ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE ROMAINE > 30 AVANT J.-C. – 395 APRÈS J. C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 6 cm ; L. : 4,2 cm ; P. : 3,4 cm Co. 1324
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE ROMAINE > 30 AVANT J.-C. – 395 APRÈS J. C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 6 cm ; L. : 4,2 cm ; P. : 3,4 cm Co. 1324
L’œuvre présente un mauvais état de conservation.
Le métal est oxydé, particulièrement dans les plis du corps, notamment à l’aine, au coude et dans le dos. Il manque le bras gauche et l’attribut qui couronnait l’enfant. De larges et profondes fissures parsèment l’œuvre sur les jambes, le bras restant et dans le dos.
La figurine Co. 1324 représente le dieu-enfant Harpocrate selon une iconographie romaine. Le doigt porté à la bouche relève de l’iconographie égyptienne, attitude caractérisant les représentations d’enfant dans l’imagerie pharaonique (voir par exemple les statuettes d’Harpocrate du musée Rodin Co. 687, Co. 774, Co. 789, Co. 791, Co. 810, Co. 2385 et Co. 5614, dont deux d’époque romaine, Co. 1211 et Co. 1455).
Harpocrate est assis, les jambes pliées. Il adopte un léger mouvement, les pieds ballants. Sa jambe gauche est placée plus haute que la droite et les deux pieds sont tournés vers la droite dans une position naturelle. Il est plausible de restituer qu’Harpocrate était assis sur un élément, par exemple un lotus comme sur la statuette du Kunst Historisches Museum de Vienne 5917 ou la figurine du British Museum 1824,0443.10. Son bras droit est plié vers son visage, tourné vers la droite. Poing fermé, il pose son index sur sa lèvre inférieure.
Entièrement nu, les proportions menues et les rondeurs de son corps correspondent à l’image d’un enfant en pleine santé. Au sommet de son crâne, une cavité circulaire suggère l’ajout d’un élément de type couronne, aujourd’hui disparu, par exemple un petit pschent(voir pour comparaison l’œuvre du Kunst Historisches Museum de Vienne citée plus haut, ainsi que celle du British Museum 1756,0223.9. Sa tête est assez volumineuse. De celui-ci se dégagent les détails patinés du visage. Les yeux, traités en creux et en amande, encadrent un petit nez rebiqué qui surmonte lui-même une petite bouche pulpeuse. Les oreilles sont fondues dans la masse métallique. Petites, elles sont placées à une hauteur naturelle. Le cou est court et présente un repli de chair et introduit un buste potelé, aux épaules rondes. Les parties génitales sont aujourd’hui masquées par des concrétions.
Les membres supérieurs et inférieurs sont modelés de la même manière, c’est-à-dire très ronds et charnus. L’anatomie des membres inférieurs suggère qu’il s’agit d’un très jeune enfant, qui ne sait pas encore marcher. Les pieds semblent avoir présenté à l’origine des orteils dissociés les uns des autres.
Harpocrate est une divinité bien connue dans l’art égyptien. Son nom égyptien Horpakhered, « Horus l’Enfant », a été transcrit par les grecs en Harpocrate. Sa première attestation date de la XXIe dynastie et sa première représentation de l’an 22 de Chéchanq III sur une stèle commémorant une donation pour le « flûtiste d’Harpocrate » (cf. FORGEAU Annie, Horus-Fils-d’Isis, La Jeunesse d’un dieu, BdE 150, Le Caire, 2010, p. 308).
Harpocrate est, à l’époque de sa création, Khonsou-l’enfant, fils d’Amon et de Mout et fait partie de la triade divine thébaine. Il devient ensuite un dieu à part entière, c’est-à-dire Horus l’Enfant, fils d’une union posthume entre Osiris et Isis. Enfant royal, son front est décoré d’un uraeus. Le dieu Seth, son oncle, cherchant à le tuer afin d’acquérir le pouvoir dont il doit hériter de son père, Harpocrate est élevé dans les marais de Chemnis, à l’abri de Seth. De par son histoire, il obtient une double symbolique, il est à la fois le nouveau soleil du matin et l’héritier divin qui doit succéder à son père, ce qui fait de lui le représentant et la représentation idéale du roi. Les pouvoirs divins qui lui sont attribués évoluent rapidement. En effet, d’après sa mythologie, sa mère Isis l’aurait guéri d’une piqûre de scorpion. Il obtient ainsi des capacités guérisseuses et protectrices face aux animaux dangereux comme le montre les stèles dites d’« Horus sur les Crocodiles ». Sur ce type de stèle, on peut voir Horus enfant maitrisant de chaque main un animal considéré comme dangereux, tels que les lions, les serpents ou les scorpions. On peut également mentionner Nepri, dieu du grain et de la moisson, qui peut être représenté nu avec un doigt à la bouche. Harpocrate, qui possède la même iconographie, devient alors un dieu de la fertilité lié à Min et aux cultes agraires.
L’iconographie égyptienne d’Harpocrate, dieu populaire à la fin des temps égyptiens, est simple et reconnaissable. Il s’agit d’un enfant nu portant la mèche de l’enfance du côté droit du crâne et généralement l’index à la bouche. Il peut être debout, assis sur un trône, sur une fleur de lotus ou sur les genoux d’une déesse qui l’allaite. Ses coiffes varient selon la divinité qu’il représente et c’est pourquoi, en plus de son iconographie infantile, il est l’image de tous les fils des triades divines et est ainsi naturellement distingué comme protecteur des enfants. De par son aspect juvénile caractéristique, nudité et attitude naïve du doigt sur la bouche, bonnet enserrant le crâne avec mèche de l’enfance, proportions des parties génitales, et enfin rondeur des joues et du ventre, Harpocrate devint l’image de tous les dieux enfants d’un panthéon égyptien de plus en plus sophistiqué. Les très nombreuses statuettes en terre cuite ou en bronze datant de l’époque hellénistique et romaine attestent de la popularité de son culte dont l’apogée se situe durant le IIe siècle de notre ère. Ici, avec l’œuvre Co. 1324, Harpocrate arbore une iconographie romaine. En effet, l’attitude naturelle de cet enfant, ainsi que le modelé du corps très charnu suggèrent une datation à l’époque romaine.
Enfin, notons que les auteurs classiques ont mal interprété le geste du doigt sur la bouche et l’ont compris comme étant « un symbole de discrétion et de silence », interprétation reprise par la suite par les ésotériques. En aucun cas cette attitude fait mention d’un quelconque respect des dieux par le silence. Ce geste de placer le doigt sur la bouche pour marquer le silence est un geste de notre époque et de notre culture et ne peut pas être appliqué aux égyptiens anciens. L’attitude d’Harpocrate est simplement l’image de l’enfance comme l’est la mèche tressée sur le côté du crâne.
Le musée Rodin conserve de nombreuses œuvres du dieu Harpocrate, Co. 687, Co. 774, Co. 789, Co. 791, Co. 810, Co. 2385 et Co. 5614, dont deux d’époque romaine, Co. 1211 et Co. 1455. En revanche, le modelé du corps de Co. 1324 le rend exceptionnel par rapport aux exemples cités plus haut.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
Donation à l’État français en 1916.