Fragments de peinture murale

Hiéroglyphes

Égypte > Dra Abou El-Naga > Tombe de Tétiky (Tombe thébaine 15)

Nouvel Empire > XVIIIe dynastie

H. 14 CM ; L. 31 CM

Peinture sur enduit et mouna

Co. 3111

Comment

State of preservation

L’œuvre est en mauvais état de conservation. L’enduit est considérablement écaillé et s’est détaché en plusieurs endroits. La peinture s’est également beaucoup éclaircie.

Description

Ces deux fragments de peinture sur enduit (non jointifs) proviennent de la tombe de Tétiky, située dans la nécropole thébaine. Maire de Thèbes sous le règne d’Ahmosis, tout premier roi du Nouvel Empire, sa tombe est notamment célèbre pour conserver certaines des plus anciennes représentations de la reine Ahmès-Nefertari, épouse du roi Ahmosis. Cette tombe hypogée nous informe particulièrement, par son iconographie et ses textes, des activités de la famille royale (la reine y est notamment représentée effectuant des offrandes à la déesse Hathor), ainsi que sur l’organisation administrative du royaume en ce début de Nouvel Empire. La tombe est découverte en 1908 par Lord Carnavon et les photographies, dessins et premiers relevés sont réalisés par Howard Carter, le célèbre inventeur de la tombe de Toutankhamon quelques années plus tard.

 

Les deux fragments de la collection Rodin proviennent d’une frise inscrite surplombant une scène de banquet. La paroi est couverte d’un enduit pâle et épais nommé mouna, qui reçoit ensuite le décor peint. L’inscription complète originelle indique « une offrande rituelle à Osiris Onnefer, puisse-t-il offrir un enterrement dans les collines occidentales dans sa nécropole, en conciliation complète avec Osiris et loyal envers Imsety, Hapi, Duamutef et Kebhsenuf - le fils royal, Tétiky, engendré par le directeur du harem du lac de Sensob, Rahotep ». Les deux fragments Co. 3411 correspondent pour celui de droite à la fin du nom de Tétiky et pour celui de gauche au début du nom de Rahotep.

 

Il s’agit d’une formule d’offrandes stéréotypée, qui fait partie des textes funéraires habituels depuis au moins le début du Moyen Empire, et que l’on retrouve sur les parois des tombeaux, des sarcophages, ainsi que sur les stèles funéraires. Accessibles à tout particulier disposant des moyens de la faire graver ou peindre, elles assurent la pérennité de l’âme du défunt et sa subsistance dans l’au-delà, en même temps qu’elles lui permettent de décliner son identité, ses titres, ainsi que son ascendance. Au Nouvel Empire, il s’agit surtout d’insister sur l’identité du père (plus rarement de la mère), en soulignant le prestige des fonctions que celui-ci a assumées à la cour ou dans l’administration provinciale. Ces formules d’offrandes incluent par ailleurs nécessairement la dédicace à une ou plusieurs divinités, en général par l’intermédiaire du roi. Osiris est l’entité majoritaire (cf. Smith, 2017), même s’il est souvent accompagné d’autres divinités, comme c’est le cas ici. Tétiky adresse au dieu des morts des offrandes et lui demande en retour de pouvoir reposer en paix dans la nécropole thébaine, afin d’assurer sa renaissance dans l’au-delà.

Inscription

Le fragment de droite est inscrit de la fin du nom de Tétiky et le fragment de gauche le début du nom de son père, rʿ pour Rahotep.

Historic

Acheté par Rodin à l'antiquaire Oxan Aslanian le 24 septembre 1913.

Donation Rodin à l'Etat français en 1916.

