ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe– XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5 cm ; L. : 2 cm ; Pr. : 5 cm
Co. 5629
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe– XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5 cm ; L. : 2 cm ; Pr. : 5 cm
Co. 5629
L’œuvre est en mauvais état de conservation.
Le métal oxydé a pris une teinte noire parsemée de tâches marron. Il manque la partie avant de la base, un petit bout du sommet du disque solaire et la majeure partie de la patte avant gauche. Des concrétions sont visibles particulièrement à l’arrière du disque solaire et autour des sabots.
La statuette figure le taureau Apis. Le bovidé se tient debout et marchant, placé sur une plaque métallique fine. Un tenon est visible sous cette plaque, positionné à l’avant. Celui-ci servait à maintenir l’image du taureau sur un socle plus grand, notamment un reliquaire aujourd’hui disparu.
La face triangulaire de l’animal est traitée avec simplicité. Les yeux sont globuleux et surmontent un museau court et arrondi sur lequel les narines ne sont plus visibles, contrairement à l’ouverture de la gueule. Les oreilles, naturalistes, sont fendues d’un sillon oblique, tracé après le moulage de l’œuvre. Elles sont bien visibles, de part et d’autre de la tête du taureau, couronné d’un disque solaire orné d’un double uraeus. On retrouve cette même coiffe sur une autre image du taureau Apis conservée au musée Rodin, Co. 2369, et sur la statuette du Walter Art Museum de Baltimore 54.538. De petites cornes encadrent le disque solaire. Elles présentent des pointes carrées. L’arrière du disque, légèrement concave, se poursuit sur un cou et un dos plats et fins. La ligne de la colonne vertébrale est marquée. La croupe est cambrée. La queue qui s’en dégage est déportée vers la patte arrière droite, indication du mouvement de marche de l’animal dont les pattes antérieures et postérieures gauches sont avancées. Aujourd’hui aucun pli n’y est visible. Le ventre est plat et les parties génitales à peine esquissées. Bien que les pattes soient fines, elles sont modelées avec réalisme. En effet, les omoplates, les pointes du coude, les genoux, les jarrets ainsi que les ergots sont figurés (pour le vocabulaire général anatomique des bovidés, voir le site internet suivant). Malheureusement, l’état de conservation actuel ne permet plus de discerner la délimitation entre le canon et le sabot fendu d’un sillon.
La statuette est trop fine et trop statique pour être naturaliste, bien que l’artisan ait essayé de rendre le mouvement.
Attesté dès le règne de l’Horus Aha à la première dynastie, le culte du taureau Apis est aussi ancien que l’est la civilisation égyptienne. De par cette longévité, il s’enrichit de nombreuses associations avec d’autres dieux. Vénéré particulièrement à Memphis, il est naturellement associé à Ptah, dieu local, dont il devient le « héraut » à partir du règne d’Amenhotep III à la XVIIIe dynastie. Lié à l’origine à la fécondité et par conséquent à la fonction royale, il ajoute à ses marques reconnaissables un disque solaire entre ses cornes, orné d’un ou de deux uraeisymbolisant son affiliation au dieu Rê. Cette association au dieu solaire se retrouve chez un autre bovidé, le taureau Mnévis d’Héliopolis, possédant également un disque solaire entre les cornes. Ces deux taureaux sont souvent confondus en l’absence d’inscriptions qui identifieraient clairement le dieu figuré. Apis obtient aussi des prérogatives funéraires en se fondant avec Osiris et devient Osirapis, qui bien plus tard donnera le dieu Sérapis.
Pour reprendre l’appellation d’Alain Charron, Apis faisait partie des « uniques », c’est-à-dire « une bête choisie parmi ses congénères de la même espèce pour être l’hypostase de la divinité de la cité. » (cf. CHARRON Alain (dir.), La mort n’est pas une fin, Pratiques funéraires en Égypte d’Alexandre à Cléopâtre, Catalogue d’exposition, 28 septembre 2002 - 5 janvier 2003, Musée de l’Arles antique, Arles, 2002, p. 176). Ce qualificatif lui offrait de nombreux avantages, notamment le fait d’être couronné, de posséder un culte propre, d’être entretenu et bien traité, ainsi que d’avoir des funérailles dignes d’un dieu.Toutefois, les uniques n’étaient pas des dieux à part entière mais étaient des ouhem. Ce mot traduit généralement par « héraut » faisait de l’animal un intermédiaire entre les hommes et les dieux. Il avait un rôle de médiateur, chargé de transmettre au dieu les prières des dévots et parfois possédait un rôle d’oracle.
