Isis Lactans

Isis allaitant Horus l'Enfant

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

TROISÈME PÉRIODE INTERMÉDIAIRE OU ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXIe - XXXIe dynastie > 1069 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 13 cm ; L. : 3,4 cm ; P. : 5,2 cm 

Co. 2409

Comment

State of preservation

L'oeuvre présente un très mauvais état de conservation.

Il manque le bras droit d’Isis et une partie de sa couronne, la moitié des jambes d’Horus et la majeure partie de sa tête, complètement rongée. Le bronze est en très mauvais état. Il est fissuré sur l’ensemble de sa surface. Les couches externes du métal se sont fragmentées, allant jusqu’à faire disparaitre par endroit plus de la moitié de la masse originelle des personnages. Le visage, les pieds de la déesse et l’arrière de sa perruque sont les parties les mieux conservées.

 

La surface noire, fissurée et fracturée pourrait avoir été exposée au feu (incendie). Elle garde des traces de terre d’enfouissement sablonneuse et ocre jaune qui dans le futur pourront donner des informations quant au contexte de découverte. Des chlorures sont visibles sur l’œuvre. La vis en fer aidant au soclage est très oxydée. 

Description

L’œuvre figure une déesse portant un enfant sur ses genoux. Il s’agit d’un type de statuette bien connu, où la déesse Isis allaite son fils Horus-l’Enfant, appelé également Harpocrate. Sur cette forme d’Horus (Hor-pa-Khered en égyptien, Harpocrate en grec), image populaire du dieu-fils du panthéon égyptien, voir SANDRI Sandra, Har-pa-Chered (Harpokrates). Die Genese eines ägyptischen Götterkindes, OLA 151, 2006 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Harpocrate », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 173-175. Suivant une posture classique à l’iconographie d’une déesse allaitante, Isis soutenait de sa main gauche la tête d’Horus, aujourd’hui disparue, et posait sa main droite sur son sein gauche pour faciliter l’allaitement. Ses jambes étaient probablement jointes. Horus est assis sur les genoux de sa mère, les bras le long du corps et les jambes serrées.

Isis est coiffée d’une perruque tripartite, probablement surmontée à l’origine de la couronne hathorique composée d’un disque solaire flanqué des cornes de vache. Il ne reste aujourd’hui de cette couronne que le socle composé d’uraei qui la supportait. Le visage, les pieds de la déesse et l’arrière de sa perruque sont les parties les mieux conservées, laissant imaginer la finesse de son état d’origine. À l’arrière du crâne, il est possible d’observer que les boucles de la perruque sont soigneusement détaillées. La déesse est vêtue d’une longue robe moulante descendant jusqu’aux chevilles. Horus est nu. Seule la partie gauche de sa tête est conservée, complètement rongée et sur laquelle rien ne peut être observé.

Isis a un visage rond avec des joues pleines. Son front rectangulaire couronne ses sourcils arqués et la corrosion accorde aujourd’hui à ses grands yeux un aspect globuleux. Le nez est court et empâté et l’ouverture de la bouche, aux lèvres fines, est particulièrement large. Les oreilles sont grandes et placées sur un axe horizontal. Malgré la perte de plus de la moitié de la masse du bronze, on remarque que les épaules sont étroites et les bras assez courts. La taille est marquée. Enfin, les chevilles larges se poursuivent sur des pieds rectangulaires. Les orteils sont longs et fins, les ongles marqués. Les pieds de la déesse reposent sur une petite base creuse carrée. Le très mauvais état de conservation d’Horus empêche toute description.

 

La figurine était conçue pour être installée sur un siège, reposant sur un socle. Ce siège étant manquant, la statuette a été installée à une époque récente sur un socle en bois, assurant ainsi une bonne présentation de cette œuvre dégradée.

On note la présence de trois étiquettes anciennes. À l’arrière du socle en bois, une étiquette porte le numéro 614. Sous ce socle, une étiquette portant l’indication du numéro 352 correspond au numéro d’inventaire donné par Boreux en 1913. Sur le côté droit de la base en bronze d’origine, une étiquette indique le numéro 7.

