Maât accroupie et Thot sous sa forme d'ibis

Amulette

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 3,2 cm ; L. : 3,1 cm ; P. : 0,9 cm 

Co. 5815

Comment

State of preservation

L'amulette est en mauvais état de conservation.

L’oxydation a patiné les détails et a rendu l’œuvre rugueuse. L’amulette Co. 5815 se trouve aujourd’hui brisée en deux parties, l’image de l’ibis étant détachée de l’ensemble. Quelques fragments d’un feuilletage en or subsistent sous le ventre de l’oiseau, sur Maât et sur le dessus de la base. La patte gauche de l’ibis manque. 

 

L’œuvre présente une gangue épaisse de carbonates verts assez vifs (malachite) et de rares traces, sous cette gangue, d’oxydes bruns (cuprite). La surface est grenue et n’a vraisemblablement jamais été nettoyée. Des traces de terre d’enfouissement sont encore bien visibles. Des chlorures sont disséminés sur la surface. Des restes de dorure à la feuille sont visibles un peu partout sur la surface de l’œuvre. 

Description

L’œuvre figure Maât assise dans la position des scribes en face d’un grand ibis sur une fine plaque métallique rectangulaire. Sous sa forme d’ibis, Thot semble protéger l’image de Maât, accroupie devant lui. Les deux figures sont reliées par le bec de l’oiseau qui se pose sur la coiffe de la déesse en dessinant une courbe élégante.

Maât est coiffée d’une perruque tripartite surmontée d’une haute plume d’autruche. Elle est vêtue d’une tunique cachant toute son anatomie à l’exception du profil des bras. Ses mains sont posées sur ses genoux. Les détails du visage de la déesse sont aujourd’hui illisibles. L’ibis est dressé sur ses pattes dans l’attitude de la marche, la patte gauche en avant. Les détails de son plumage et de son bec devaient être, à l’origine, d’une grande finesse. Le bec long et gracieux, caractéristique à l’ibis, est modelé de chaque côté par une ligne continue qui adopte sa courbure naturelle. Les yeux sont dessinés grâce à deux sillons circulaires imbriqués l’un dans l’autre, créant ainsi le contour de l’œil et sa pupille. La gorge gonflée et les ailes légèrement en saillie présentent encore des traces du plumage. Une bélière, entièrement remplie par l’oxydation du métal, est encore visible dans la nuque de l’oiseau. 

Enfin, on note des restes d’un parement de feuilles d’or qui recouvrait intégralement l’œuvre à l’origine. Ils sont observables en particulier sous le ventre de l’oiseau, sur Maât et sur le dessus de la base.

 

La déesse Maât personnifie les concepts de vérité, de justice et d’ordre cosmique, appelés la maât (sans majuscule) par les égyptiens anciens (sur cette déesse, voir CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, p. 303-305 ; sur la notion de maât, voir ASSMANN Jan, Maât, L'Égypte pharaonique et l'idée de justice sociale, Paris, 1989).

La déesse est attestée dès l’Ancien Empire dans les Textes des Pyramides (TP 1582). Fille de Rê à partir du Nouvel Empire, elle devient sœur du roi régnant, lui-même fils de Rê. Au-delà de cette filiation, la légitimation et l’efficacité du règne dépendaient du respect des concepts personnifiés par Maât, qui n’est pas seulement sœur du roi mais également son juge. En effet, l’ordre de la maât devait être renouvelé et préservé constamment, permettant au roi de réussir après sa mort la redoutable épreuve de la pesée de son cœur, siège des pensées et des actes pour les anciens égyptiens. Si Maât considérait que l’ordre universel et l’équilibre qui en découle avaient été respectés par le défunt roi, ce dernier accédait à une vie éternelle sur les trônes de Geb.

Généralement représentée entièrement anthropomorphe, Maât pouvait aussi être figurée par une simple plume, celle-ci servant par ailleurs de contrepoids lors de la pesée du cœur.

Si aucun temple ne semble lui avoir était entièrement dédié, un petit temple existait autrefois dans l’enceinte de Khonsou à Karnak. Sa fonction reste encore discutée mais l’hypothèse le plus généralement retenue est la suivante : des jugement y étaient rendus.

 

Contrairement à l’œuvre Co. 2427 où Maât est représentée seule, Thot est ici également figuré sous la forme d’un ibis. Celui-ci, généralement considéré comme l’époux de Maât, l’accompagne lors de l’épisode de la pesée des cœurs. Il note en effet le jugement final sur une tablette. Outre cette prérogative, Thot est un dieu lunaire qui est associé à l’écriture et la connaissance. Il dirige les scribes et les érudits dès l’époque prédynastique. Il fonctionna souvent comme messager, intercesseur et conciliateur entre les dieux, c’est pourquoi il fût associé à Hermès dans la mythologie grecque. Inventeur de l’écriture, il est le scribe des dieux et consigne les « paroles divines ». Il obtient ainsi la réputation d’un homme intègre qui répand la vérité (sur le dieu Thot et sa bibliographie, voir CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, p. 543-548).

 

Les « prêtres » dits de Maât, titre honorifique, qui avaient pour fonction de rendre la justice, portaient autour du cou une petite amulette qui permettait de les identifier. De part sa petite taille et la bélière de suspension, il est tentant de suggérer pour la figurine Co. 5815 cette fonction.

 

Sur un groupe statuaire en bronze d’une longueur totale de 26 cm conservé au musée égyptien du Caire, vraisemblablement un reliquaire, Thot et Maât se font face, Maât étant accroupie sur un socle en forme de naos (Le Caire, Musée Egyptien, JdE 71971, voir Essen 1961, N° 228 p. 134). L’attitude des deux divinités est similaire à la petite figurine du musée Rodin.

 

Le couple Thot et Maât, qu’ils soient respectivement représentés en ibis ou sous la forme d’une plume d’autruche, a été figuré en bronze ou plus largement en faïence. Voici quelques exemples disséminés dans les musées du monde :

Metrolotitan Museum of Art, New York : 26.7.992 (Ibis et plume de Maât, faïence), 15.43.46 (Ibis et plume de Maât), 26.7.872 (Ibis avec Maât anthropomorphe), 30.8.301 (Ibis et plume de Maât, faïence).

Museo egizio di Torino, Turin : S. 18197 (Ibis et Maât, authentification douteuse).

British Museum, Londres : EA 12031 (Ibis et plume de Maât, faïence), EA 36451 (Ibis et plume de Maât, faïence), EA 20663 (Ibis et plume de Maât, faïence).

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Les collections du musée Rodin ne conservent pas d'autres oeuvres similaires. 

Inscription

Anépigraphe.

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôte Biron, 252, "Petite déesse Maât accroupie devant Thot représenté sous sa forme d’ibis. Bronze jadis doré. H 3,3. Estimé cinquante frs."

Donation à l’État français en 1916.

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