Égypte > provenance inconnue
IIe-IVe siècle ap. J.-C. ?
Os, tibia de bœuf, face postérieure
H. 8,5 cm ; L. 3,6 cm ; P. 1,2 cm
Co. 2151
Égypte > provenance inconnue
IIe-IVe siècle ap. J.-C. ?
Os, tibia de bœuf, face postérieure
H. 8,5 cm ; L. 3,6 cm ; P. 1,2 cm
Co. 2151
Le fragment d’applique se caractérise sur la face externe par une teinte beige grise en raison d’une légère couche de salissure. On note aussi quelques accents légèrement verdâtres. Le revers offre une coloration plus ocrée. Les parties senestre et inférieure sont manquantes. La cassure qui ampute le visage de sa moitié gauche, suit la ligne décrite par l’arrondi de la joue et la chevelure du personnage. La matière osseuse révèle un fendillement longitudinal généralisé. On remarque la présence de marques noires d’aspect gras sur les éléments les plus en saillie. Outre d’abondants sédiments, de discrètes traces d’ocre se distinguent aussi dans les zones en creux.
La partie conservée de la pièce autorise l’identification d’un masque de théâtre féminin. Le visage vu de face révèle encore une joue pleine et un nez droit qui surmonte une petite bouche fermée aux lèvres charnues. L’œil grand ouvert est surplombé par une sourcil arqué. La chevelure torsadée retombe en mèche bouclées dans le cou. Une mitra ou un foulard semble ceindre le haut de la tête.
Les représentations de masques ne sont pas particulièrement fréquentes sur les placages de mobilier en os et ivoire supposés provenir d’Égypte, et présentent des modèles assez éloignés du nôtre. Une série de petites plaquettes, ornées en leur centre d’un masque entouré d’aiguilles et de pommes de pin, répond à un même carton, bien que le type du masque diffère selon les exemplaires (DAWID 2003, p. 66, n° 168 pl. 32 ; MARANGOU 1976, p. 60, n° 215-216 p. 125, pl. 65 d-e). La pièce du musée Rodin (Co. 2156) accueille une tête joufflue à la courte chevelure bouclée.
Deux appliques semi-circulaires conservées au département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France (froehner.904j), et au musée national de Varsovie (147070 : RODZIEWICZ 2016, fig. 135 p. 126), présentent un décor incisé, et sans doute autrefois incrusté de résine colorée, de deux masques féminins à haut onkos. Deux autres spécimens aux format proche abritent un masque entouré de deux volutes d’acanthe (LOVERDOU-TSIGARIDA 2000, n° 4-5 p. 249-250). Un petit élément de placage carré faisant appel à la même technique, conservé également à la Bibliothèque nationale de France, mais sans provenance avérée, révèle lui aussi, un masque de théâtre (froehner.357bis).
Les fouilles des quartiers royaux d’époque ptolémaïque à Alexandrie (fouilles archéologiques du Centre d’études alexandrines au jardin du consulat britannique), ont livré un masque de théâtre en ivoire, aux yeux et aux lèvres autrefois incrustés (CON 96. 101130.2.56 (12) : RODZIEWICZ 2077, n0 1 p. 59-61, pl. 1, pl. 85, 1a ; RODZIEWICZ 2016, p. 12-13). D’après E. Rodziewicz, ce masque aux traits schématiques, délicatement sculptés, s’insérait vraisemblablement dans une frise décorant une pièce de mobilier. Un masque de théâtre représentant Dionysos a été mis au jour dans les années 1920 sur le site d’Aboukir (BRECCIA, p. 80, fig. 3 pl. LXIV ; RODZIEWICZ 2016, p. 13, fig. 6 p. 15). Ce masque d’une grande qualité de facture, se réfère, selon E. Rodziewicz, à un prototype de l’époque ptolémaïque. Un fragment découvert sur le site de Kôm el-Dikka conserve le sommet d’une chevelure de masque de théâtre (RODZIEWICZ 2016, p. 170, fig. 196 p. 172). Le Museo Egizio de Turin possède un fragment de masque aux boucles calamistrées retombant en mèches étagées (S. 1185 : GHIRINGELLO & TRAPANI 2021, fig. 20 p. 115), ainsi qu’un masque comique (C. 6494 : GHIRINGELLO & TRAPANI 2021, fig. 32 p. 122-123)
Puisqu’aucun de ces exemples ne se rapproche véritablement du fragment du musée Rodin, il nous faut davantage nous tourner vers les plaquettes d’incrustation en verre égyptiennes, produites à la fin de l’époque ptolémaïque et au début de l’époque romaine. Ces plaquettes, qui convoquent la technique du verre mosaïqué, comprennent une catégorie dédiée à l’illustration des masques de la Nouvelle Comédie, dont Ménandre est l’un des meilleurs représentants. Plusieurs auteurs (T. B. L. Webster, M. Stern et B. Schlick-Nolte, S. Auth et C. Mahnke) se sont employés à établir une corrélation entre les masques figurés sur les plaquettes et la liste citée par Pollux dans l’Onomasticon, au IIe siècle ap. J.-C. La plupart des masques féminins dépeignent des courtisanes, mais leur apparence n’est pas en tout point identique aux descriptions de Pollux. Le détail de la coiffure du masque de l’applique du musée Rodin pourrait faire songer au type Ab 8 défini par C. Mahnke : celui de l’hétaïre diamitros (au bonnet) (MAHNKE 2008, p. 55-56, n° 124-130 p. 155-159). Sa chevelure, sans frange, paraît surmontée d’un couvre-chef. Dans l’Onomasticon, Pollux indique que le personnage à la tête ceinte d’une mitra. Un fragment de décor incrusté conservé au département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre est dévolu à ce personnage féminin : l’hétaïre porte sur cet exemplaire, un foulard noué en pointe (E 22927, ARVEILLER & NENNA 2011, p. 386, n° 642 p. 390-391)
Souffrant d’un manque d’analogies, le fragment du musée Rodin ne peut être facilement daté. S’il se réfère sans doute à un modèle établi à l’époque hellénistique, et mérite d’être mis en rapport avec des occurrences relevant d’autres domaines artistiques, la technique mise en œuvre, ainsi que la stylisation de la chevelure, nous engagent à proposer une exécution entre le IIe et le IVe siècle.
Anépigraphe.
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.