ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 7,3 cm ; L. : 4,2 cm ; P. : 13 cm
Co. 776
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 7,3 cm ; L. : 4,2 cm ; P. : 13 cm
Co. 776
L’œuvre est en mauvais état de conservation.
Le métal est oxydé et présente des piqûres au niveau de la tête et des ailes. Plusieurs fissures, partant d’une petite cavité circulaire au centre de l’aile gauche sont visibles. Deux autres perforations circulaires, beaucoup plus larges, percent aussi le dos de l’oiseau. La tête rapportée est aujourd’hui maintenue au corps par la corrosion du métal.
Les pattes, également rapportées, manquent. Une barre métallique a été ajoutée dans l’espace qui accueillait la patte droite afin de maintenir l’œuvre sur un socle en bois de palissandre. Le dessous de la patte gauche, originellement creux, est comblé de corrosion et d’une partie de la patte rapportée manquante. La pointe du bec est brisée.
La base du cou est plus large que la partie du corps qui l’accueille. Il est possible que cette tête appartienne à une autre statuette d’ibis. Vu l’état de conservation identique des deux parties, leur assemblage s’est probablement fait à une époque antique.
La statuette représente un ibis, dressé sur ses pattes. En position de marche, cet ibis passant avance la patte gauche. La statuette est composée de deux parties distinctes, le corps et la tête rapportée, plus large. Les formes générales de l’oiseau sont réalistes.
Le bec de l’ibis présente un allongement et une courbure naturels. Un sillon figure l’ouverture. Finement ciselé, il suit avec précision l’arrondi. Les arcades sourcilières, traitées en relief, se prolongent en arêtes vers la pointe du bec. Les contours des yeux, également en relief, entourent les pupilles. Celles-ci, rondes et pleines, sont légèrement disproportionnées. Le sommet de la tête est galbé alors que le dessous du bec est plat. Il couronne une gorge épaisse et un cou quelque peu court. Le dos de l’oiseau est très arrondi, de même que le ventre qui remonte sensiblement vers la queue. Les ailes, légèrement en relief, se démarquent principalement du reste du corps grâce au sillon qui dessine leur contour. On remarque qu’elles apparaissent assez éloignées du cou. La queue est indiquée par un décor de trois plumes, visible entre ces deux ailes. Il se compose de nombreuses fines lignes incisées, parallèlement les unes aux autres. Elles sont séparées en trois champs verticaux de largeur et de longueur similaires. Ces champs apparaissent en pointe au milieu du dos créant ainsi un motif en dent de scie, et se poursuivent jusqu’à la pointe de la queue. Ce décor a été incisé à la main après la fonte de l’objet. Il est assez fréquent d’observer un décor de plumes sur la queue des figures d’ibis, voir par exemple les œuvres du Museo Egizio de Turin C.1015 et C.1011. Ces représentations de plumage semblent toutes réalisées très librement, le travail de finition étant sans doute laissé à l’appréciation de l’artisan.
La poitrine et le ventre de cet ibis ne présentent aucun détail décoratif. Les cuisses suivent une position naturelle, mais semblent rendues un peu courtes sur la statuette Co. 776.
Il existait deux sortes d’ibis en Égypte, l’« ibis blanc » (ibis aethiopica sive religiosa) et l’« ibis noir » (ibis falcinellus), auxquels Hérodote consacre son chapitre 76. Le premier affiche un plumage entièrement blanc et un bec rose, alors que le second a le cou, la tête, le bec, les pattes et la queue noirs. L’œuvre Co. 776 présente un décor de plume à l’extrémité de la queue ce qui suggère qu’il s’agit ici d’un ibis noir.
L’ibis était considéré comme un ami des hommes car il détruisait les chenilles et les sauterelles qui menaçaient les récoltent, mais aussi d’après Hérodote, les serpents ailés venus d’Arabie et les scorpions. Il est étroitement et uniquement associé au dieu Thot, dieu lunaire, maître des « paroles divines » et seigneur d’Hermopolis. Thot, forme divinisée de Djéhouty identifié à Hermès par les Grecs, est le plus important des dieux lunaires. Il possède une personnalité complexe comprenant de nombreuses facettes. Il est à la fois la personnification de la Lune, mais aussi son protecteur, son gardien et parfois son adversaire. L’association à l’ibis se fait ici par la forme de son bec qui évoque le croissant de Lune, ainsi que par son plumage bicolore. Dans le Livre de la Vache céleste, Rê en fait son vizir et son substitut en déclarant : « Tu seras à ma place, mon remplaçant. On dira de toi : Thot, le remplaçant de Rê ». En tant que gardien et protecteur de la Lune, elle-même assimilée à l’œil d’Horus, Thot est « Celui-qui-compte-les-parties-[de-l’œil] » dans ses phases croissante et décroissante. Il possède ainsi des dons de calculateur et de mesureur. Les Égyptiens ayant avancé que le pas de l’ibis faisait exactement une coudée, il est alors utilisé comme étalon type et Thot devient « maître de la coudée ». On retrouve souvent des statuettes en bronze d’ibis couchés pour que les pattes représentent le signe du bras qui était utilisé pour écrire une coudée. Les collections du musée Rodin conservent un exemple l’illustrant, Co. 5977.
