-singe Hedjour. Les représentations de babouins ont été retrouvées en grand nombre dans les sanctuaires dédiés à Thot. Les nécropoles de babouins momifiés, notamment dans la région thébaine, illustrent les liens étroits et sacrés unissant le primate au dieu de la connaissance. Thot représenté sous sa forme de babouin ne possède que très rarement un corps d’homme, contrairement à la forme ibis de Thot qui le présente souvent ibiocéphale (cf. la figurine du Musée Rodin Co. 2332).
L’association de Thot avec le soleil tiendrait au fait que les égyptiens avaient remarqué les postures et mimiques des babouins, réunis en groupes bruyants au lever du soleil afin de rappeler les limites de leur territoire. Voir, par exemple, la surprenant gestuelle des quatre babouins adorant le soleil levant, provenant du socle de l’obélisque oriental de Ramsès II à Louxor (face sud-ouest), conservée au Musée du Louvre N381 (DAVID Élisabeth, BOVOT Jean-Luc, in H. GUICHARD (éd.), Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l’Égypte ancienne, catalogue d’exposition du musée du Louvre-Lens, 5 décembre 2014-9 mars 2015, Paris, Lens, 2014, notice 365, p. 330-331).
On peut envisager une fonction votive à la figurine Co. 795, placée dans un sanctuaire dédié au dieu. On peut aussi lui attribuer une fonction plus apotropaïque et lui concevoir une provenance domestique ou funéraire.
Les collections du musée Rodin conservent une autre statuette en bronze représentant un babouin, Co. 5606. En revanche, cet objet n’est pas couronné d’un disque solaire. L’œuvre Co. 2311 figure également un babouin en pierre noire de type grauwacke.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon/atelier Tweed/vitrine 9, 376, "Cynocéphale coiffé du disque, assis sur une base. Haut 5 cnt. ½. 20 frs."
Donation à l’État français en 1916.