ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 2,5 cm ; L. : 1,6 cm ; Pr. : 1,6 cm
Co. 5606
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 2,5 cm ; L. : 1,6 cm ; Pr. : 1,6 cm
Co. 5606
L’œuvre est en bon état de conservation. La figurine présente une surface composée de carbonates de cuivre vert pâle avec d’importantes plages de sulfates. La surface est assez lisse. De petites traces de terre d’enfouissement sont encore visibles dans les creux. Des chlorures sont disséminés sur la surface mais ne semblent plus être en activité.
La figurine Co. 5606 représente le dieu Thot sous une de ses formes zoomorphes, ici en babouin. L’animal est assis sur une petite base carrée, genoux ramassés vers son ventre. Sa queue est repliée vers la gauche. Les doigts de ses mains sont posés sur ses genoux. Un tenon est présent sous la base. Il permettait d’insérer l’œuvre dans un élément plus vaste, aujourd’hui disparu.
La face de l’animal est aujourd’hui très abîmée par le temps. On remarque cependant les deux creusements profonds qui rendent les cavités oculaires ; ils sont couronnés d’une visière (bourrelet osseux qui surmonte l’œil). Il est possible que les yeux aient été originellement incrustés d’une pierre. Le museau est allongé et glabre. Les narines y ont été modelées à l’avant. Un sillon horizontal vient dessiner l’ouverture de la gueule. Les oreilles, qui devaient être réalisées de face, ne sont aujourd’hui plus visibles et seuls subsistent les deux imposantes touches de poils qui, de chaque côté du front aplati, terminent la face. Une épaisse crinière vient recouvrir les pattes avant de l’animal. Les mains stylisées se dégagent du camail (élargissement du pelage en forme de cape). Elles sont traitées en une masse compacte où les pouces sont individualisés. Contrairement à la figurine du Musée Rodin Co. 795, le camail (élargissement du pelage en forme de cape) n’est pas décoré. Cette crinière descend jusqu’au milieu du dos du primate, couronnant l’amorce de la queue qui s’échappe du côté gauche en longeant la patte. Les membres inférieurs, dénués également de décoration, sont en revanche clairement modelés. Les pointes de pieds se fondent dans la petite base métallique. Entre ses pattes inférieures se distinguent les parties génitales allongées. Cette insistance sur son pénis répond à la culture égyptienne, où la vitalité sexuelle attribuée au babouin lui attribue un rôle apotropaïque (YOYOTTE Jean, VERNUS Pascal, Bestiaire des Pharaons, Paris, 2005, p. 622).
L’application à rendre l’anatomie à l’arrière de l’œuvre suppose qu’elle pouvait être vue de derrière, notamment en étant placée sur une enseigne de la même manière que la statuette conservée au Museo Egizio de Turin, S.93.
L’espèce représentée serait un babouin « doguera » ou babouin « olive », le Papio anubis doguera, plus grand que l’espèce prépondérante (le Papio hamadryas) dont le pelage, moins épais, laisse ses oreilles découvertes. Sur les deux espèces, voir OSBORN Dale J., OSBORNOVÁ Jana, The Mammals of Ancient Egypt, The Natural History of Egypt, Vol. IV, Warminster, 1998, p. 32-37 (Papio hamadryas) et 38-30 (Papio anubis). Le nom français de « babouin » dériverait du nom du dieu égyptien Baba, ou Bébon. Baba, dieu de la force virile, est cité dès les Textes des Pyramides (CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, p. 72-74). Singe coloré, son phallus surdimensionné servait de verrou pour les « portes du ciel », c’est-à-dire les vantaux des tabernacles où les statues divines étaient exposées (voir ÉTIENNE Marc (dir.), Les Portes du Ciel, Visions du monde dans l’Égypte ancienne, Musée du Louvre, 6 mars-29 juin 2009, Paris, 2009).
Cette statuette est très vraisemblablement une effigie de Thot. L’image qu’elle présente de l’hypostase du dieu est classique. La morphologie du babouin est réaliste, sa position accroupie correspond également aux autres figurines et statuettes du dieu. Divinité ancienne, Thot est le dieu de la connaissance, des écritures, qui fixe le destin et calcule le temps. Thot consigne par écrit tout ce qui est important dans la vie et dans la mort et assiste à la pesée du cœur du défunt. Grand juge divin, il est étroitement associé à la Lune.
Si le premier animal emblématique du dieu est l’ibis (oiseau dont le pas saccadé aurait été mis en relation par les anciens égyptiens avec le calcul, la mesure et la connaissance précise, qualités attribuées au dieu Thot), le second est le babouin. Cette association au babouin à pour origine la ville d’Hermopolis, où Thot a supplanté l’ancien dieu-singe Hedjour. Les représentations de babouins ont été retrouvées en grand nombre dans les sanctuaires dédiés à Thot. Les nécropoles de babouins momifiés, notamment dans la région thébaine, illustrent les liens étroits et sacrés unissant le primate au dieu de la connaissance. Thot représenté sous sa forme de babouin ne possède que très rarement un corps d’homme, contrairement à la forme ibis de Thot qui le présente souvent ibiocéphale (cf. la figurine du Musée Rodin Co. 2332).
L’association de Thot avec le soleil tiendrait au fait que les égyptiens avaient remarqué les postures et mimiques des babouins, réunis en groupes bruyants au lever du soleil afin de rappeler les limites de leur territoire. Voir, par exemple, la surprenant gestuelle des quatre babouins adorant le soleil levant, provenant du socle de l’obélisque oriental de Ramsès II à Louxor (face sud-ouest), conservée au Musée du Louvre N381 (DAVID Élisabeth, BOVOT Jean-Luc, in H. GUICHARD (éd.), Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l’Égypte ancienne, catalogue d’exposition du musée du Louvre-Lens, 5 décembre 2014-9 mars 2015, Paris, Lens, 2014, notice 365, p. 330-331).
On peut envisager une fonction votive à la figurine Co. 5606, placée dans un sanctuaire dédié au dieu. On peut aussi lui attribuer une fonction plus apotropaïque et lui concevoir une provenance domestique ou funéraire, notamment grâce à un reliquaire (pour plus d’informations concernant les figures de reliquaire, voir par exemple l’œuvre du Musée Rodin Co. 2428).
Les collections du musée Rodin conservent une autre statuette en bronze représentant un babouin, Co. 795. En revanche, cet objet est couronné d’un disque lunaire. L’œuvre Co. 2311 figure également un babouin en pierre noire de type grauwacke.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
Donation à l’État français en 1916.