De par l’observation rigoureuse et minutieuse des phases de la Lune, Thot devient le « savant » par excellence qui fait de lui le maître des écrits et du calame et le patron des scribes. Il établit le cadastre général de l’Égypte, inscrit le nom des rois sur l’arbre iched, légitimant leur accession au trône, et enregistre les résultats de la pesée du cœur. Enfin, il est juge et arbitre entre les dieux, notamment en prenant le rôle de médiateur dans le conflit qui oppose Seth et Horus.
Les innombrables représentations de Thot se limitent à trois types différents. Le plus souvent, le dieu est ibiocéphale. Il peut être également zoomorphe en prenant l’aspect d’un ibis ou d’un babouin assis, second animal sacré du dieu. Il est rare de le rencontrer entièrement anthropomorphe, ou cynocéphale bien que quelques exemples peuvent être cités, notamment dans la sixième heure du Livre de l’Amdouat, face à Nectanébo Ier dans les catacombes de Touna el-Gebel, ou sur la façade du tombeau de Pétosiris sur ce même site.
Touna el-Gebel est connu pour être le centre culturel de Thot où la cosmogonie hermopolitaine s’est mise en place. On y trouve un ibiotapheion, immense nécropole animale où ibis et babouins y étaient momifiés et inhumés dans des jarres en terre cuite ou dans des cercueils en bois ou en calcaire. L’œuvre Co. 776 représentant une figure de reliquaire, il est possible qu’elle provienne de ce site.
Les reliquaires de l’Antiquité égyptienne sont des objets archéologiques assez bien connus, les cimetières d’animaux sacrés étant nombreux sur le territoire égyptien. Ils comprenaient deux types d’animaux, les « uniques » et les « multiples ». La première catégorie regroupe des animaux choisis, parmi ses congénères et par les prêtres grâce à une statue divine qu’ils manipulaient, pour représenter de son vivant une divinité particulière. Les « uniques » les plus connus sont les taureaux Mnévis et Apis dont la plus ancienne attestation d’inhumation date du règne d’Amenhotep III. Ici, avec l’œuvre Co. 776 il s’agit du reliquaire d’un « multiple ». Ces « multiples » n’étaient pas choisis pour leur caractère sacré mais c’est par les rites de leur mise à mort, leur momification et les prières récitées à cet instant que leur était conféréun caractère divin. Les animaux les plus représentés sont les serpents, les chats, les chiens, les ibis et les crocodiles. Ils n’avaient pas de pouvoir à part entière, c’était le dieu qu’ils représentaient à leur mort qui était encensé. Ils devenaient alors un ba de la divinité, acquéraient un rôle de médiateur et devenaient capables de transmettre les doléances de la population. Les reliquaires étaient créés sur demande des dévots et les prêtres se chargeaient d’y insérer l’animal entièrement momifié, soit une partie de sa momie, voire même un paquetage imitant la forme de l’animal. Ces « meurtres » étaient pratiqués cachés du regard de la population car la loi égyptienne condamnait à mort toute personne ayant tué même accidentellement un animal. Quoiqu’il en soit, ils étaient courants afin de subvenir aux besoins des commanditaires. Au fil du temps, les commandes devenant de plus en plus nombreuses, certaines bêtes étaient ainsi élevées dans le seul but de servir à leur mort d’objet de dévotion.
Les figures d’ibis sont des objets relativement nombreux. En voici quelques exemples :
Musée du Louvre, Paris : E2411.
Metropolitan Museum of Art, New York : 04.2.462.
Brooklyn Museum, New York : 86.226.19.
Les collections du musée Rodin conservent plusieurs statuettes d’ibis en bronze, Co. 211, Co. 2380, Co. 2425 et Co. 5785. Malheureusement, aucune de ces œuvres n’est complète.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon / pavillon de l'Alma / vitrine 15, 445, "Ibis en bronze, les pattes manquent. Long. 13 cent. Estimé cinquante francs..Ibis en bronze, les pattes manquent. Long. 13 cent. Estimé cinquante francs."
Donation à l’État français en 1916.