ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE ROMAINE > 30 AVANT J.-C. – 395 APRÈS J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 7,3 cm ; L. : 4 cm ; P. : 1,8 cm
Co. 1333
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE ROMAINE > 30 AVANT J.-C. – 395 APRÈS J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 7,3 cm ; L. : 4 cm ; P. : 1,8 cm
Co. 1333
L’œuvre est en assez mauvais état de conservation.
La statuette est complète à l’exception du socle sur lequel elle reposait, mais du fait de son oxydation avancée, le métal est partiellement desquamé et concrétionné, ce qui atténue la finesse originelle des détails iconographiques.
La déesse Isis est ici figurée selon les canons hellénistiques et romains : debout en léger contrapposto, déhanchée vers la gauche et tête tournée vers la droite. Elle est vêtue d’un long vêtement plissé tombant jusqu’aux pieds et capuchonnant la tête, ne laissant à découvert que le visage et les avant-bras. Le voile laisse visibles les cheveux naturels de la déesse, qui couronnent avec élégance son front en deux bandeaux. Malgré le mauvais état de conservation général, il semble que la cape s’ouvre sous les genoux, laissant apparaître un deuxième tissu, également visible au niveau du col.
La déesse tient contre son épaule gauche une imposante corne d’abondance (ou cornucopia), débordant de fruits et de fleurs. Sur une statuette similaire du Walters Art Museum (Inv. N° 54.943), le poids de cette corne d'abondance nécessite même l'ajout d'une colonnette de support. Sa main droite tient un gouvernail de navire, dont l’extrémité inférieure a été, dans un souci de solidité, reliée au bas de sa robe. Si les détails en sont très mal conservés, les œuvres du British Museum Inv. N°1867,0508.761 et 1955,1215.1 et du Walters Museum (Inv. N° 54.751), en donnent un aperçu.
Gouvernail et corne d’abondance font écho aux attributions de Fortuna, déesse de la destinée et de la chance. Cette iconographie d'Isis-Fortuna a été le type le plus répandu dans les territoires de diffusion des cultes isiaques. Si le gouvernail peut être attribut de Pélagie, une épiclèse de Vénus patronne de la navigation, il est surtout la métaphore d’une vie guidée par la bonne fortune. Dans le monde hellénistique, une divinité équivalente existe depuis le IVème siècle sous le nom de Tyché. Elle pouvait être protectrice des villes ou incarnation du destin glorieux d’un souverain, comme sur la statuette personnifiant la Tychè de la ville d’Antioche conservée au Louvre (Inv. N° Br. 4453).
Quant à la corne d’abondance, elle évoque la richesse et la fertilité et c’est ce dernier aspect qui fait la liaison avec Isis. Sœur-épouse d’Osiris et déesse magicienne puissante, elle est, très tôt dans l’histoire égyptienne et particulièrement dès le Nouvel Empire, surtout célébrée comme déesse-mère par excellence. Son fils Horus esten effet issu de l’union posthume qu'elle concrétisa avec Osiris, démembré par son frère Seth. Isis, après avoir rassemblé toutes les parties du corps de son époux grâce à des bandelettes, se transforma en milan pour ranimer la virilité d’Osiris et rendre ainsi possible la conception de leur héritier : Horus. A la Basse-Epoque, son culte propre gagne en puissance (BRICAULT 2013 ; pour une présentation générale d’Isis, voir DUNAND Françoise, Isis, mère des dieux, Paris, 2000, réédition Arles, 2008) et elle se démarque peu à peu du mythe osirien et de ses aspects funéraires. Dans la dévotion populaire, elle est de plus en plus étroitement associée à Hathor, déesse-vache nourricière dont elle était déjà souvent rapprochée par le passé, et dont elle reprend les attributs, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire que l’on retrouve sur la couronne de la statuette Co. 1333. Symbole de la féminité par excellence, c’est également son lien avec la notion de fertilité en général qui justifie, après la conquête grecque, son assimilation tantôt à Aphrodite, tantôt à Tyché.
Cette identité syncrétique est aussi apparente dans la couronne portée par la déesse, nommée basileion, et mêlant iconographies hellène et égyptienne. En son centre, un petit disque solaire encadré de deux hautes plumes (voir Malaise, 1976) et de deux cornes de vache lyriformes surmonte un croissant de lune à l’horizontale. La forme de la couronne est ici altérée par la corrosion du métal, mais est bien plus clairement identifiable sur une statuette conservée à la Bibliothèque nationale de France (bronze Inv. N° 632), ou encore une trouvaille similaire provenant de Pompéi (Naples, National Archaeological Museum, Inv. N° 125.709 (Amoroso 2017). Témoignage de l'immense succès du culte d'Isis à l'époque romaine, ce type de figurine votive réalisée en bronze était en effet diffusé dans l'ensemble du bassin méditerranéen (en témoignent les différents objets exposés à Milan en 1997, in Iside 1997). Comme il était en général associé à de petits autels situés dans les demeures privées, on peut voir en la figurine Co. 1333 un exemple d'ex-voto. En contrepartie des offrandes déposées chaque jour, les divinités de ces autels domestiques apportaient aux membres de la maisonnée protection, chance et bonheur.
Les collections du musée Rodin conservent d’autres œuvres en bronze de la déesse Isis, notamment Co. 214, mais aucune de même type que la figurine Co. 1333.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : 209.
Donation à l’État français en 1916.