« Cet Apis-Épaphos est un taureau né d’une vache qui ne peut plus par la suite avoir d’autre veau. Les Égyptiens disent qu’un éclair descend du ciel sur la bête qui, ainsi fécondée, met au monde un Apis. Le taureau qui reçoit les nom d’Apis présente les signes suivants : il est noir, avec un triangle blanc sur le front, une marque en forme d’aigle sur le dos, les poils de la queue double et une marque en forme de scarabée sous la langue. » Bien qu’Hérodote (L’Enquête, III, 28, trad. A Barguet) le décrive comme tel, les très nombreuses stèles découvertes par Mariette au Sérapeum le figure à la robe blanche tachetée de noir.
Né d’une vache elle-même considérée comme manifestation d’Isis (voir CASSIER Charlène, « Vaches sacrées dans l’ancienne Égypte. Quelles vaches ? Quels rôles ? », Égypte, Afrique et Orient 66, 2012, p. 15-20), Apis vit entouré de son harem et de sa mère dans un enclos sacré, le sekos, dans l’enceinte du temple de Ptah à Memphis. À sa mort, il recevait tous les hommages généralement réservés aux hommes et était enterré dans des tombes indépendantes à Saqqarah jusqu’au règne de Ramsès II (voir CHARRON Alain, « Le taureau Apis, vie et mort d’un animal sacré », in A. CHARRON, Chr. BARBOTIN (dir.), Khâemouaset, le prince archéologue : savoir et pouvoir à l’époque de Ramsès II, Arles, Musée départemental Arles antique, 08 octobre 2016 - 22 janvier 2017, Arles, 2016, p. 95-98). Puis, son culte prenant une importance considérable, notamment à la Basse-Époque, période à laquelle on retrouve d’innombrables statuettes en bronze le représentant, un immense réseau de couloirs souterrains, aujourd’hui appelé le Sérapeum, est aménagé dans la nécropole memphite. Immédiatement après la période respectueuse d’accomplissement des rites funéraires de 70 jours, un nouvel héraut était recherché parmi les troupeaux d’Égypte.
Les statuettes d’Apis en bronze ont été produites abondamment et parfois même en série, notamment à la Basse-Époque. La plupart du temps, Apis est représenté sous la forme d’un taureau marchant, un disque solaire entre ses cornes. Mais d’autres figurations de ce dieu ont pu être utilisées. Par exemple, un homme à tête de taureau tenant le sceptre ouas et la croix ankh, ou encore une momie humaine à tête de bovidé. C’est à partir de la Basse-Époque que de nouveaux attributs viennent compléter l’iconographie du taureau, notamment un scarabée ailé sur son garrot, un vautour ailé sur sa croupe et une couverture ornée de franges sur son dos. Pour une description des caractéristiques d’un taureau Apis, voir la notice de Luc Delvaux du bronze Musée royal de Mariemont Inv. B.485, acheté par Raoul Warocqué en 1912 à Albert Daninos Pacha (DELVAUX Luc, « Apis », in Cl. DERRICKS, L. DELVAUX (éd)., Antiquités Égyptiennes au Musée royal de Mariemont, 2009, Morlanwelz, p. 185-186).
À la mort du taureau, de nombreuses statuettes en bronze étaient commandées, moulées et présentées en offrandes, en particulier sur les lieux de culte du Sérapeum, afin de demander au dieu d’accorder ses bienfaits et sa protection au commanditaire. La figurine Co. 5629 serait donc un témoignage de dévotion personnelle. Elle était peut être aussi intégrée dans un groupe divin, comme celui de la Glyptotek Ny Carlsberg de Copenhague dont la collection égyptienne a été constituée à une époque et dans un contexte proche de celle d’Auguste Rodin. Si l’assemblage a été très vraisemblablement réalisé pour le marché de l’art, les statuettes sont d’origine. Dans ce groupe reconstitué, une déesse ailée (Isis ?) protège des ses ailes étendues un taureau Apis devant trois orants agenouillés (Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek, ÆIN 1464, acheté par Carl Jacobsen à Paris en 1912, voir JØRGENSEN Mogens, Catalogue Egypt V. Egyptian Bronzes Ny Carlsberg Glyptotek, s. l., Ny Carlsberg Glyptotek, 2009, cat. 67, p. 200-201).
Les collections du musée Rodin conservent plusieurs statuettes en bronze du taureau Apis, Co. 685, Co. 798, Co. 807, Co. 1234, Co. 2369, Co. 2422 et Co. 2395. L’œuvre Co. 1234 est à rapprocher de Co. 5629 par le style et la finesse de l’objet, ainsi que par la présence du double uraeus.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon, pavillon de l'Alma, vitrine 6, 317, "Un petit taureau en bronze. Il manque un morceau de la jambe gauche avant. Haut. 8 cent. L'objet ne paraît pas égyptien."
Donation Rodin à l'État français 1916.