ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
TROISÈME PÉRIODE INTERMÉDIAIRE OU ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXIe - XXXIe dynastie > 1069 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5,8 cm ; L. : 3,1 cm ; P. : 5,7 cm
Co. 2429
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
TROISÈME PÉRIODE INTERMÉDIAIRE OU ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXIe - XXXIe dynastie > 1069 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5,8 cm ; L. : 3,1 cm ; P. : 5,7 cm
Co. 2429
L'oeuvre présente un très mauvais état de conservation.
La statuette est très fragmentée et abîmée. Il manque le haut de la couronne de la déesse et ses membres inférieurs ont disparu au niveau des tibias. De l’enfant installé sur ses genoux, seul le torse est bien conservé. Sa tête est entièrement masquée par la corrosion, ses membres inférieurs ont disparus. Sur de nombreuses zones des corps, notamment les bras, le dos d’Isis et ses cheveux, le bronze a disparu par plaques ne laissant aujourd’hui à notre vue que son noyau.
L’œuvre représente un type de statuette bien connue d’une déesse allaitant un enfant. Il s’agit d’Isis et de son fils Horus-l’Enfant, appelé également Harpocrate. Sur cette forme d’Horus (Hor-pa-Khered en égyptien, Harpocrate en grec), image populaire du dieu-fils du panthéon égyptien, voir SANDRI Sandra, Har-pa-Chered (Harpokrates). Die Genese eines ägyptischen Götterkindes, OLA 151, 2006 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Harpocrate », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 173-175. Sa main gauche est posée dans le dos de son fils alors que sa main droite entoure son sein gauche pour faciliter l’allaitement. Horus semble assis les jambes jointes et les bras le long du corps.
La couronne de la déesse a presque disparu mais on peut supposer qu’il s’agissait de la même coiffe que sur les autres statuettes de ce type (notamment dans les collections du Musée Rodin, Co. 209, Co. 210, Co. 1487, Co. 2370, Co. 2409, Co. 2433 et Co. 5787). Elle se composait donc d’une perruque tripartite, dont on voit encore les deux longues mèches tressées qui reposent sur les épaules d’Isis, surmontée de la couronne hathorique (un large disque solaire flanqué de deux cornes de vache). Au sommet du crâne, on remarque encore le socle entouré d’uraei sur lequel la couronne reposait. La perruque était surmontée d’une dépouille de vautour dont seule la tête en saillie est visible actuellement sur le front de la déesse. Une longue robe moulante recouvre le corps d’Isis. Si d’autres éléments iconographiques complétaient les vêtements, la détérioration du bronze les rend aujourd’hui invisibles. L’enfant, quant à lui, devait être entièrement nu à l’exception d’un bonnet d’où s’échappait sur le côté droit une mèche de l’enfance.
Isis a un visage rond d’où se démarquent de grands yeux globuleux, des sourcils arqués, un petit nez empâté et une petite bouche aux lèvres pulpeuses. Malgré le très mauvais état de conservation, on remarque que les joues semblent avoir été façonnées avec finesse par le modelage de formes creuses sous les yeux, et de sillons qui entourent subtilement le nez et la bouche. Le reste du corps d’Isis est en trop mauvais état pour pouvoir en donner une description juste. Il en est de même pour Horus dont seule la forme est conservée.
Au-delà de l’image de l’amour maternel, les statuettes d’Isis allaitant Horus illustrent un des mythes fondateurs de la civilisation et de la royauté égyptiennes. Prodiguant ses soins au fils posthume d’Osiris, Isis assure la survie de son enfant et le protège des puissances maléfiques représentées par Seth. Mécontent de n’être que le frère du roi Osiris, Seth assassine en effet son propre frère puis s’attaque à l’héritier du trône, Horus. Or Isis, experte magicienne et déesse nourricière, cache son enfant dans les marais du Delta afin d’assurer la succession. Outre la symbolique mythologique, ces statuettes représentent également l’image du roi allaité par une divinité, image connue depuis l’Ancien Empire grâce entre autres aux Textes des Pyramides qui font mention d’Isis allaitant le roi (cf. LECLANT Jean, « Le rôle du lait et de l’allaitement d’après les Textes des Pyramides », JNES 10, 1951, p. 126). C’est par cet acte maternel que la déesse offre au souverain une protection divine et le reconnaît comme étant de caractère divin. À l’origine, l’allaitement concerne exclusivement la survie du roi, avant d’être sous Montouhotep II (Moyen Empire, premier roi de la XIe dynastie), associé au couronnement pharaonique. En affirmant sa filiation au dieu Horus-enfant, il lui accorde la légitimité nécessaire pour régner. L’allaitement permet ainsi la continuité et la perpétuité de sa souveraineté.
À la Basse-Époque, Isis obtient un culte propre qui la démarque peu à peu du mythe osirien et par conséquent des cultes funéraires. Dans la pensée populaire, elle est étroitement associée à Hathor, déesse vache incarnant la prospérité grâce à son image nourricière. Elle reprend ainsi symbolisme et attributs d’Hathor, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire de la couronne. Isis devient par la suite l’emblème de la féminité en tant qu’épouse d’Osiris et mère d’Horus et l’une des déesses les plus populaires. Pour une présentation générale d’Isis, voir DUNAND Françoise, Isis, mère des dieux, Paris, 2000 puis Arles, 2008 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Isis », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 244-249. Sur le rayonnement d’Isis dans le monde méditerranéen, voir le catalogue de l’exposition à Milan en 1997, ARSLAN Ermanno A. (dir.), Iside. Il mito, il misterio, la magia, Palazzo Reale, 22 février-1er juin 1997, Electa, Milan, 1997.
Ces statuettes, issues de commandes privées, étaient déposées dans les sanctuaires dédiés à la déesse afin d’accorder vie, prospérité et santé au dévot, comme Isis les a accordé à son fils et aux souverains égyptiens. Pour un corpus iconographique d’Isis lactans à l’époque gréco-romaine, voir TRAN TAM TIHN Vincent, LABRECQUE Yvette (coll.), Isis lactans. Corpus des monuments gréco-romains d’Isis allaitant Harpocrate, Études préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain 37, Leyde, 1973.
Ce type de statuette était largement répandu à partir de la Troisième Période intermédiaire. Nombre de musées en possèdent donc dans leurs collections, et en grande quantité. Nous ne donnons ici que quelques exemples datant tous de la Troisième Période intermédiaire ou de la Basse-Époque.
Carlsberg Glyptotek de Copenhague : AEIN 161.
Musée du Louvre, Paris : E 3637, N 5022, AF 13341, E 3636 ...
Metropolitan Museum of Art, New York : 17.190.1641, 45.4.3a et b, 1972.62, 04.2.443 ...
Museo Egizio di Torino, Turin : Cat. 0154, S. 00034, S. 00033, Cat. 0156 ...
Penn Museum, Philadelphie : E 14293, E 14328, E 502, E 504, E 880 ...
Walter Art Museum, Baltimore : 54.415, 54.416, 54.417, 54.792 ...
Les collections du musée Rodin conservent d’autres exemples d’Isis Lactans, notamment Co. 209, Co. 210, Co. 1487, Co. 2370, Co. 2409, Co. 2433 et Co. 5787.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
Donation à l’État français en 1916.