Sistre hathorique

Partie supérieure du manche

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 6 cm ; L. : 5,8 cm ; P. : 5,3 cm 

Co. 3096

Comment

State of preservation

L’œuvre présente un très mauvais état de conservation. 

Le métal est extrêmement oxydé et concrétionné sur l’ensemble de l’œuvre et a pris une teinte vert-de-gris. Elle est percée d’une large cavité approximativement carrée sur le dessus de la tête, due probablement à l’arrachement de la partie supérieure du sistre, c’est-à-dire l’instrument de musique en lui-même. Les deux visages hathoriques étaient à l’origine recouverts d’incrustations en or, faïence et pâte de verre dont quelques fragments subsistent encore au niveau des yeux, du cou et de la coiffe. 

Description

L’œuvre Co. 3096 représente la base décorative d’un sistre, instrument de musique et attribut de la déesse Hathor. Cette tête à double face, placée à la base de l'instrument, servait de caisse de résonance.

Ce fragment présente sur deux faces adossées le visage de la déesse, coiffée d’une perruque tripartite très épaisse. Les pans ainsi que le dessus de la coiffe sont striés de trois bandeaux en saillie ; l’espace créé entre chacune de ces bandes était originellement comblé par des incrustations de faïence dont seuls quelques fragments subsistent encore. La pâte de verre bleu foncé est une alternative bien moins coûteuse au lapis-lazuli, importé d’Afghanistan ; sa couleur était considérée comme équivalente au noir et en tant que telle souvent employée pour représenter les chevelures. Malgré l’état de surface de l’objet, le modelé était originellement assez fin : les yeux sont incrustés de pâte de verre beige et surmontés de fins sourcils, le nez épaté et la bouche souriante. On remarque une épaisse jointure en relief reliant les deux visages, qui ont probablement été moulés séparément (sur les différentes techniques, voir HILL 2009, p. 123-128).

 

Hathor possède de multiples facettes dans la mythologie égyptienne. L’une de ses attributions les plus importantes et les plus anciennes l’associe à la fertilité, en tant que déesse-vache. Hathor est en effet assimilée, dès la fin de l’Ancien Empire, à une divinité plus ancienne dont elle reprend l’iconographie sous forme de visage humain vu de face et pourvu de cornes et d’oreilles de vache. Son lien très fort avec la monarchie l’amène de plus très tôt à assumer le rôle de nourrice céleste pour le roi enfant. Ces attributs bovins sont une constante de l’iconographie d’Hathor tout au long de l’époque pharaonique : on reconnaît ici clairement les oreilles de vache, creuses en leur centre pour leur donner profondeur et réalisme, de part et d’autre du visage triangulaire de la déesse. Le visage hathorique vu de face est très caractéristique de la décoration des sistres, mais se retrouve aussi dans d’autres contextes, notamment sous la forme de chapiteaux de colonnes, dont les plus célèbres peuvent être admirés avec toute leur polychromie dans le temple gréco-romain de Denderah. Pour un exemple de la diffusion de l'image de la déesse dans le bassin méditerranéen, voir le recensement d'Aurélie Carbillet à Chypre (CARBILLET 2011).

 

La large ouverture en forme de huit, sous l’œuvre, accueillait originellement le manche du sistre, dont aucune trace n’est désormais visible. Ce type d’instrument, une sorte de crécelle émettant des sons métalliques par entrechoquement de petites rondelles en métal, était utilisé essentiellement dans un contexte rituel. Particulièrement important dans le culte d’Hathor, il est un important vecteur d’apaisement pour la déesse qui, lorsqu’elle est en colère, possède une personnalité beaucoup moins avenante. Plusieurs mythes mettent en scène la colère d’Hathor, qu’elle se soit enfuie en Nubie et doive être charmée et  apaisée pour revenir de son lointain exil, ou que, sous les traits de la lionne Sekhmet, elle ait été envoyée par Rê pour punir l’humanité de son impiété. 

 

Le sistre est également mythiquement lié aux attributions érotiques d’Hathor, associée à la féminité, la sensualité et les pulsions amoureuses. Plusieurs textes anciens mettent en relation le sistre, instrument de musique par excellence d’Hathor, et Atoum le démiurge. En effet, d’après le mythe héliopolitain de la création du monde, Atoum donne naissance par masturbation aux jumeaux Chou et Tefnout. Cette action procréatrice solitaire, élément fondamental dans le processus d’organisation de la création, se voit même personnifiée par la déesse Iousââs, dont le nom, suffisamment univoque, signifie « elle vient et elle grandit ». Les arceaux du sistre sont métaphoriquement assimilés aux mains jointes du démiurge enserrant son sexe tandis que les tringles, par leur mouvement, évoquent l’acte sexuel et font écho aux fonctions érotiques de la déesse.

 

Le sistre est un des instruments de musique de la civilisation égyptienne bien connu. Des sistres sont conservés dans de nombreux musées, réalisés principalement en bronze ou en faïence. Ce type d'objet, qui adoptait la forme d'un sanctuaire matérialisé par un manche en colonne à chapiteau hathorique, pouvait servir d'offrande votive de prestige à la divinité.

Musée du Louvre, Paris : N 5038, E 3668, E 8063, AF 325, E 22680, E 1780, E 10244, E 11201, E 678, E 681, E 8076 et E 8077.

Metropolitan Museum of Arts, New York :30.8.429, 30.8.431, 30.8.427, 30.8.428, 30.8.430 et 68.44.

Museo Egizio di Torino, Turin : Cat. 6257, Cat. 1403 ,Cat. 6853, Cat. 6253, Cat. 6254, Cat. 6255 et Provv. 0784.

Penn Museum, Philadelphie : E13002, E 12, E15273 (manche de sistre), 54-33-5, E14249 et CG2015-4-423.

Walter Art Museum, Baltimore : 54.493 et 54.1207.

British Museum, Londres : EA6368, EA38175, EA6357, EA6365, EA63573, EA6356, EA30735, EA65254, EA38172, EA6371 et EA64558.

Related pieces

Les collections du Musée Rodin conservent un autre fragment de sistre hathorique, Co. 794

Inscription

Anépigraphe.

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 64, "Double tête d’Hathor en bronze, les yeux [...]. Rehauts de faux lapis dans les rainures du bas de la coiffure. [...] Basse époque. Haut 6 cent. Estimé 400 frs. "

Donation à l’État français en 1916.

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