Historic comment

Le fragment fut acheté par Rodin à Paris, auprès de l’antiquaire Oxant Aslanian, le 24 septembre 1913, dans un lot de « quatre fresques égyptiennes de la XVIIIeme dynastie » parmi seize antiquités en provenance d’Égypte, sans indication précise sur le site de découverte, d’une valeur totale de 1200 francs. Cette date d’acquisition est corroborée par l’absence de description dans l’inventaire de Charles Boreux, achevé à cette date. Ces deux fragments de peinture calés par des morceaux de coton  ont conservés leur montage ancien, probablement antérieur à l’acquisition par Rodin, composé de planches de caisse cloués : cette installation a sans doute un des rares témoignage conservé des montages exécuté en Égypte, au sortir de la fouille.

 

En 1913, l’intérêt de Rodin pour la peinture antique et la « fresque » en particulier, était des plus vifs. Dès les années 1890-1900, le sculpteur s’intéressa aux recherches de ses contemporains sur les techniques et les matériaux anciens, « antiques » ou exotiques comme le grès et à la pâte de verre. Il fréquenta Puvis de Chavannnes, puis Maurice Denis et les Nabis qui oeuvrèrent à un certain renouveau de la peinture murale. En 1907, Henri Dujardin-Beaumetz, sous-sécrétaire d’État des Beaux-Arts, après avoir visité une exposition de ses dessins à la galerie Bernheim Jeune, chargea le sculpteur de réaliser une fresque pour décorer une salle du séminaire de Saint-Sulpice dans le nouveau musée des artistes vivants, à Paris. La commande officielle ne lui fut passée qu’à la fin de l’année 1911 et resta inachevée. En 1912 et 1913, il étudia ainsi les ressources des techniques de peinture anciennes, a fresco ou a tempera, et fit traduire par les peintres C. H. Charlier, Jeanne Bardey ou Marie Cazin quelques-uns de ses dessins, sur les danseuses cambodgiennes, en particulier, en vue du grand projet. Les exemples conservés montrent que la technique de la fresque au sens strict du terme ne fut pas la seule expérimentée et que l’on peut élargir son intérêt à la peinture murale de manière générale : « La fresque est un travail plus proche de la sculpture que de la peinture ; ce serait l’intermédiaire entre le bas-relief et le tableau, et, la plupart du temps, on la pourrait remplacer par celui-là. Il s’agit surtout de dessiner, de donner des lignes sculpturales, des formes simples, d’où le relief se dégage. Les couleurs sont non seulement unies et peu variées, mais baissées d’un ton ; elles doivent tendre vers la grisaille. Volontiers, je rapprocherais cet art, en raison de son harmonie grandiose, des chœurs de la tragédie antique, par où s’exprimait la voix du peuple, et qui formait à l’action tragique comme un noble décor » Anonyme, « Nouvelles », La construction Moderne, 26 novembre 1911.

Ce goût pour la peinture murale, dans son musée imaginaire, comprend, dans une même filiation, la peinture de l’antiquité, du Moyen-Age et de la Renaissance. La peinture en aplat rappelle sa passion pour les estampes japonaises dont il fut un grand collectionneur. L’arrivée des quatre fragments de peintures égyptiennes, en 1913, s’inscrivait pleinement dans le fil des recherches en cours. Son choix se porta sur des représentations du corps humain, selon ses vœux, vu à la fois de profil et de face, sans perspective, au dessin simplifié. Il fut aussi sensible aux bouleversements des canons de proportions et les échelles différentes utilisées pour figurer les personnages. Les quelques couleurs utilisées sont mates, posées en  aplats et soulignées par le tracé d’un contour.

En août 1915, le sculpteur fit monter trois des quatre fragments par l’ébéniste japonais Kichizo Inagaki, dans des coffrets en bois avec vitre à glissière pour les protéger et les exposer. Ce soin particulier signe l’intérêt qu’il leur porte et désir de les présenter parmi les pièces d’exception à l’hôtel Biron, dans une préfiguration du musée Rodin.

 

Archives

Facture du 24 septembre 1913, archives musée Rodin, Paris ; chèque n° 92258, Crédit algérien, archives musée Rodin, Paris

 

 

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