ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
TROISÈME PÉRIODE INTERMÉDIAIRE OU ÉPOQUE TARDIVE > XXIe - XXXe dynastie > 1069 - 332 AVANT J.-C.
FAÏENCE
H. : 6,7 cm ; L. : 2 cm ; P. : 2,3 cm
Co. 2370
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
TROISÈME PÉRIODE INTERMÉDIAIRE OU ÉPOQUE TARDIVE > XXIe - XXXe dynastie > 1069 - 332 AVANT J.-C.
FAÏENCE
H. : 6,7 cm ; L. : 2 cm ; P. : 2,3 cm
Co. 2370
L'oeuvre est complète à l’exception de la pointe de la corne droite de la couronne. La vitrification à l’origine bleu clair qui recouvrait l’objet a presque disparu. Elle est visible en particulier au bas du pilier dorsal et sur le siège de la déesse.
L’œuvre figure Isis assise les jambes jointes, donnant le sein à Horus-l’Enfant appelé également Harpocrate. Sur cette forme d’Horus (Hor-pa-Khered en égyptien, Harpocrate en grec), image populaire du dieu-fils du panthéon égyptien, voir SANDRI Sandra, Har-pa-Chered (Harpokrates). Die Genese eines ägyptischen Götterkindes, OLA 151, 2006 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Harpocrate », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 173-175. Sa main gauche est posée sur la nuque de l’enfant, soutenant sa tête. Pour faciliter l’allaitement, Isis a placé sa main droite sur son sein gauche.
Horus est assis sur les genoux de sa mère, tourné vers le côté droit, les bras le long du corps. La déesse est assise sur un siège rectangulaire à léger dosseret, recouvert d’un épais tissu formant un coussin. À l’arrière, un piler dorsal s’élève jusqu’au sommet de la couronne, consolidant l’ensemble. Les pieds de la déesse reposent sur une petite base rectangulaire. On note que les deux personnages ainsi que le siège et la base font partie d’un même ensemble contrairement aux figurines Co. 209 et Co. 210 pour lesquelles les sièges sont indépendants du groupe divin. Isis est coiffée d’une perruque tripartite surmontée de la couronne hathorique qui se compose d’un disque solaire flanqué de deux cornes de vache. La couronne est moulée dans la masse et est insérée dans un mortier qui surmonte la perruque. Isis est vêtue d’une longue robe moulante s’arrêtant au-dessus des chevilles. L’enfant est probablement nu et coiffé d’un bonnet. Il porte une épaisse mèche de l’enfance sur le côté droit du crâne.
La statuette Co. 2370 est de manufacture assez grossière. En effet, on remarque l’absence de cou et de détail anatomique pour la déesse, mise à part une poitrine volumineuse. Les traits de son visage sont arrondis. Son visage est carré avec des joues pleines, voire potelées. Le front est petit alors que les yeux sont grands et ouverts. Le nez est large et empâté alors que la bouche est petite et fine. Le court menton est volontaire. Enfin, les oreilles sont clairement modelées sur un même axe horizontal. Les épaules sont carrées, les bras massifs et sans détail de musculature. La taille n’est pas marquée, les jambes ne sont pas visibles au travers du tissu de la robe et les pieds, carrés et aplatis en leur extrémité, sont sommairement représentés. L’enfant possède des pieds ébauchés et ballants. De la tête d’Horus, seuls les oreilles et la mèche de l’enfance sont discernables.
Un large trou de suspension a été ménagé entre la base de la couronne d’Isis et le pilier dorsal. Conçue pour être vue de face et de petite taille, il est probable que la statuette Co. 2370 était destinée a être accrochée en hauteur et utilisée comme amulette.
