Satyre portant une outre de vin

Applique de mobilier

Égypte > provenance inconnue

IVe siècle ap. J.-C. ?

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 16,5 cm ; l. 5,7 cm ; P. max 3,5 cm

Os de dromadaire, humérus, tibia ou fémur ?

Co. 2063

Commentaire

Etat de conservation

Cette applique, dont la taille devait être importante à l’origine, est brisée en plusieurs endroits. La fracture de l'os en haut des cuisses a engendré la disparition des jambes, tandis que toute la partie senestre de la pièce est manquante. La cassure longitudinale qui suit le galbe de la cuisse gauche, a consacré la perte du bras gauche. Une perforation, due à la minceur du tissu compact, peut être observée au-dessus de l’épaule gauche. D’ailleurs, le tissu spongieux réapparaît en surface sur la partie dextre du visage, le cou, et le haut du buste. Une fente part du poignet du bras droit, épouse le dos de la main du personnage, et se poursuit au niveau de l’outre. De petites taches ocre ponctuent en certains points la surface de la pièces et des traces de même couleur plus étendues marquent la surface interne.

 

Description

Alors qu’il progresse allègrement vers la droite, le satyre amorce une rotation vers la gauche, ou du moins, détourne le regard vers l’arrière. De sa main droite, aux doigts effilés, il retient l’outre de vin volumineuse qui repose sur son épaule. Le pan de drapé qui se déploie sous son coude, animé de trois plis et ponctué de petites incisions, indique la présence d’un manteau contrebalançant la nudité du jeune faune.

 

Contrairement à la plupart des pièces de mobilier convexes qui exploitent ce schéma iconographique, le bras est ici visible et non masqué par le manteau, comme sur les exemplaires du musée Rodin Co. 2055, Co. 2145, et Co. 2068. Outre le fait que ce détail permet d’insister sur la pression exercée par la main sur le contenant rempli de vin, ceci autorise la représentation de l’extrémité amincie de l’outre qui retombe en un appendice sur l’épaule droite. La texture de la peau de chèvre, à partir de laquelle l’outre a pu être confectionnée, est indiquée par des doubles incisions courbes (DELASSUS 2020, p. 51 n. 21). Cette volonté de traduire avec justesse les effets de matière se retrouve sur d’autres spécimens de la collection d’A. Rodin. En effet, les outres que portent les satyres des reliefs Co. 2055, Co. 2145 et Co. 2275 sont aussi parsemées de petites entailles plus ou moins profondes.

 

L’outre gonflée de vin circonscrit un visage large, représenté de trois-quarts. Entouré d’une chevelure formée de boucles stylisées entre lesquelles jaillit, sur le côté droit, une oreille pointue, il offre deux yeux globuleux. Ceux-ci surmontent un nez court, aplati et déformé. Les butées de la lame maniée par l’artisan pour déterminer les volumes des globes oculaires se lisent aisément sous les arcades sourcilières et le front bas. Les contrastes d’ombre et de lumière viennent jouer sur les yeux en forme de bille pour donner plus de vivacité à l’expression. Ce rendu, qui fait fi de la structure oculaire, s’inscrit d’un point de vue sculptural, d’après L. Marangou, dans la tradition illusionniste de la période hellénistique (MARANGOU 1976, p. 75).

 

La bouche, bordée de commissures enfoncées, se caractérise par une lèvre inférieure prononcée. Incisée sans grand soin, elle s’étire au-dessus d’un menton aplati, et d’une mâchoire carrée très marquée. La vue de trois-quarts du visage semble mal maîtrisée par l’artisan, et a été d’autant plus difficile à mettre en œuvre que le tissu osseux spongieux réapparaissait sur la joue gauche. La coiffure aux mèches serrées se démarque des chevelures aux boucles méticuleusement sculptées des satyres des pièces Co. 2055 et Co. 2086 du musée Rodin. La façon de recreuser l’intérieur des boucles, et le choix de leur conférer un contour anguleux par un geste nerveux, trouve un écho, peut-être plus raffiné, dans l’applique inv. 71.57 du Walters Art Museum de Baltimore (RANDALL 1985, p. 86-87, n° 128).

 

Au cou assez court, succède un torse allongé, vu de trois-quarts. Par sa posture, le buste renvoie à une série de reliefs de la même collection : Co. 2055, Co. 2068, Co. 2093, Co. 2101, Co. 2145, Co. 2195, Co. 2262-Co. 2313. Il procède également d’un modèle proche de celui qui a inspiré deux appliques du musée Benaki : 12757 (MARANGOU 1976, p. 93, n° 37, pl. 12b) et 18914 (p. 93, n° 38, pl. 12c). Pour autant, le traitement du corps nu du satyre l’éloigne de ces deux pièces à la plasticité affirmée.

Le torse étréci et étiré rappelle, par le caractère très appuyé de la notation des détails anatomiques, les éléments de placage Co. 2093 et Co. 2262-Co. 2313, mais s’en démarque par un manque de relief, et des volumes modelés avec bien moins de subtilité. Les profondes incisions matérialisant les clavicules, le sternum et la ligne blanche, ainsi que les muscles des côtes et les aréoles des seins, suppléent l’absence de souplesse des chairs. Un esprit similaire s’observe dans le traitement du buste de la pièce 3120 du musée Pouchkine de Moscou (BANK, BESSONOVA 1977, p. 161, n° 302). Le nombril n’est rendu que par une discrète incision surmontant un ventre très plat. Le bassin étroit s’accorde au reste du corps.

 

Si le type iconographique s’inspire de modèles attribués à la période sévérienne selon L. Marangou (cf. appliques 12757 et 18914, MARANGOU 1976, op. cit.), l’artisan manifeste moins d’aisance dans la traduction des volumes dans la matrice osseuse. Il en découle une certaine raideur du tronc et des membres, une sécheresse dans le rendu des chairs, et une schématisation de certains détails du visage. Ces caractéristiques nous engagent à ne pas dater la réalisation de cette applique avant le IVe siècle.

 

Comparaisons

-Athènes, musée Benaki, 12757, 18914 (posture et torse).

-Baltimore, Walters Art museum, 71.57 (chevelure).

-Moscou, musée Pouchkine, 3120 (torse).

-Paris, musée Rodin, Co. 2055, Co. 2145 (posture et torse), Co. 2093, Co. 2262-Co. 2313 (anatomie appuyée du torse).

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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