 

Au-delà de l’image de l’amour maternel, les statuettes d’Isis allaitant Horus illustrent un des mythes fondateurs de la civilisation et de la royauté égyptiennes. Prodiguant ses soins au fils posthume d’Osiris, Isis assure la survie de son enfant et le protège des puissances maléfiques représentées par Seth. Mécontent de n’être que le frère du roi Osiris, Seth assassine son propre frère puis s’attaque à l’héritier du trône Horus. Or Isis, magicienne experte et déesse nourricière, cache son enfant dans les marais du Delta afin d’assurer la succession. Outre la symbolique mythologique, ces statuettes représentent également l’image du roi allaité par une divinité, image connue depuis l’Ancien Empire grâce entre autres aux Textes des Pyramides qui font mention d’Isis allaitant le roi (cf. LECLANT Jean, « Le rôle du lait et de l’allaitement d’après les Textes des Pyramides », JNES 10, 1951, p. 126). C’est par cet acte maternel que la déesse offre au souverain protection divine et le reconnaît comme étant de caractère divin. À l’origine, l’allaitement concerne exclusivement la survie du roi, avant d’être sous Montouhotep II (Moyen Empire, premier roi de la XIe dynastie), associé au couronnement pharaonique. En affirmant sa filiation au dieu Horus-enfant, il lui accorde la légitimité nécessaire pour régner. L’allaitement assure ainsi la continuité et la perpétuité de sa souveraineté.

 

À la Basse-Époque, Isis obtient un culte propre qui la démarque peu à peu du mythe osirien et par conséquent des cultes funéraires. Dans la pensée populaire, elle est étroitement associée à Hathor, déesse vache incarnant la prospérité grâce à son image nourricière. Elle reprend ainsi symbolisme et attributs d’Hathor, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire de la couronne. Isis devient par la suite l’emblème de la féminité en tant qu’épouse d’Osiris et mère d’Horus et l’une des déesses les plus populaires. Pour une présentation générale d’Isis, voir DUNAND Françoise, Isis, mère des dieux, Paris, 2000 puis Arles, 2008 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Isis », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 244-249. Sur le rayonnement d’Isis dans le monde méditerranéen, voir le catalogue de l’exposition à Milan en 1997, ARSLAN Ermanno A. dir, Iside. Il mito, il misterio, la magia, Palazzo Reale, 22 février-1er juin 1997, Electa, Milan, 1997.

 

Ces statuettes, issues de commandes privées, étaient déposées dans les sanctuaires dédiés à la déesse afin d’accorder vie, prospérité et santé au dévot, comme Isis les a accordées à son fils et aux souverains égyptiens. Pour un corpus iconographique d’Isis lactans à l’époque gréco-romaine, voir TRAN TAM TIHN Vincent, LABRECQUE Yvette (coll.), Isis lactans. Corpus des monuments gréco-romains d’Isis allaitant Harpocrate, Etudes préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain 37, Leyde, 1973.

 

Ce type de statuette était largement répandu à partir de la Troisième Période intermédiaire. Nombre de musées en possèdent donc dans leurs collections, et en grande quantité. Nous ne donnons ici que quelques exemples datant tous de la Troisième Période intermédiaire ou de la Basse-Époque.

Carlsberg Glyptotek de Copenhague : AEIN 161.

Musée du Louvre, Paris : E 3637, N 5022, AF 13341, E 3636 ...

Metropolitan Museum of Art, New York : 17.190.1641, 45.4.3a et b, 1972.62, 04.2.443 ...

Museo Egizio di Torino, Turin : Cat. 0154, S. 00034, S. 00033, Cat. 0156 ...

Penn Museum, Philadelphie : E 14293, E 14328, E 502, E 504, E 880 ...

Walter Art Museum, Baltimore : 54.415, 54.416, 54.417, 54.792 ...

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Les collections du musée Rodin conservent d’autres exemples d’Isis Lactens, notamment Co. 209, Co. 210, Co. 1487, Co. 2370, Co. 2429, Co. 2433 et Co. 5787.

Inscription

Anépigraphe.

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

 

BOREUX 1913 : 352.

 

Donation à l’État français en 1916.

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