Au-delà de l’image de l’amour maternel, les statuettes d’Isis allaitant Horus illustrent un des mythes fondateurs de la civilisation et de la royauté égyptiennes. Prodiguant ses soins au fils posthume d’Osiris, Isis assure la survie de son enfant et le protège des puissances maléfiques représentées par Seth. Mécontent de n’être que le frère du roi Osiris, Seth assassine son propre frère puis s’attaque à l’héritier du trône Horus. Or Isis, magicienne experte et déesse nourricière, cache son enfant dans les marais du Delta afin d’assurer la succession. Outre la symbolique mythologique, ces statuettes représentent également l’image du roi allaité par une divinité, image connue depuis l’Ancien Empire grâce entre autres aux Textes des Pyramides qui font mention d’Isis allaitant le roi (cf. LECLANT Jean, « Le rôle du lait et de l’allaitement d’après les Textes des Pyramides », JNES 10, 1951, p. 126). C’est par cet acte maternel que la déesse offre au souverain protection divine et le reconnaît comme étant de caractère divin. À l’origine, l’allaitement concerne exclusivement la survie du roi, avant d’être sous Montouhotep II (Moyen Empire, premier roi de la XIème dynastie), associé au couronnement pharaonique. En affirmant sa filiation au dieu Horus-enfant, il lui accorde la légitimité nécessaire pour régner. L’allaitement assure ainsi la continuité et la perpétuité de sa souveraineté.
À la Basse-Époque, Isis obtient un culte propre qui la démarque peu à peu du mythe osirien et par conséquent des cultes funéraires. Dans la pensée populaire, elle est étroitement associée à Hathor, déesse vache incarnant la prospérité grâce à son image nourricière. Elle reprend ainsi symbolisme et attributs d’Hathor, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire de la couronne. Isis devient par la suite l’emblème de la féminité en tant qu’épouse d’Osiris et mère d’Horus et l’une des déesses les plus populaires. Pour une présentation générale d’Isis, voir DUNAND Françoise, Isis, mère des dieux, Paris, 2000 puis Arles, 2008 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Isis », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 244-249. Sur le rayonnement d’Isis dans le monde méditerranéen, voir le catalogue de l’exposition à Milan en 1997, ARSLAN Ermanno A. dir, Iside. Il mito, il misterio, la magia, Palazzo Reale, 22 février-1er juin 1997, Electa, Milan, 1997.
Ces statuettes, issues de commandes privées, étaient déposées dans les sanctuaires dédiés à la déesse afin d’accorder vie, prospérité et santé au dévot, comme Isis les a accordées à son fils et aux souverains égyptiens. Pour un corpus iconographique d’Isis lactans à l’époque gréco-romaine, voir TRAN TAM TIHN Vincent, LABRECQUE Yvette (coll.), Isis lactans. Corpus des monuments gréco-romains d’Isis allaitant Harpocrate, Etudes préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain 37, 1973.
Ce type de statuette était largement répandu à partir de la Troisième Période intermédiaire. Nombre de musées en possèdent dans leurs collections, en grande quantité. Nous ne donnons ici que quelques exemples datant tous de la Troisième Période intermédiaire ou de la Basse-Époque.
Musée du Louvre, Paris : Inv. N° E 3637, N 5022, AF 13341, E 3636 ...
Metropolitan Museum of Art, New York : Inv. N° 17.190.1641, 45.4.3a et b, 1972.62, 04.2.443 ...
Museo Egizio di Torino, Turin : Inv. N° Cat. 0154, S. 00034, S. 00033, Cat. 0156 ...
Penn Museum, Philadelphie : Inv. N° E 14293, E 14328, E 502, E 504, E 880 ...
Walter Art Museum, Baltimore : Inv. N° 54.415, 54.416, 54.417, 54.792 ...
Les collections du musée Rodin conservent d’autres exemples d’Isis Lactans, notamment Co. 209, Co. 210, Co. 1487, Co. 2409, Co. 2429, Co. 2433 et Co. 5787, en revanche, toutes ces oeuvres sont en bronze.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
Donation à l’État français en 1916.