Il s’agit d’une tête d’enfant portant la main gauche à sa bouche. Il porte une mèche de l’enfance sur le côté droit du visage, un toupet sur le côté gauche et deux boutons de fleurs de lotus sur le sommet du crâne.
La présence des deux boutons de lotus et de la mèche de l’enfance pousse à reconnaître ici le dieu Harpocrate. « Horus l’enfant », est une divinité égyptienne de la sphère osiriaque, fils d’Isis et d’Osiris. Très populaire à partir de l’époque ptolémaïque, il intègre le panthéon grec comme fils d’Isis et de Sérapis, quittant ainsi la sphère d’Osiris. Bien que « synnaos theos », c’est-à-dire qu’il ne fait que partager l’espace sacré du temple d’Isis et/ou Sérapis, il connait une popularité croissante, dont témoigne l’important nombre d’images du dieu, en particulier dans la sphère alexandrine.
Les images en elles-mêmes sont également témoin de l’intégration d’un dieu égyptien dans le panthéon des Gréco-Macédoniens mais tout en gardant plusieurs de ses caractéristiques d’origine. C’est le cas de la figurine Co. 6019, qui conserve la traditionnelle mèche de l’enfance à l’égyptienne, mais au visage rond à front haut. Les arcades sourcilières sont discrètes, les yeux encadrés par une paupière supérieure fine et la paupière inférieure est estompée. Ces caractères physiques relèvent de la représentation du jeune âge, qui fait son apparition dans la plastique grecque à l’époque hellénistique (les enfants étaient auparavant représentés comme des adultes miniatures). Il a été proposé que la fondation, sous le règne de Ptolémée IV Philopatôr (222-204 av. J.-C.), d’un sanctuaire à Harpocrate au sein du temple de Sérapis à Alexandrie ait pu influer, en tant qu’acte officiel, sur l’image d’un Harpocrate hellénisé (Ballet 1998, p. 220).
L’attitude, enfin, constitue un dernier indice penchant en faveur d’une identification à Harpocrate : plutôt que de poser uniquement l’index devant les lèvres, geste conventionnel de l’enfance en Egypte pharaonique, c’est la main entière qui est portée à la bouche ouverte. Ce geste peut très probablement être associé aux représentations de l’Harpocrate au pot. D’après Michel Malaise (Malaise 2000, p. 411) Harpocrate y puiserait l’athéra, une bouillie réalisée à base de farine dont les prêtres d’Harpocrate s’enduisaient le visage. Cette bouillie était distribuée au fidèles et servait à nourrir les enfants ou comme remède aux adultes. Ainsi, le pot, constitue un substitut à la corne d’abondance, un attribut fréquent chez Harpocrate et symbolisant la force nourricière du dieu, en particulier vis-à-vis des enfants. Rares à l’époque hellénistique, les représentations de l’Harpocrate au pot paraissent plus fréquentes à l’époque impériale. Par ailleurs, le traitement très raide et systématique de la figure invite à abaisser la datation aux premiers siècles de notre ère.
Malgré des parois très fines et une bonne cuisson de l’argile, la saillie formée par la couture entre l’avers et le revers, grossièrement lissée à la spatule, est signe d’une réalisation assez médiocre. De même, le modelé de la main droite est assez systématique, tous les doigts ayant la même longueur.